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Le meilleur pour bébé reste le sein

L’allaitement renforce le système immunitaire du nourrisson, aide la maman à perdre plus rapidement les kilos pris durant la grossesse et réduit le risque de toutes sortes d’affections à court et à long terme. Entre autres ! Mais qu’est-ce qui retient alors les jeunes accouchées à allaiter leur bébé ?

En dépit de toutes les améliorations apportées au lait artificiel, le lait maternel est inégalable. Il est plus sain, plus naturel, plus intime, plus hygiénique et finalement beaucoup moins cher que le biberon. L’allaitement au sein n’est pourtant pas une évidence pour toutes les mamans : en Belgique, elles ne sont que 6 sur 10 à démarrer l’allaitement, et plus nombreuses en Wallonie qu’en Flandre. Ce chiffre est d’ailleurs le plus bas chez les jeunes mères d’origine belge en situation de précarité ; les mamans d’origine étrangère allaitent beaucoup plus souvent, même lorsqu’elles vivent dans la pauvreté.

Grandes villes, petites villes

Celles qui auraient pourtant le plus à gagner – les mères défavorisées – sont les moins nombreuses à allaiter leur bébé. « Le lait maternel est l’alimentation optimale pour tous les nouveau-nés », souligne Lies Versavel, coordinatrice du Centre d’expertise pour l’allaitement maternel De Bakermat en Brabant flamand. « Il protège non seulement contre les infections et les affections chroniques durant les premiers mois et encore par la suite, mais diminue également le risque d’obésité, auquel sont davantage confrontés les enfants de milieux défavorisés. » À côté de cela, l’allaitement contribue à l’attachement entre la mère et l’enfant, un bienfait pour tous les deux. « Chez les mamans vulnérables, l’allaitement améliore leur image d’elles-mêmes. Certaines vont jusqu’à dire que c’est la première fois qu’elles font quelque chose de bien. »

Le centre d’expertise a dès lors étudié les obstacles à l’allaitement. « Nous avons été surpris de constater que les chiffres relatifs à l’allaitement chez les personnes défavorisées dans les grandes villes comme Anvers et Gand sont assez bons, meilleurs en tout cas que dans des plus petites villes comme Ostende et Beringen. Manifestement, l’encadrement et le soutien proposés dans les grandes villes fonctionnent. »

Médecins peu informés L’étude de De Bakermat s’est intéressée à l’entourage plus large de la maman vulnérable. « Les jeunes mamans reçoivent peu de soutien des médecins en la matière, affirme Lies Versavel. Elles sont mieux soutenues par les sages-femmes, entre autres, qui ne sont cependant pas toujours présentes. » Pour y voir plus clair, une série d’interviews approfondies ont été organisées avec des médecins traitants, des pédiatres, des gynécologues… à ce sujet. « En général, les médecins ne prennent pas le temps d’aborder de manière approfondie et motivante les avantages et l’approche pratique de l’allaitement maternel. La recherche internationale démontre pourtant que l’attitude neutre du médecin face à l’allaitement est vécue plutôt comme une attitude négative ; un soutien positif est dès lors absolument indispensable. » C’est ce qui explique que les médecins qui travaillent dans un « hôpital ami des bébés » ont une attitude nettement plus positive à l’égard de l’allaitement que les autres.

L’équipe s’est en outre penchée sur les directives médicales qui évoquent l’allaitement. « Dans celles qui portent sur la prévention de l’obésité, qu’elles soient belges ou internationales, on évoque à peine l’effet préventif de l’allaitement, alors qu’il a été prouvé scientifiquement », regrette Lies Versavel, qui constate que les connaissances relatives à la physiologie normale de l’allaitement chez les médecins sont particulièrement lacunaires. « Selon leurs propres dires, ils reçoivent trop peu d’informations à ce sujet durant leur formation. » Aussi, face à des difficultés d’allaitement, le médecin suggère trop rapidement de passer au biberon au lieu de s’atteler aux causes du problème.

L’impact de la publicité Mais les experts pointent du doigt, dans leur étude, l’influence importante de la publicité pour l’alimentation artificielle sur le choix de l’alimentation dans les familles défavorisées. Même si les producteurs de laits en poudre pour bébés ne sont autorisés à de la publicité que pour les « laits deuxième âge », autrement dit ceux destinés aux bébés de plus de six mois, la perception des spots publicitaires s’avère différente. « Entre un bébé de six mois et un de cinq mois, le spectateur ne voit guère de différence. Il a donc l’impression que la publicité parle de tous les bébés. Nous avons remarqué que certaines mamans défavorisées achètent le lait en poudre qu’elles ont vu dans la publicité, persuadées qu’il est forcément meilleur que leur propre lait », soupire Lies Versaevel.

L’Organisation mondiale de la Santé a adopté un code de conduite international pour la publicité des produits de substitution au lait maternel et plusieurs pays ont coulé cette recommandation en loi. Dans les pays où le législateur est plus sévère en matière de publicité pour les laits pour bébé en poudre, le pourcentage des mamans qui donnent le sein est significative-ment plus élevé, y compris chez les mamans défavorisées. Chez nous, la législation limite la publicité pour les produits s’adressant aux bébés de moins de six mois, mais…

Lignes d’action

Les résultats de l’étude montrent qu’il convient de consacrer davantage d’attention à la promotion de l’allaitement maternel. De surcroît, il ne s’agit pas seulement d’un choix individuel : la santé du nourrisson, la vulnérabilité de la mère, la pression et le comportement de son entourage, les connaissances du médecin, la publicité et les priorités des décideurs politiques… tout cela influence le choix entre sein et biberon, en particulier pour les bébés de familles vulnérables.

L’étude de De Bakermat a formulé des recommandations destinées à apporter une réponse à cette complexité. Elles portent sur la recherche scientifique, les directives, la collaboration, la formation des soignants, les campagnes promotionnelles, les actions dans les médias et une législation plus sévère en matière de mise sur le marché de produits de substitution au lait maternel. Espérons que les décideurs politiques leur prêteront une oreille attentive car l’allaitement maternel est encore loin de constituer une priorité.

Marleen Finoulst

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