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Trébucher dès le départ

De nombreux joggeurs débutants ont tendance à dépasser leurs limites… et se blessent. Pour pouvoir faire du sport sainement, il faut débuter mollo !

En ce début de printemps, nombreux sont ceux et celles qui envisagent de se (re)mettre à la course à pied, un des sports les plus accessibles et pratiques parce que parfaitement flexible : pas d’horaires à respecter, pas de salle à fréquenter. Un rayon de soleil et hop, on chausse une paire de chaussures et on s’élance ! Certains se sont même inscrits à un programme de type Start-to-Run, une initiative qui connaît un grand succès car très sympathique et très motivante.

Le docteur Sam Moustie, du centre médico-sportif de l’Hôpital universitaire d’Anvers (S.P.O.R.T.S.), est un fan du programme Start-to-Run. Mais son expérience lui a tout de même révélé que même un programme léger peut s’avérer trop exigeant pour certains, surtout s’ils n’ont plus fait de sport depuis longtemps. « Les personnes en surpoids notamment risquent d’encourir des lésions de surcharge. Plus vous êtes lourd, plus vos tendons et vos articulations souffrent car exposés à des forces maximales élevées, à chaque foulée, un nombre incalculable de fois. Un conseil ? Optez d’abord pour un sport impliquant moins d’impacts répétés, comme le cyclisme, la natation, le fitness ou la musculation. Ensuite seulement, vous pourrez passer à un programme Start-to- Run. »

Les personnes très maigres forment elles aussi un groupe à risque. Généralement peu musclées, elles ont souvent des os légers et des articulations fragiles, et courent donc un risque plus élevé de fractures de stress. Enfin, de façon générale, tous ceux qui n’ont plus bougé depuis un certain temps et qui affichent une condition médiocre doivent absolument démarrer en douceur, pour ménager leur coeur. « Quand on est en mauvaise condition physique, le rythme cardiaque grimpe en flèche au moindre effort, ce qui n’est pas sans risque. Mieux vaut d’abord consulter un médecin. »

Débuts équilibrés

Il est bien connu que les sports qui améliorent l’endurance sont idéaux pour le coeur et les vaisseaux sanguins. Mais actuellement, la musculation revient en grâce. Elle n’est plus une discipline réservée aux seuls bodybuilders, loin de là ! Elle permet aux sportifs débutants de développer leur force musculaire sans imposer à leur corps une trop lourde charge. Et les efforts peuvent être mieux contrôlés lors d’une séance de musculation que durant une course.

La musculation est idéale pour les personnes faiblement musclées et/ou en surcharge pondérale. Leurs jambes ne sont généralement pas suffisamment musclées pour compenser les chocs, leurs articulations ne sont pas assez stables et leur attitude générale pas optimale. Sam Moustie les envoie donc d’abord chez le kinésithérapeute, qui leur apprend des exercices à pratiquer pendant plusieurs semaines avant de commencer à courir… en douceur.

Contrôle technique !

Un mauvais alignement des pieds et des jambes augmente également le risque de blessures. « Il n’est pas nécessaire d’avoir des pieds parfaits pour courir, précise Sam Moustie, mais il est clair que certaines particularités physiques génèrent un plus grand risque. Il est donc préférable de demander d’abord l’avis du médecin. Un contrôlé médical approfondi dans un centre spécialisé dure facilement une heure et n’est pas remboursé par l’assurancemaladie. Mais on repart avec un diagnostic nuancé et des propositions de réadaptation appropriées. »

Une mauvaise technique de course ? Cela peut se corriger, d’après le Dr Moustie, mais il faut beaucoup s’exercer pour acquérir la nouvelle technique et s’entraîner correctement pour ne pas commettre de nouvelles erreurs. Cela demande un accompagnement intensif, ce qu’un débutant n’appréciera guère. Il arrive parfois, face à certains irrécupérables, qu’il tente une réorientation vers des sports qui leur conviendraient mieux. « Il reste avant tout important de bouger ! Le sport pratiqué a finalement peu d’importance, et le choix est plus vaste qu’on ne le pense. La marche peut être une excellente alternative. Les balades organisées ne manquent pas et permettent de découvrir des régions que l’on ne visiterait sans doute jamais. »

Attention à la douleur

« La plupart des gens attendent trop longtemps avant de consulter, poursuit Sam Moustie. C’est dommage, car ils doivent alors souvent se résoudre à mettre fin à leur entraînement et ils perdent le contact avec leurs compagnons de course. Et il y a peu de chances qu’ils renouvellent l’expérience, hélas ! Quand on commence à courir, on a toujours un peu mal quelque part. Mais si une douleur revient de manière systématique, mieux vaut ne pas attendre plus longtemps. Peu importe que la douleur fasse son apparition au début de l’entraînement, pendant ou après. Consultez un médecin : mieux vaut prévenir que guérir, car une lésion avancée rend le rétablissement plus difficile. S’imaginer que la douleur va passer au fil de la course, c’est une erreur. » Les antidouleurs sont à déconseiller absolument, tant aux coureurs débutants qu’aux coureurs expérimentés. Ils estompent le problème, avec le risque d’aggravation.

Les muscles et le coeur (un muscle aussi) se modifient et s’adaptent à la course plus rapidement que les tendons, les articu lations et les os. Après quelques entraînements déjà, vous remarquerez que vous tenez le coup plus longtemps sans palpitations ni essoufflement excessifs. Certaines personnes progressent rapidement, de 10 minutes de course à une heure en 3 à 4 semaines. Cette augmentation rapide de la force musculaire et de l’endurance les rendent un peu téméraires… et les exposent aux blessures de surcharge. Ces dernières ne font leur apparition qu’après 6 à 8 semaines, voire plus tard. En réalité, il faut compter environ un an avant que les os et les tendons ne se soient adaptés de manière optimale aux sollicitations de la course à pied.

Emulation…

Le Dr Moustie met également en garde contre une erreur typique aux débutants : un entraînement trop intense ou trop long. « La plupart des joggeurs veulent sentir qu’ils ont fait du sport. Ils veulent pouvoir tordre leur T-shirt à l’arrivée ! C’est trop dur pour quelqu’un qui veut améliorer sa condition de base. » Idéalement, chacun devrait s’entraîner à son propre rythme, en fonction de sa condition. Si cela s’applique aux sportifs de haut niveau, c’est encore plus important pour les débutants. Dans les petits groupes de débutants, l’encouragement et le soutien mutuels sont tels que le risque que certains dépassent leurs limites est réel : « Les coureurs ne devraient écouter que leur propre corps. Si vous voulez continuer à faire du sport encore longtemps, il faut en retirer du plaisir. Sinon, vous ne tiendrez jamais le coup. Les schémas d’entraînement viennent en deuxième lieu. Ne courez pas pour épater les autres. Faites-le pour vous-même. Ne poursuivez pas d’objectifs trop ambitieux. Commencez modestement, voyez jusqu’où pouvez aller et allez-y progressivement. Ne vous laissez pas prendre au piège des paris et des promesses difficiles à tenir. Ne négligez pas les signaux d’alarme. » Pour cela, il ne faut pas uniquement se fier aux sensations éprouvées pendant et immédiatement après l’effort. Etre de bonne humeur en dehors de l’entraînement est un signal positif au moins aussi important. « Si vous devenez plus irritable, si vous perdez votre entrain, c’est probablement un signe que votre pratique sportive est trop ardue. » Enfin, Sam Moustie n’est pas opposé à l’usage d’un iPod ou MP3, mais il précise : « Vous risquez presque toujours de courir trop rapidement. Les débutants ont des difficultés à conserver un rythme calme. Avec de la musique dans les oreilles et une voix stimulante, le risque augmente encore davantage. »

Références:

  1. Biomed Central Musculoskeletal Disorders. 2007, 8: 24. www.biomedcentral.com/1471-2474/8/24
  2. American Journal of Sports Medicine. 2008; 36: 33-39.
  3. British Journal of Sports Medicine. online 26 Jul 2009. doi: 10.1136/bjsm. 2008.055723

Blessures en chiffres

20 à 30% des coureurs débutants se blessent. C’est ce que révèlent entre autres GronoRun, une étude de l’Université de Groningen (1-2), et une étude du professeur Eric Witvrouw de l’équipe Sciences de la Revalidation et Kinésithérapie de l’Université de Gand (3).

50 à 75% de toutes les blessures sont des lésions de surcharge. Cela veut dire que le coureur :

  • s’entraîne trop intensivement pour sa condition actuelle,
  • n’est pas assez attentif aux premiers signaux de surcharge,
  • n’adapte pas assez son schéma d’entraînement aux signaux de surcharge,
  • apporte trop peu de variété dans son entraînement.

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