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Le soja est-il vraiment si formidable?

Le Vif

Le soja a de fervents adeptes et de farouches opposants. Pour les premiers, le soja est un super-aliment qui protège contre toutes sortes d’affections ; pour les seconds, le soja nuit à la santé. Qui a raison, qui a tort ?

Le soja est une plante herbacée de la famille des légumineuses. Depuis la nuit des temps, il est consommé en Asie sous forme de tofu, tempeh, miso et sauce soja. Actuellement, il est transformé en boissons au soja et en alternatives au yaourt ou à la crème, et ses protéines sont intégrées dans de nombreux substituts de viande végétariens.

Le soja offre une source importante de protéines, de potassium, de cuivre, de magnésium et de manganèse. Pauvre en graisses saturées, il ne contient pas de cholestérol. Quant à sa faible teneur en calcium, elle explique qu’il faille souvent en ajouter durant le processus de production des boissons au soja. De plus, il est riche en isoflavones, auxquelles sont attribués de nombreux bienfaits. Tous ces apports sont autant d’arguments aux défenseurs du soja.

Quant à ses détracteurs, ils pointent justement du doigt ces isoflavones, car elles font partie du groupe des phytoestrogènes, des molécules présentant une structure chimique semblable aux hormones féminines. Et même si leur activité hormonale est plus légère (1, 2), elle n’en est pas moins présente, exposant, toujours selon eux, les personnes qui en consomment à des maladies, dont les cancers hormonodépendants.

Cancers hormonodépendants

D’aucuns craignent ainsi que le soja n’augmente le risque de cancer du sein. Pourtant, des études scientifiques relèvent que les populations asiatiques, caractérisées par une consommation élevée de soja, présentent un risque moindre de cancer du sein ; ce rapport n’a cependant pas été établi dans les populations occidentales. L’effet positif est en effet probablement lié à une consommation suffisamment élevée de soja pendant l’enfance et l’adolescence. Sur base des données disponibles, l’AICR (American Institute for Cancer Research) et le Fonds mondial de recherche contre le cancer concluent que le soja n’augmente pas le risque de cancer du sein et pourrait même avoir l’effet inverse, ce qui doit être confirmé par de plus amples recherches (2, 3). Même les femmes qui ont eu un cancer du sein n’auraient donc aucune raison d’éviter le soja. La crainte que les isoflavones de soja n’augmentent le risque de rechute est dénuée de fondement, à raison d’une consommation quotidienne de 1 à 2 produits au soja (2).

Le cancer de la prostate est un autre cancer hormonodépendant dont le lien avec le soja a été étudié. Ce cancer est plus fréquent chez les Occidentaux que chez les Asiatiques, qui consomment plus de soja. La recherche a montré que les isoflavones de soja en ont freiné la progression chez les animaux, mais ces résultats ne peuvent être appliqués tels quels aux humains… Ainsi, des études cliniques auprès d’hommes à qui l’on a administré des isoflavones en prévention ou durant un traitement anti-cancer de la prostate ne mentionnent pas ou peu d’effet positif. De nouvelles études cliniques plus étendues sur le rôle du soja pour réduire le risque de ce cancer ou en freiner l’évolution doivent dès lors être menées (4).

Hommes, femmes et hormones

Les bouffées de chaleur chez la femme ménopausée et les problèmes de fertilité masculine sont d’autres symptômes hormonaux mis en rapport avec le soja. En raison de leur activité oestrogénique, on a étudié dans quelle mesure les isoflavones de soja peuvent réduire ces troubles. En 2012, l’EFSA, sur base de la littérature disponible à l’époque, décide de ne pas approuver une affirmation relative à l’effet bénéfique des isoflavones sur les bouffées de chaleur. Ici aussi, des recherches plus approfondies s’imposent pour confirmer les résultats positifs limités (5). Depuis lors, plusieurs grandes études ont été menées, avec des conclusions contradictoires. Ce qui s’expliquerait en partie par la prise en compte ou non de tests impliquant des patients atteints d’un cancer du sein et du type d’isoflavone. Il est possible que les effets positifs soient plus importants chez ces patients et en cas d’utilisation de la génistéine, une isoflavone de soja spécifique. Attendons donc d’autres études avant de tirer des conclusions (6, 7).

Dans le même rapport, l’EFSA a refusé aux fabricants d’apposer sur leurs produits une affirmation de santé relative à l’effet positif des isoflavones de soja sur l’ostéoporose (5).

En raison de l’activité oestrogénique des isoflavones, on pense parfois que le soja pourrait avoir un effet négatif sur la fertilité masculine, ce qui n’a fait l’objet que de peu de recherche. La plupart des études ont en outre été menées auprès d’hommes qui avaient déjà des problèmes de fertilité. Un nombre restreint d’études montrent qu’il y a peut-être un impact sur la qualité du sperme, mais ces effets sont tellement minimes qu’ils n’exercent pas d’influence sur la fertilité masculine (8).

Un autre effet négatif évoqué concerne l’activité de la thyroïde. Plusieurs études animales ont montré que les isoflavones de soja pourraient avoir un effet négatif sur l’activité de la thyroïde, qui serait ralentie. Les résultats de plusieurs études cliniques sont cependant contradictoires. De plus amples recherches s’avèrent une nouvelle fois indispensables (4).

Entre coeur et cerveau

En 1999, aux États-Unis, la FDA (Food and Drug Administration) a approuvé une affirmation selon laquelle « 25 g de soja par jour, faisant partie d’un régime faible en graisses saturées et en cholestérol, peuvent réduire le risque de maladies cardiovasculaires » (9). Les adeptes du soja en ont profité pour ériger le soja au rang de super-aliment, oubliant dans leur enthousiasme les autres parties de l’assertion. Des études ultérieures ont en effet démontré que l’effet positif attendu des protéines de soja seules sur le cholestérol LDL (mauvais cholestérol) est plus faible que ce que l’on pensait initialement. En 2010, l’EFSA a conclu qu’il n’y avait pas de lien établi entre la consommation de protéines de soja et le cholestérol LDL (10). Une étude Cochrane de 2013 est arrivée à la même conclusion (11).

Enfin, de nombreuses rumeurs font état de l’effet négatif des isoflavones de soja sur la mémoire. Ces rumeurs se basent sur plusieurs études d’observation qui auraient établi un lien entre la consommation de soja (tofu) et la dégradation de la mémoire. Ces études ne permettent cependant pas d’établir de lien de cause à effet. Plusieurs études cliniques menées auprès de femmes ménopausées ont vérifié l’impact du soja sur la mémoire et n’ont décelé aucun effet négatif. Au contraire, le soja semblait plutôt avoir un effet positif. Des études plus étendues sont indispensables pour confirmer ces résultats (12).

On le voit, ni les partisans ni les adversaires du soja ne peuvent crier victoire. Le soja n’est pas un aliment miracle et il ne provoque pas non plus de problèmes de santé. Mais c’est un excellent aliment, riche en fibres et en protéines de qualité, qui mérite une place de choix dans une alimentation saine. Si on place régulièrement des produits au soja au menu, la consommation de produits animaux riches en (mauvaises) graisses saturées cédera le pas aux (bonnes) graisses insaturées. Ce qui réduira le risque de maladies cardiovasculaires.

Par Nina Van Den Broecke

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