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Le bruit nuit gravement à la santé

Le Vif

Les nuisances sonores sont associées à des augmentations de la tension artérielle, des maladies cardiovasculaires et des troubles du sommeil ; certaines études suggèrent même un lien avec des maladies articulaires ou de l’asthme ! Il s’agit maintenant de déterminer des normes d’exposition…

L’Union Européenne estime que l’exposition à un niveau de bruit nocturne supérieur à 55dB en moyenne a déjà des conséquences graves pour la santé. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) se montre plus stricte encore, considérant que des effets néfastes peuvent se manifester dès 40dB ; c’est donc cette valeur qui devrait, à terme, devenir la limite maximale acceptable pendant la nuit. Elle reconnaît néanmoins aussi que cet objectif est irréalisable à court terme dans un certain nombre de pays, pour lesquels elle propose donc dans un premier temps de viser un objectif intermédiaire de 55dB.

Il n’y a pas que la moyenne

Marc Goethals, cardiologue à l’hôpital OLV Aalst, suit le débat de près et est lui-même partisan d’une réglementation prenant en compte toutes les facettes des nuisances sonores :  » Pour l’instant, les normes de bruit s’appuient systématiquement sur des moyennes – y compris à l’échelon de l’UE. Ce n’est toutefois pas parce que la moyenne annuelle ou même la moyenne d’une nuit reste en-deçà de ce seuil ‘sûr’ que le bruit n’aura pas d’effet négatif sur votre sommeil ou votre santé. Le spectre des fréquences et le nombre de pics ont aussi leur importance. Les sons ou vibrations dont la fréquence est basse sont par exemple moins audibles que ceux dont la fréquence est élevée, mais ils peuvent malgré tout être très gênants – pensez par exemple au bruit qui accompagne le passage d’un gros camion. Idem pour l’intensité des pics : imaginons qu’il fasse parfaitement silencieux dans votre chambre, mais que quelque chose provoque une succession de pics de 60 dB juste devant chez vous. La moyenne de la nuit restera sans doute bien en-deçà des 40 dB, mais la probabilité est grande que vous dormiez mal malgré tout, puisqu’un bruit soudain de plus de 45 dB (le niveau d’une conversation à voix basse ; autant dire qu’on y est vite ! ) pourrait déjà vous réveiller. Il faut également tenir compte de l’heure : le bruit sera toujours plus gênant au cours de la seconde moitié de la nuit, parce que vous serez alors dans la phase de sommeil REM, qui est moins profonde.  »

le bruit sera plus gênant au cours de la seconde moitié de la nuit, parce que vous serez alors dans la phase de sommeil REM, qui est moins profonde.
le bruit sera plus gênant au cours de la seconde moitié de la nuit, parce que vous serez alors dans la phase de sommeil REM, qui est moins profonde.© ISTOCK

D’après Marc Goethals, tous ces aspects sont trop peu pris en compte par nos décideurs.  » Cela s’explique probablement par la pression des acteurs économiques, car nombre de régions d’Europe occidentale sont confrontées à des nuisances sonores difficilement évitables, générées par l’omniprésence de l’industrie et des moyens de transport.  »

Impact réel sur la santé

Le cardiologue distingue les nuisances sonores subjectives des effets du bruit sur la santé. Lorsque l’on cherche à cartographier les nuisances, on focalise surtout sur le premier aspect, en utilisant par exemple des questionnaires pour sonder l’irritation que suscite chez les habitants le bruit des avions ou autres sources de pollution sonore.  » Le degré de mécontentement n’est toutefois pas forcément corrélé à l’impact réel sur la santé, même si les deux peuvent évidemment se recouper. Une personne qui peste parce que les avions la réveillent régulièrement la nuit peut par exemple aussi souffrir d’un trouble du sommeil et l’associer spontanément aux nuisances sonores… Mais il arrive aussi que ce lien ne soit pas posé. En réalité, il n’en faut pas beaucoup pour perturber notre sommeil. Il y a une quinzaine d’années déjà, des recherches réalisées dans le voisinage de l’aéroport de Schiphol (Amsterdam) ont constaté que des bruits soudains de 32 dB à peine – moins qu’un murmure – provoquaient une agitation accrue chez le dormeur et que les personnes qui bougeaient davantage dans leur sommeil avaient aussi l’impression de moins bien dormir. Le bruit environnant peut donc nuire à votre santé, même lorsqu’il ne suffit pas à vous réveiller ou que, l’habitude aidant, vous ne le perceviez plus comme gênant pendant la journée.  »

DANS une enquête réalisée sur 8000 personnes en 2004 par l'OMS, les personnes qui déclaraient que leur sommeil avait été perturbé par des nuisances sonores au cours du mois précédent semblaient présenter un risque significativement accru de souffrir de toute une série de pathologies.
DANS une enquête réalisée sur 8000 personnes en 2004 par l’OMS, les personnes qui déclaraient que leur sommeil avait été perturbé par des nuisances sonores au cours du mois précédent semblaient présenter un risque significativement accru de souffrir de toute une série de pathologies.© ISTOCK

Un seuil de 32 dB

Notre sensibilité au bruit a des origines bio-évolutionnaires.  » Pendant une longue partie de notre histoire, le bruit a été synonyme de danger. En cas d’exposition à un bruit qui dépasse un certain niveau, notre organisme commence à produire de l’hormone de stress, qui accroît la fréquence cardiaque et la tension afin de nous permettre de réagir. Pour comble de malheur, nous sommes aussi programmés pour être beaucoup plus attentifs au bruit pendant la nuit qu’en journée. Lorsque nous dormons, moment de vulnérabilité, la quantité de décibels nécessaire pour déclencher la production d’hormone de stress est donc plus faible.  »

De nombreuses études fixent à 32-35 dB le seuil à partir duquel le bruit provoque des effets physiques pendant la nuit. Les bruits qui dépassent ces valeurs n’ont certes pas d’effets majeurs à court terme… mais bien à plus longue échéance ! Marc Goethals évoque en particulier l’hypertension et les maladies cardiovasculaires :  » Au-delà d’un niveau moyen de 40 dB pendant la nuit, le risque de maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC, etc) augmente de façon marquée – de 5 % par décibel supplémentaire, à en croire une étude réalisée autour de l’aéroport de Cologne. Une personne exposée à un niveau de bruit moyen de 50 dB pendant la nuit court donc un risque accru de 50 % d’être victime d’une pathologie cardiovasculaire.  »

Conséquences indirectes

Marc Goethals craint toutefois que ces effets directs ne soient que le sommet de l’iceberg, et une enquête réalisée en 2004 par l’OMS le conforte dans cette opinion. Dans ce sondage portant sur 8000 personnes, celles qui déclaraient que leur sommeil avait été perturbé par des nuisances sonores au cours du mois précédent semblaient présenter un risque significativement accru de souffrir de toute une série de pathologies. Les sujets adultes étaient ainsi plus souvent hypertendus, mais aussi plus sujets aux maladies articulaires, aux problèmes d’estomac, aux dépressions et même aux bronchites. Ce risque accru se retrouvait également chez les enfants et les personnes âgées ; les enfants souffraient par exemple trois fois plus souvent de bronchites, tandis que les séniors étaient deux fois plus nombreux à présenter des problèmes d’asthme.

 » Cette étude de l’OMS ne démontre pas l’existence d’un lien de cause à effet, mais elle confirme ce que les scientifiques savaient de longue date : le sommeil est capital pour notre santé. Il contribue à notre rétablissement physique et psychologique et booste notre immunité. Pas étonnant, donc, que les nuisances sonores qui le perturbent soient associées à un risque accru de nombreuses maladies, même si elles semblent sans rapport au premier abord.  » Dans notre pays, le Conseil Supérieur de la Santé a même confirmé qu’un manque de sommeil était lié à une production accrue d’insuline, et donc à un risque plus élevé de diabète.

L’OMS appelle les décideurs à reconnaître le bruit comme un grave risque de santé et à le combattre en conséquence : d’après des estimations prudentes, les nuisances sonores seraient responsables dans l’UE d’une perte de plus d’un million d’années de vie en bonne santé. L’OMSn se bat en particulier pour une meilleure protection des enfants, car les troubles de l’apprentissage et les limitations cognitives aussi sont une menace très réelle dans notre monde bruyant.

THOMAS DETOMBE

Une exposition à un niveau de bruit moyen de 50 dB pendant la nuit accroit de 50 % le risque d’être victime d’une pathologie cardiovasculaire.

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