© Editions Guy Trédaniel

Ecouter son corps pour mieux se connaître

L’approche somato-émotionnelle mise au point par l’ostéopathe liégeois Roger Fiammetti met en évidence les interactions entre le corps, les émotions et les maux. Et peut nous libérer de nombreuses tensions et douleurs.

Le Vif/L’Express : Selon vous, notre corps nous parle et nous ne l’écoutons pas. Pourquoi ?

Roger Fiammetti : Les gens sont friands de significations, d’explications et de décryptages, mais n’ont pas les clés pour décoder le langage du corps. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre, pour que chacun puisse apprendre et reconnaître par lui-même les signaux que le corps lui envoie en permanence sous forme d’émotions. On ne parle pas suffisamment du corps. On fait souvent le lien entre les émotions et les différents maux qualifiés de maladies psychosomatiques. Certains se tournent alors vers différentes thérapies psys, comme la sophrologie ou l’analyse transactionnelle, par exemple. J’ai pris le corps comme vecteur, car l’histoire de chaque individu est inscrite dans son corps.
Connaître son corps permettrait donc de résoudre tous les conflits intérieurs refoulés et de se débarrasser de nombreux maux ?
On m’a qualifié de « psychanalyste des tissus ». Ce qui m’intéresse, c’est de retrouver les émotions négatives enfouies dans le corps, tels la souffrance, la vexation, le rejet, la peur, le deuil, la mort, l’abandon, l’humiliation, l’identité, la colère, la culpabilité ou l’étouffement. Quand le corps parvient à se libérer de ses tensions tissulaires, il pourra se libérer de ses tensions émotionnelles. Le corps ne ment pas, ne se trompe pas, tout passe par le système limbique sans être interprété.

Le corps réagit aux émotions via le système limbique. C’est-à-dire ?

Le système limbique réunit différentes structures cérébrales qui interviennent dans les émotions et, aussi, dans la mémoire. C’est notre « disque dur » et notre « cerveau émotionnel ». L’amygdale, située dans le lobe temporal, est la structure la plus importante du système limbique. Elle capte les informations et les sensations relatives au danger et à la survie. Je vous donne un exemple. Vous marchez dans la forêt et vous voyez au sol une branche qui ressemble à un serpent. Immédiatement, votre coeur bat la chamade et votre première réaction est la fuite. A ce moment, l’hippocampe entre en action. Il s’agit d’une autre partie du système limbique qui peut être comparé à une base de stockage d’informations acquises. L’hippocampe cherche la bonne référence, décode l’information, la relativise et vous dit de ne pas paniquer devant une branche.

Nous avons tous une « carte émotionnelle ». Comment s’élabore-t-elle ?

Son élaboration commence dans la vie intra-utérine, se poursuit à la naissance et durant la petite enfance. Le f£tus ressent et capte, par l’intermédiaire des cinq sens, les sensations transmises par la mère. Elles vont alimenter son système limbique qui est en train de se former, puis vont s’inscrire et s’imprimer dans son corps, au sein des tissus. Tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Jadis, les scientifiques affirmaient que le f£tus ne ressentait rien. Les dernières découvertes en neurobiologie prouvent le contraire. Toutes les émotions ressenties durant la vie intra-utérine sont stockées dans cette « carte émotionnelle » et elles remonteront à la surface un jour ou l’autre. Si le f£tus a vécu des sentiments de honte ou d’étouffement, il sera sensibilisé à ces émotions, dans sa vie d’adulte, de façon anormale. Celui qui a connu le rejet se sentira attiré par des situations de rejet, car elles sont inscrites dans la carte émotionnelle. Un bébé qui est né avec le cordon ombilical enroulé autour du cou aura peur, plus tard, de porter un pull à col roulé ou une cravate. Chaque fois qu’une personne est confrontée à une émotion négative, elle va faire appel à la même émotion qui est stockée dans sa carte et sera déstabilisée. Tant qu’on n’a pas compris ce conflit, la vie vous resservira le même plat, de plus en plus pimenté. Cela dit, on peut changer cette « fatalité » en prenant la décision de suivre une thérapie.

En quoi consiste votre approche somato-émotionnelle ?

Elle va aider le patient à rechercher les causes émotionnelles qui créent le désordre neurovégétatif, conséquence de tensions internes et surtout anciennes, qui sont responsables des troubles fréquemment rencontrés et qualifiés de maladies psychosomatiques, tels les maux de tête, l’hypertension, les gastrites de stress, la constipation, les diarrhées, la tachycardie, les insomnies ou les pleurs incessants de bébé. Il s’agit d’une approche mécanique du corps, sans aucune intrusion, avec le soutien du thérapeute. Le corps se libère lui-même des n£uds inscrits au sein de ses tissus, parfois depuis bien longtemps. Cette méthode s’adresse à tous, de 0 à 99 ans.

Vous dites qu’elle traite « la cause de la cause ». Mais encore ?

Un traitement classique traite la conséquence. Par exemple, une douleur sera calmée par un massage ou un médicament antalgique. L’ostéopathie apporte une correction mécanique et s’attaque à la cause. L’acupuncture travaille sur les méridiens et traite aussi la cause. Dans l’approche somato-émotionnelle, on recherche la fragilisation causée par un désordre neuro-émotionnel récurrent qui prédispose l’individu à récidiver tant qu’il n’a pas réglé son conflit intérieur.

Le but final consiste à atteindre la tenségrité. De quoi s’agit-il ?
Ce terme vient de l’architecture et signifie un bon équilibre entre les forces de traction et de compression. Etant donné que notre corps est une cathédrale qui répond aussi à ces lois, pourquoi ne pas les appliquer pour retrouver la fluidité. En rééquilibrant une zone du corps, on rééquilibre tout l’organisme, car tout est relié. La fluidité physique sera suivie d’une fluidité psychologique.

Quel est le taux de réussite de votre méthode ?

C’est une méthode rapide, trois à quatre séances suffisent pour recouvrer la forme et le bien-être. J’obtiens 80 % de résultats positifs mais je suis le premier à dire qu’il ne s’agit pas d’une technique miraculeuse. Mon approche est complémentaire et s’adresse aux patients qui désirent résoudre des troubles qui leur compliquent la vie et chez qui des méthodes classiques n’ont donné aucun résultat. Cela dit, il y a des gens qui ne sont pas enclins à penser qu’une émotion peut influencer leur système digestif ou respiratoire.

Le livre contient 26 cartes illustrant les 26 vertèbres. A quoi servent-elles ?

Elles ont un aspect pédagogique et permettent à tout un chacun d’apprendre à localiser l’endroit douloureux et de mettre la vertèbre en relation avec son conflit émotionnel, responsable de trouble physique. Au verso de chaque carte, quelques exemples de cas vécus permettent à reconnaître des cas similaires. Nous sommes tous animés par des émotions, mais nous ne sommes sensibles qu’à certaines d’entre elles, en fonction de notre vécu. L’important est de dépasser sa souffrance qui est liée à ce vécu, pour laisser la place à l’expérience. Mon objectif est d’aider le patient à se lire comme un livre et à mieux se comprendre.

BARBARA WITKOWSKA

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