Test-Achats a mené l'enquête auprès de 79 coachs en burnout. Résultat ? Pas glorieux... © CHRISTOPH HETZMANNSEDER/GETTY IMAGES

Méfiez-vous des « coachs en burnout »!

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Charlatans ou pas ? Les coachs n’ont pas toujours bonne réputation. Mais lorsqu’ils s’affirment spécialistes en burnout, leurs compétences sont d’autant plus primordiales. Test-Achats a mené l’enquête. Les résultats sont mitigés, pour ne pas dire alarmants.

Les fleurs de Bach ont, apparemment, des vertus insoupçonnées. Lassé, vidé, Eric s’est résolu à demander de l’aide. Son boulot l’irrite, sa mauvaise humeur l’agite, comme le souvenir de cet événement grave, dont il préfère ne pas parler. Il descend une bouteille de vin chaque jour. Et le coach à qui il s’est adressé lui préconise… un élixir floral. Un autre lui recommande de conserver une pierre précieuse sur lui, celui-ci lui conseille une cure de magnésium, celui-là de se mettre à l’équitation. Les chevaux ressentent si bien nos émotions.

Eric n’existe heureusement pas, pas plus que ses troubles, inventés pour les besoins d’une enquête réalisée par Test-Achats. L’association de défense des consommateurs vient de tester 79 coachs en burnout (huit ou neuf par province, choisis aléatoirement), après qu’un collectif de psychologues flamands a publié, en juin dernier, une lettre ouverte dénonçant l’usurpation de cette fonction.  » Nous recevons de plus en plus de patients déçus, écrivait leur porte-voix, Michaël Portzky. Ils ont gaspillé beaucoup d’argent et de temps pour des charlatans.  »

La majorité des « experts » consultés par Test-Achats sont autoproclamés.

Les fausses consultations de Test-Achats ne le détrompent pas. La majorité des  » experts  » consultés sont, en réalité, autoproclamés. Seuls huit avaient une formation de psychologue. Les autres ? Des diplômés en marketing et communication, en langues, en économie… Même un électricien, un manager Horeca ou encore un chimiste. Or, à peine un coach sur dix mentionne spontanément son pedigree scolaire. Lorsqu’  » Eric  » s’inquiétait de savoir s’ils étaient psys, quelques-uns ont même menti, affirmant  » avoir suivi des études psychologiques  » ou être  » psychanalyste « .  » Pourquoi ne répondent-ils pas « non », tout simplement ? s’interroge Gitte Wolput, auteure de l’étude. A nos yeux, c’est trompeur.  »

Tout comme le fait d’indiquer  » avoir suivi une formation en coaching  » ou être  » certifié « . S’il existe effectivement des formations et certifications, aucune n’est reconnue par les pouvoirs publics ou dispensée par des écoles en santé mentale. N’importe quelle structure privée peut organiser des cours, parfois par Internet ou au bout de quelques (onéreuses) journées d’apprentissage. Certaines ont meilleure réputation, comme l’ICF (International coach federation), une asbl généraliste qui octroie des reconnaissances selon le nombre d’heures de formation (minimum 60) et de pratique (minimum 100). Une association des coachs reconnus en stress et en burnout s’est récemment installée en Flandre.  » Notre but est justement de pouvoir faire la différence entre ceux qui sont outillés pour accompagner et ceux qui ne le sont pas « , note Stéphanie van de Perre, administratrice francophone qui s’attelle au développement wallon.

Moïra Mikolajczak (Life Coaching)
Moïra Mikolajczak (Life Coaching)© UCL

Déficit de formation

 » Ces certifications, c’est déjà mieux que rien « , considère Moïra Mikolajczak, professeure de psychologie à l’UCL et responsable du programme Life Coaching, destiné aux psychologues et psychiatres diplômés. Car, parfois, leurs connaissances aussi sont perfectibles.  » Dire qu’il n’existe pas de déficit de formation des psychologues dans le domaine du burnout serait malhonnête.  » Mais les professionnels sont habilités à poser un diagnostic différentiel (quel type d’épuisement ? quels autres troubles éventuels ? signes de dépression ? etc.) Pas les  » simples  » coachs. Certains ne s’en privent pourtant pas. Dans l’enquête de Test-Achats, 60 % n’ont pas renvoyé  » Eric  » chez un professionnel.  » Les résultats ne sont pas meilleurs chez les « reconnus », à qui l’on a pourtant seriné, pendant leur formation, qu’ils devaient référer leur patient à un médecin si le burnout n’était pas encore diagnostiqué.  »

 » Lorsque l’état de la personne me semble vraiment difficile, si je décèle une pathologie, je l’adresse à un psychologue clinique. Mais parfois, certains sont fragiles et je sais que, si je les y envoie tout de suite, ils n’iront pas « , nuance Cinzia Troiano, psychologue et coach. Une double casquette idéale. Un psy s’attaque plutôt aux problèmes du passé pour comprendre une situation actuelle. Un coach aide à atteindre des objectifs futurs.  » Il m’arrive de renvoyer les personnes en coaching, par exemple pour une réorientation professionnelle « , explique Isabelle Mayers, psychologue.

Mais nombreux sont ceux qui préfèrent s’adresser à un coach plutôt qu’à un psychologue, constate Moïra Mikolajczak.  » Parce que ça donne moins l’impression d’avoir un problème de santé mentale. C’est une réalité qu’il faut prendre en compte, c’est pour cela que nous allons lancer, fin 2018, un module de formation accessible aux coachs.  » Pas trop long ni trop cher,  » sinon il ne sera pas suivi « , mais universitaire.

Tant Test-Achats que la Fédération des psychologues plaident pour une reconnaissance spécifique par les pouvoirs publics. Ce qui n’est apparemment pas dans les projets de la ministre de la Santé, Maggie De Block. En attendant, les  » vrais  » Eric peuvent poser des questions, privilégier les reconnaissances existantes, vérifier si le psy annoncé l’est bel et bien (via le site de la Commission des psychologues). Car un mauvais accompagnement peut faire plus de mal que de bien. Y compris au portefeuille. Test-Achats constate que les tarifs pratiqués vont de 40 à plus de 200 euros la séance, avec une moyenne de 65 euros. L’étude ne précise pas si l’élixir de fleurs de Bach était inclus.

Un burnout n’est pas une qualification

L’étude de Test-Achats l’a constaté : bon nombre de coachs mettent en avant leur propre burnout comme critère de compétence.  » Je vois ça très souvent, confirme Cinzia Troiano. Quand on s’en sort, il y a toujours une phase extraordinaire de « réveil », les gens veulent trouver un travail qui fait sens. Comme ils ne sont pas toujours outillés pour faire autre chose, ils veulent devenir coach.  » Une très mauvaise idée, et même dangereuse, prévient Moïra Mikolajczak.  » Parce que chaque burnout est causé par des raisons propres, donc les moyens de s’en sortir le sont aussi et ne peuvent être appliqués tels quels au voisin !  »

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