Il y a une vie après le burn-out

Devenu très courant dans nos sociétés, le burn-out conduit certains travailleurs à la dépression, voire au suicide. Mais d’autres trouvent, dans leur infortune, l’impulsion vers une vie plus épanouissante.

Appelé également « syndrome d’épuisement professionnel », le burn-out apparaît comme une réalité de plus en plus présente dans nos sociétés en crise. Il mine des hommes et des femmes, qui se disent éreintés par leur travail et les contraintes que leur impose un management parfois inapproprié. Ils peuvent alors se sentir frustrés, paniqués, incompris par leur entourage et leur employeur, ne plus éprouver de satisfaction professionnelle, considérer leur travail comme dénué de sens, se sentir extrêmement fatigués au point de rester parfois prostrés dans un fauteuil ou au lit, avoir des pertes de mémoire et de concentration, parvenir avec peine à tenir une conversation, devenir agressifs, cyniques, avoir des accès de colère… « Le burn-out fait aussi le lit de troubles psychosomatiques divers : une hypercholestérolémie, des insomnies, des allergies, une dépendance à l’alcool ou aux anxiolytiques, des infections liées à une déficience immunitaire, de l’hypertension, des accidents vasculaires cérébraux, des problèmes cardiovasculaires, neuroendocriniens, gastro-intestinaux ou autres », souligne le Dr Patrick Mesters(1), neuro-psychiatre, directeur de l’Institut européen d’intervention et de recherche sur le burn-out (EIIRBO).

Une mauvaise rencontre Certaines caractéristiques psychologiques rendent plus vulnérable au burn-out. Paradoxalement, elles ne s’assimilent pas à des « faiblesses » mais, au contraire, constituent a priori des atouts dans l’univers de l’entreprise. Quelles sont-elles ? Le perfectionnisme, le culte de la performance, la tendance à se surinvestir professionnellement, la difficulté à dire « non » et, partant, à se fixer des limites…

En d’autres termes, ce sont généralement les éléments les plus utiles à leur employeur qui finissent par « exploser en plein vol », ainsi que le souligne de façon imagée Patrick Mesters. Dans un article récent publié dans le magazine suisse Soins infirmiers, il écrit à ce propos : « Le burn-out est le résultat de la rencontre entre une personne enthousiaste porteuse de valeurs, dévouée, compétente, un projet professionnel exigeant et une organisation du travail et managériale inadéquate. »

Management par le stress
Dans la genèse du burn-out, la responsabilité est partagée. Centré sur les attentes dont il fait l’objet et le désir de se surpasser, le travailleur néglige sa santé et renonce à des valeurs personnelles. La culture d’entreprise et le style de management, eux, favorisent parfois un mode de fonctionnement « pathogène » pouvant se nourrir d’abus, d’irrespect, de menaces, de cynisme, d’hostilité, d’une absence de signes de reconnaissance, etc. À cette gestion par la pression et le stress peut s’ajouter le harcèlement moral, pénalement condamnable. « Les anciens directeurs de France Télécom ont d’ailleurs été mis en examen à la suite de la vague de suicides qui toucha des employés et des cadres de la société en 2008 », rappelle Patrick Mesters. Et d’ajouter qu’un employeur néerlandais a été condamné cet été à payer 370.000 € à un de ses employés en burn-out.

Il existe d’autres facteurs qui, fragilisant le personnel, le rendent vulnérable. Une charge de travail impossible à gérer en est un. Le fossé séparant quelquefois les valeurs prônées dans l’entreprise ou dans le métier et leur absence de consistance dans la gestion quotidienne en est un autre. « Songeons par exemple à l’infirmière obligée de faire trois ou quatre soins par heure en raison de contingences de rentabilité, dit Patrick Mesters. Elle n’a plus le temps de donner à son métier son véritable sens, qui est d’écouter, de parler, de soulager. »

Cécité psychologique
Le burn-out est précédé de signes annonciateurs, tels que des insomnies, de l’irritabilité, des pertes de concentration. Mais la première réaction de ceux sur qui il s’abat est habituellement le déni : ils estiment qu’un tel problème ne peut les concerner, eux qui ont réussi tout ce qu’ils entreprenaient.

Ensuite, cette cécité psychologique fait place à un sentiment de colère ; la personne se révolte et devient agressive. Puis vient le temps de la négociation avec soi-même – « Si je prends trois jours de congé, ça ira mieux » – et enfin, celui où la personne essaie de remettre en oeuvre des stratégies qui se sont révélées efficaces par le passé dans des états de stress. Malheureusement, ces stratégies autrefois payantes ne fonctionneront probablement plus. La seule solution est alors de se faire accompagner pour pouvoir rebondir.

Pas un échec
Accepter de reconnaître son état d’épuisement est néanmoins très douloureux car, in fine, cela revient à s’avouer qu’on ne peut tout maîtriser, à faire le deuil de la toute-puissance. « C’est cependant le prix pour se reconstruire, donner du sens à sa souffrance », insiste Patrick Mesters.

Selon lui, une chose est sûre : il faut du courage pour réussir son burn-out. Mais ce sont généralement des gens courageux qui en sont victimes. Il faut en outre de l’humilité, arrêter de se juger et de se blâmer. « Tout un travail d’accompagnement est nécessaire pour leur faire comprendre qu’ils ne vivent pas une situation d’échec, mais que la vie leur envoie un signal dont ils peuvent tirer profit », affirme le neuropsychiatre.

Pour que le burn-out marque un tournant vers une vie meilleure, il faut réussir à en détecter le sens. « Il est indispensable pour la personne en épuisement professionnel de pouvoir compter sur quelqu’un qui a le recul nécessaire pour l’aider à mettre des mots sur ce qu’elle ressent, l’aider à retrouver des valeurs et des priorités dans son existence, souligne Patrick Mesters. Qu’est-ce qui est essentiel et qu’est-ce qui ne l’est pas ?… Il faut savoir se poser la question, se resituer dans sa vie personnelle. »

Alors, certains finiront par considérer que leur burn-out a été une chance. Les uns vous diront : « J’ai redécouvert les plaisirs de la vie de famille », d’autres : « J’ai retrouvé la joie des plaisirs simples »…

Par Philippe Lambert

(1) Suzanne Peters et Patrick Mesters, Burn out. Comprendre et vaincre l’épuisement professionnel, Marabout, 2008.

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