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Vaccins : utiles ou futiles ?

Les vaccins sont régulièrement mis sur la sellette et critiqués : ils sont considérés par certains comme inutiles, mal programmés dans le schéma vaccinal, voire dangereux. Le Dr Béatrice Swennen, spécialiste de la vaccination à l’Ecole de Santé publique à l’ULB, nous aide à y voir plus clair.

Alors que la vaccination de l’adulte relève davantage de l’initiative individuelle, chez l’enfant elle s’inscrit dans une politique globale de prévention et est régie par certaines réglementations. Si seule la vaccination contre la poliomyélite est obligatoire pour tous les enfants, pour ceux gardés en collectivité (crèche, gardienne…), l’ONE exige qu’ils soient également vaccinés contre la diphtérie, la coqueluche, l’Haemophilus influenzae de type b, ainsi que la rougeole, la rubéole et les oreillons. À part cela, les parents sont libres de vacciner ou non leur enfant contre les autres maladies prévues dans le schéma vaccinal (méningocoque C, hépatite B, pneu mocoque).

Critiqués, à tort ou à raison ?

Or, un mouvement minoritaire tente de dissuader des parents de faire vacciner les enfants. Le premier argument invoqué est le risque que l’enfant encourt à cause du vaccin même, risque tout de suite effacé d’un revers de main par Béatrice Swennen :  » Les vaccins d’aujourd’hui sont nettement plus sûrs que naguère. Les critères des études cliniques sont beaucoup plus sévères que par le passé. Les antigènes utilisés sont plus ciblés et purifiés, les virus sont tués ou inactivés, donc rendus inoffensifs. « 

Certains vaccins ont été associés à un risque accru de développer certaines maladies graves. On pense tout de suite à celui contre l’hépatite B accusé de provoquer une sclérose en plaques. Ici aussi, selon Béatrice Swennen, il s’agit d’une accusation gratuite qui ne repose sur rien : aucune étude n’a pu montrer de lien causal entre ce vaccin et la sclérose en plaques.

Mémoire courte…

Autre frein à la vaccination, la sous-estimation de la gravité potentielle des maladies contre lesquelles on entend protéger la population, surtout la plus vulnérable. Ce qui peut donner l’impression de  » futilité  » :  » Il ne faut pas oublier que ces vaccins ont été développés et généralisés parce que ces maladies étaient – potentiellement – dangereuses ! On a un peu trop tendance à l’oublier. La vaccination est en quelque sorte victime de son succès. Parmi les jeunes parents, qui se souvient encore de la gravité de la poliomyélite ?  » D’autres vaccins peuvent ne pas sembler prioritaires : c’est le cas du vaccin contre la varicelle.  » Il est vrai que les complications de la varicelle sont rares chez les petits : plus on fait une varicelle jeune, moins elle sera grave. Mais cette maladie connaît des pics épidémiques importants tous les 2-3 ans, période où le virus va se propager. S’il y a beaucoup d’enfants vulnérables, il va s’en contenter ; par contre, s’il n’y en a pas beaucoup, ce virus va se tourner vers d’autres cibles notamment des adultes qui n’auraient pas fait la varicelle étant jeune. Or ces adultes sont plus à risque de souffrir de formes sévères de la maladie ou s’il s’agit de femmes enceintes, un risque de transmission au foetus n’est pas exclu…  » Dans ce cas, la vaccination des jeunes adultes peut sembler nettement moins  » futile « .

Se protéger ou protéger les autres ?

Un autre argument pour ne pas faire vacciner un enfant est :  » Pourquoi le faire vacciner contre une maladie qui n’existe plus ?  »  » Tout d’abord, si ces maladies ne sont plus courantes, c’est justement grâce à une généralisation de la vaccination ! Dans certains pays, au cours des années 70, ce raisonnement, joint à la crainte non fondée des effets indésirables liés au vaccin, a mené à l’arrêt de la vaccination contre la coqueluche. Résultat : la maladie a refleuri et a de nouveau causé des décès chez des bébés…  » Mais la vaccination peut aussi être un geste de protection envers les autres. C’est le cas typique du RRO :  » Ce vaccin ne peut pas être administré avant 12 mois. En vaccinant les enfants d’un an qui vivent en collectivité, on protège avant tout les tout-petits car ils sont plus à risque de complications graves ! Mais pour être efficace, cette vaccination ‘altruiste’ doit être suffisamment étendue. Si elle ne touche que 50 % de la population, le virus continue à circuler, et peut alors s’attaquer à d’autres cibles, comme les femmes enceintes notamment. Pour être complètement efficace, il faut qu’au moins 90 % à 95 % de la population bénéficie de cette protection… « 

Pas concerné ?

Certains vaccins posent clairement question aux parents, mais aussi aux médecins. C’est le cas notamment du vaccin contre l’hépatite B. Puisque dans notre pays, il se transmet dans la très grande majorité des cas par voie sexuelle, pourquoi donc vacciner les nourrissons ?  » Tout d’abord, des mamans sont porteuses de ce virus et risquent de contaminer leur bébé très tôt ; les enfants peuvent aussi entrer en contact avec d’autres enfants porteurs. Mais il faut aussi savoir que même si ces bébés vaccinés entrent en contact avec le virus plus tard dans leur vie, ils ne deviendront jamais porteurs chroniques et ne souffriront donc pas de complications, comme la cirrhose ou le cancer du foie. Et surtout, il est plus facile de toucher une population de bébés que d’adolescents ! Enfin, grâce aux vaccins combinés, qui permettent de vacciner simultanément contre plusieurs maladies, on gagne en efficacité car ils permettent d’atteindre plus facilement une grande partie de la population.  » Et les chiffres le montrent : depuis que le vaccin hexavalent existe (toujours gratuit pour les parents, il protège contre la polio, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, Haemophilus influenzae de type b et l’hépatite B), la couverture vaccinale est passée en Wallonie de 65 % en 2003 à… près de 93 % en 2006 ! À Bruxelles, les chiffres sont passés de 42,1 % en 2000 à 88,4 % en 2006.

Tous utiles ?

Peut-on dès lors considérer qu’aucun vaccin n’est  » futile  » ?  » Ce n’est pas non plus parce qu’un vaccin est sur le marché qu’il faut l’utiliser et le recommander à tous ! Il faut voir le poids de la maladie, le coût qu’elle représente par rapport au coût de la vaccination et à la protection qu’elle confère. Par exemple, une rougeole ou des oreillons bloque un enfant à la maison 3 ou 4 semaines, ce qui lui fait encourir un risque de problèmes scolaires évitables… Par contre, vacciner contre la grippe saisonnière tous les enfants en âge scolaire pour protéger les adultes peut sembler démesuré, puisque la grippe saisonnière se complique très rarement chez un enfant de cet âge. La vaccination se réfléchit donc au fil du temps, en observant la population, selon les épidémies, la gravité des maladies… « 

Aujourd’hui, d’autres vaccins attendus, comme celui contre le virus syncytial respiratoire (VRS à l’origine des bronchiolites) – disponible en 2016 – et contre le cytomégalovirus (CMV, très redouté par les femmes enceintes). Reste à voir lequel bénéficiera d’une entrée dans un schéma vaccinal déjà bien rempli… Tout en sachant qu’une prise en charge financière par les autorités coûte évidemment très cher à la collectivité.

Par Carine Maillard

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