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Pourquoi aime-t-on faire des listes ?

Muriel Lefevre

De nouvelles chaînes ou listes apparaissent chaque jour sur les réseaux sociaux, comme la liste de 10 livres qui vous ont marqué. Et les gens suivent comme un seul homme. Du Top 10, aux listes de choses à faire, pourquoi aimons-nous tant faire des listes ?

Si vous êtes sur Facebook vous avez forcément dû la voir passer. Un ami fait une liste de 10 livres qui l’ont marqué et nomine dix autres amis pour faire de même. Un curieux miroir aux alouettes puisque ces listes ne sont pas toujours très spontanées et nombreux auront tendance à se montrer plus originaux ou cultivés qu’ils ne sont. Mais ceci a quand même du bon puisque cela permet de sortir des chemins convenus du top 10 des ventes.

Stijn Van De Voorde, le monsieur livre de la radio flamande STUBRU, précise dans De Morgen que ce qui est surtout intéressant ce sont les livres qui reviennent d’année en année et qui permettent de deviner quels livres seront les nouveaux classiques du futur. Même si on peut aussi avoir des surprises. Certains peuvent rester dans le firmament de la smart attitude durant des périodes de plus de 7 ans avant de s’écrouler misérablement pour se transformer en lecture quelque peu honteuse que l’on lit en cachette.

Umberto Eco précise dans Der Spiegel que, pour lui, ces listes ne sont pas une caricature de la culture et au contraire la nourrisse. Son oeuvre est, elle aussi, pleine de liste et il a une explication toute personnelle à ce phénomène. « Nous ne voulons pas mourir. Or nous avons une limite qui est décourageante: la mort. C’est pourquoi nous aimons toutes ces choses desquelles nous pensons qu’elles n’ont pas de limites et donc pas de fin. C’est une façon d’échapper aux pensées morbides. »

Les « To do » listes

Mais il n’y a pas que les top 5, il y a aussi les listes de choses à faire. Et celles-ci occupent une place importante dans le quotidien de nombreuses personnes. Pense-bête, cela permet aussi de mettre de l’ordre dans sa tête tout en la libérant de chose que nous ne pouvons/voulons de toute façon pas retenir. Comme le dit Freud dans La Psychopathologie de la vie quotidienne, « notre inconscient se charge très bien de nous débarrasser de ce qui nous assomme en l’effaçant de nos pensées. Si nous oublions, c’est que nous n’avons pas envie de nous souvenir ». Véritable rappel à l’ordre, nous exécutons ces listes dans l’ordre que nous avons nous-mêmes établi. Ce qui parfois confine au masochisme. Mais le fait d’avoir mené à bien ces listes est synonyme d’intense satisfaction puisque l’on se décharge de la culpabilité que l’on ressent lorsqu’on ne respecte pas le pacte que l’on a passé avec soi-même.

Mais pourquoi s’imposer ça ?

Le fait de faire des listes nous donne l’illusion que nous maîtrisons notre existence en laissant peu de place au hasard, lui même régulièrement source d’angoisse. Comme le précise la psychiatre Stéphanie Hahusseau dans psychologie.com « la tolérance à l’incertitude est une chose très difficile à vivre. Nous vivons dans une société de l’hypercontrôle, avec des objectifs à remplir. Culturellement, nous sommes de moins en moins habitués à nous laisser porter, à être présents à ce qui se passe maintenant sans attente particulière ».

Mais cette impression de contrôle est souvent illusoire, car peu sont ceux qui arrivent à tenir leurs objectifs dans les temps impartis. Et cela est en grosse partie dû à la procrastination qui nous fait reporter à demain ce que l’on pourrait faire aujourd’hui. Mais aussi suite au principe de l’éternel recommencement. Car la vraie question est : que se passerait-il s’il ne nous restait plus rien à faire ?

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