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L’alcoolisme est dans vos gènes

Muriel Lefevre

Des chercheurs ont identifié un gène qui pousserait certains rats à boire de l’alcool plus que de raison. Une découverte qui est transposable aux humains.

Les humains ne sont pas des robots qui vivent sous le joug de leurs gènes. Sauf que cela n’empêche pas ces derniers de donner quelques prédispositions. Une prédisposition à l’alcoolisme par exemple. Si la plupart d’entre nous savent quand ils ont assez bu d’alcool, pour environ quinze pour cent de la population ce n’est pas le cas. Ceux-ci n’arrivent pas à s’arrêter de boire, même s’ils n’ignorent rien des conséquences désastreuses que cela peut avoir.

Et il n’en va pas autrement chez les rats. La plupart des rats qui ont le choix entre l’alcool et l’eau sucrée vont rapidement abandonner l’alcool. Sauf pour environ quinze pour cent d’entre eux qui s’obstinent à boire de l’alcool. Et ce, même lorsqu’on en modifie le goût ou qu’ils reçoivent un choc électrique. « L’une des caractéristiques fondamentales de la dépendance est que vous savez qu’elle va vous nuire, voire même vous tuer, et pourtant, vous continuez à le faire », explique encore Markus Heilig, directeur du Centre for Social and Affective Neuroscience. Or, selon les neuroscientifiques de l’Université de Linköping en Suède, cette prédisposition à boire de l’alcool envers et contre tout semble génétiquement déterminée.

En étudiant, dans le cerveau des rats, une centaine de gènes dans la zone liée à la dépendance, et en particulier dans l’amygdale, un centre du cerveau qui traite des émotions, ils ont découvert qu’il existait une différence notable entre les rats dépendants et les autres. La plus importante mutation génétique a été trouvée sur le gène lié à la protéine de transport GAT-3. Le GAT-3 maintient un faible niveau d’acide γ-aminobutyrique (GABA), le neurotransmetteur inhibiteur qui « calme » le système nerveux central. Ce gène était significativement moins actif chez les alcooliques. Et quand ils ont désactivé ce gène chez des rats non dépendants, ceux-ci ont commencé à avoir un comportement d’alcoolique.

La Belgique détient le record de consommation de boissons alcoolisées en Europe. On estime que 10% des Belges présentent une consommation d’alcool problématique, c’est-à-dire qu’ils ont une possibilité élevée d’alcoolodépendance, indépendamment de la quantité consommée. Selon l’Organisation de Coopération et Développement économique (OCDE), le Belge boit en moyenne 12,6 litres d’alcool par an l’Organisation de Coopération et Développement économique (OCDE). Il s’agit là d’alcool pur, ce qui en réalité représente plutôt 98 litres de vin par an et par personne ou 252 litres de bière. Or l’alcool est devenu la première cause des maladies graves du foie et augmente sensiblement les risques de cancer du pancréas, du côlon, de l’oesophage. Il faut cependant bien différencier l’alcoolodépendance de la consommation excessive sans dépendance (on boit trop et on le sait, mais on peut encore s’arrêter si on le veut). Pour rappel, on parle d’une consommation excessive à partir de trois verres par jour pour les hommes et deux verres par jour chez la femme.

Suite à cette découverte, l’équipe a collaboré avec des chercheurs de l’Université du Texas. En analysant des cerveaux des personnes alcooliques décédées, ils se sont aperçus que ceux-ci aussi avaient un très bas taux de GAT-3. « C’est l’un de ces rares cas où nous constatons exactement la même chose chez les personnes que chez les animaux », selon le co-auteur Dayne Mayfield (Université du Texas).

Pour tenter de « soigner » l’alcoolisme, on utilise aujourd’hui des médicaments comme le baclofène ou l’oxybate de sodium. Le premier est un puissant relaxant musculaire qui serait aussi utile pour atténuer l’envie de boire. S’il se montre relativement efficace, il n’empêche cependant pas les rechutes et provoque de graves malformations congénitales. En Autriche et en Italie, on opte plutôt pour le second qui est un dépresseur du système nerveux central qu’on utilise pour soigner la narcolepsie. Mais celui-ci, tout comme le baclofène, a de très désagréables effets secondaires.

La découverte des chercheurs devrait donc permettre de mieux comprendre le fonctionnement de ces deux médicaments et d’en développer un de seconde génération avec moins d’effets secondaires.

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