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La femme tisse sa toile !

Le Vif

Ces temps troublés marqueraient la fin du règne des hommes. A l’université, dans le business ou en couple, les femmes poursuivent leur irrésistible ascension. C’est l’idée que défend la journaliste américaine Hanna Rosin dans son nouvel ouvrage The End of Men.

Selon Hanna Rosin, les femmes jeunes (20-30 ans) ne pensent qu’à ça, à savoir… leur avenir professionnel. Dans ce contexte, une relation amoureuse stable constitue un frein à la réussite de leurs études. La parade ? Elles préfèrent des relations sans lendemain qui n’empiètent pas sur l’épanouissement personnel ou les études et qui correspondent à l’image de la femme d’aujourd’hui : libre, indépendante et autonome. Cette attitude purement égoïste engendre de nouveaux comportements. La femme endosse le rôle de « prédatrice » et n’hésite pas à enrichir ses pratiques sexuelles en imposant à ses partenaires la sodomie (aux Etats-Unis, 40 % des jeunes filles de 18 à 24 ans l’auraient essayée contre 16 % en 1992). Les chercheurs parlent d’une plus grande « plasticité érotique » chez la femme, capable de s’adapter à la culture ambiante et… à la mode. Les hommes, en revanche, auraient une approche de la sexualité plus « rigide » et plus « innée ». « La situation aux Etats-Unis est, en effet, paradoxale, commente le sexologue Pascal De Sutter. Depuis la pénalisation des agressions sexuelles dans les années 1990, les hommes n’osent plus prendre l’initiative ou faire des avances, ils sont devenus plus prudents. La femme a pris le relais. C’est elle qui aborde l’homme, accepte ou n’accepte pas la relation sexuelle. Elle peut aussi agresser l’homme sexuellement, tout en sachant qu’elle bénéficiera de l’impunité juridique. Avant, l’homme dominait, aujourd’hui c’est le tour de la femme. C’est pourquoi je plaide pour un rééquilibrage et, dans ce but, j’ai créé le site lessensdelamour.com. Il faut se re-séduire, ressourcer son couple à la sensualité, à la sensorialité, réapprendre à se toucher, à se regarder et à écouter les besoins de l’autre. » Confrontés à ces nouvelles prédatrices, les garçons américains, déstabilisés, se réfugient dans le virtuel, en se gavant de jeux vidéo et de films pornos. Leur cerveau fonctionne sur un mode numérique et ils sont devenus incapables d’assumer une relation amoureuse stable. « Ce tableau me paraît excessif, nuance Pascal De Sutter. Selon moi, c’est un fantasme de l’auteur. Oui, les jeunes consomment du virtuel, du porno et de la télé, mais, selon toutes les études, ils gardent une mentalité romantique et fleur bleue. Ils sont timides, inhibés, mal dans leur peau et ont besoin d’affection. »

Mariage, le déclin

La ménagère américaine est une espèce en voie de disparition. En 1970, la contribution de la femme aux revenus du ménage était plutôt modeste, de 2 à 6 %. Aujourd’hui, elle s’élève à 42,2 %. Plus d’une mère sur trois entretient sa famille soit parce qu’elle est célibataire, soit qu’elle gagne plus d’argent. Cette montée en puissance des femmes sur le plan économique a profondément chamboulé les relations du couple. Selon le sociologue Brad Wilcox, « le mariage, institution iconique de la classe moyenne, est en train de s’effondrer à une allure vertigineuse ». Une femme préfère rester célibataire, car à quoi bon épouser un homme qui ne gagne pas assez bien sa vie ? Dans les classes supérieures, en revanche, le mariage est un privilège de classe parmi d’autres, le « club réservé aux nantis ». « En Belgique, la situation est très différente, explique Jacques Marquet, sociologue à l’UCL. La cohabitation légale est devenue parfaitement légitime. C’est une forme de couple qui séduit et le nombre de mariages a fortement diminué. En 1975, on en comptabilisait 70 000. Depuis 2001, ce chiffre oscille entre 40 000 et 46 000 par an. En 2010, plus de 72 000 personnes ont opté pour la cohabitation légale. Le phénomène d’union libre concerne toutes les classes sociales. Les taux de mariage sont plus faibles dans tous les milieux sociaux. Ce qui prime, c’est la satisfaction psychologique, la qualité relationnelle et affective. Ce n’est pas la pérennité du couple. Lorsque la satisfaction n’y est plus, la sortie devient légitime. »

Bonnes élèves

Plus attentive, plus organisée et plus persévérante, la femme se révèle une élève modèle dès l’école primaire. Ce qui est plus stupéfiant, c’est la présence massive des femmes à l’université et, notamment, dans les filières scientifiques. Ce phénomène se rencontre dans le monde entier. Aux Etats-Unis, entre 1970 et 2008, le nombre de diplômés blancs âgés de 25 à 34 ans a connu une progression modeste, passant de 20 à 26 %. Chez les femmes blanches, ce pourcentage a été multiplié par trois : de 12 à 34 %. La raison ? Selon Tom Mortenson, chercheur à l’Institut Pell pour l’égalité des chances dans l’enseignement supérieur, « les hommes n’arrivent tout simplement pas à suivre » aussi bien sur le terrain des études, que sur celui de la motivation ou de la discipline. Pourquoi ? La dernière tendance veut chercher des solutions du côté de l’imagerie cérébrale. Des spécialistes avancent que les garçons préfèrent ce qui est systématique et ils ont du mal à rester en place. Cela dit, il n’est pas possible d’affirmer qu’il y a des différences significatives entre le processus cérébral des filles ou des garçons dans les fonctions cognitives telles que le raisonnement, la mémoire, l’attention et le langage. « La diversité cérébrale est la règle, indépendamment du sexe, souligne Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche à l’Institut Pasteur à Paris. En effet, le cerveau n’est pas un organe comme les autres car c’est le siège de la pensée. Or, pour que cette pensée émerge, il faut que le cerveau soit stimulé par l’environnement. Ainsi, au cours de sa construction, le cerveau intègre les influences du milieu extérieur, issues de la famille, de la société, de la culture. Il en résulte qu’hommes et femmes ont des cerveaux différents, mais au même titre qu’on trouve des différences entre les cerveaux d’individus d’un même sexe. » L’explication de la prétendue « supériorité intellectuelle » féminine est donc à chercher ailleurs. Les filles d’aujourd’hui ont enfin pris confiance en elles. Elles manifestent tout simplement de plus en plus d’ambition car elles ont compris que les études sont un ascenseur social. Pour les réussir, elles y mettent le paquet. Hyperconcentrées, organisées et appliquées, elles jouent aussi à la PlayStation, mais après avoir fait leurs devoirs. Chez les garçons, plus dissipés, le plaisir de la console vient avant tout et ils peuvent y passer des heures en sortant de l’école.

En entreprise, peut mieux faire

Une femme qui a décroché brillamment son diplôme est encore loin de la réussite. Certes, elle peut devenir directrice de banque ou chef d’entreprise, elle peut être nommée à la tête d’une université, elle peut être réalisatrice ou candidate aux élections présidentielles. Il y a encore vingt ans, c’était impensable. Ces réussites restent pourtant « anecdotiques » et les fonctions suprêmes sont toujours réservées à la gent masculine. Cela dit, des chercheurs commencent à élever la voix pour clamer haut et fort que les femmes apportent des compétences particulièrement adaptées à la conjoncture actuelle. Douées d’une « stratégie d’innovation intensive » basée sur « la créativité et le travail d’équipe », elles contribuent à rendre l’entreprise plus performante. Face à ce constat, fort réjouissant, pourquoi y a-t-il donc si peu de femmes au pouvoir ? Parce que, selon Hanna Rosin, les femmes sont aux prises avec un problème identitaire. Leur comportement est encore trop souvent calqué sur l’image qu’on attend d’elles et sur les traits de caractère traditionnellement associés au « sexe faible », à savoir douceur, empathie, hésitation et une certaine soumission. Si les femmes ne prennent pas le pouvoir, c’est tout simplement parce que ça ne se fait pas ! Certes, il est impossible de changer le monde du jour au lendemain. Les hommes tiennent les rênes du pouvoir depuis près de 40 000 ans. L’émergence de la femme sur la scène publique date d’il y a à peine cinquante ans. Les obstacles les plus difficiles à franchir sont dans les esprits. Mais les femmes font de plus en plus la preuve qu’elles sont capables de s’adapter et de se réinventer. Cette flexibilité est aujourd’hui la clé de la réussite.

The End of Men – voici venu le temps des femmes, par Hanna Rosin, Editions Autrement, 256 p.

BARBARA WITKOWSKA

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