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Eternellement jeune sous testostérone?

L’antivieillissement ne touche désormais plus que les femmes, mais aussi les hommes depuis quelque temps. Au point que certains cherchent leur salut dans une supplémentation de testostérone.

Certains hommes âgés de plus de 50 ans sont prêts à tout pour rester jeunes et dynamiques, alors que d’autres préfèrent plutôt laisser faire la nature. Depuis quelques années, les gels et autres crèmes à base de testostérone rencontrent un succès croissant dans le traitement anti-âge, nourrissant l’espoir de rétablir une force musculaire, une libido et une vitalité en berne. La preuve en est donnée par le nombre croissant de prescriptions médicales de produits à base de testostérone, cette hormone masculine qui ne peut être utilisée – en théorie ! – que sous la surveillance d’un médecin.

Sénescence

Avec l’âge, les hommes s’adoucissent : le comportement fréquent de coq passe en partie à l’arrière-plan pour faire place à une plus grande sensibilité, une humeur parfois dépressive et quelques troubles de la mémoire. Les hommes de plus de 50 ans ne pensent plus continuellement à la sexualité. La masse et la force musculaires fondent, le ventre tend à s’arrondir, les os se fragilisent, les cheveux deviennent plus fins, les vaisseaux sanguins plus rigides, et la peau se couvre de rides. Toutes choses qui correspondent en fait à un vieillissement « normal ».

À partir de 40 ans, la production de testostérone diminue d’environ 1 % par an. Les effets de cette diminution ne s’observeront que plusieurs années plus tard, et probablement pas du tout chez les hommes qui présentent un taux basal de testostérone élevé. Pourtant, la tentation est forte de lier les deux phénomènes, et d’attribuer le vieillissement à la seule diminution du taux d’hormones masculines. D’où l’idée que la testostérone agirait comme une sorte d’élixir de jeunesse. Pourtant, les signes typiques du vieillissement sont plus attribuables à l’usure de l’ensemble des organes et des fonctions corporelles qu’à la diminution d’une seule hormone. De même, les érections moins fortes sont surtout liées à une rigidité vasculaire dans le pénis. Aucun des signes cités plus haut n’est clairement la conséquence de la chute du taux de testostérone, même si cette hormone y contribue souvent.

Zone grise

Les testicules produisent chaque jour entre 3 et 10 mg de testostérone : 98 % de cette testostérone sont liés à des protéines alors que seulement 2 % sont biologiquement actifs. La production varie au cours de la journée, avec un pic le matin et le soir ; mais ces deux pics s’atténuent un peu avec l’âge. Il n’existe pas de limite inférieure claire pour définir ce qui est encore normal et ce qui est insuffisant, car la production de testostérone montre de fortes différences individuelles. Certains hommes de 75 ans ne produisent plus que la moitié de testostérone de celle produite par un homme de 30 ans, alors que d’autres en produisent encore autant. Cela dépend du niveau de testostérone à la puberté. Le jeune homme qui en produit beaucoup subira peu les conséquences de la baisse de production à partir de 40 ans. Par contre, celui dont le niveau de testostérone était déjà faible à l’adolescence présentera peut-être des signes de carence à un âge plus avancé. Quoi qu’il en soit, on n’observe pas de bouleversement hormonal comparable à celui des femmes au moment de la ménopause, même si un terme a pourtant été créé pour le définir : l’andropause.

L’andropause existe-t-elle vraiment ?

Il y a une dizaine d’années, une équipe de scientifiques a lancé une étude internationale à grande échelle pour explorer les effets de la testostérone chez l’homme vieillissant. Le volet belge de cette European Male Aging Study (EMAS) était conduit par l’andrologue Dirk Vanderschueren (KUL) : « La production de testostérone diminue progressivement avec l’âge. Phénomène qui semble moins résulter de l’âge que d’une mauvaise hygiène de vie. Le niveau de testostérone diminue surtout chez les hommes en surpoids et/ou qui sont porteurs d’une ou de plusieurs maladies chroniques comme le syndrome métabolique ou le surpoids. » Des données confirmées dans des analyses sanguines effectuées dans le cadre de l’étude EMAS.

Seul un très faible pourcentage d’hommes en bonne santé et de poids normal présentait donc un taux de testostérone trop bas : l’andropause est dès lors un phénomène extrêmement rare : « La bonne nouvelle, ajoute Dirk Vanderschueren, c’est que la simple amélioration de l’hygiène de vie et l’amaigrissement font remonter le taux de testostérone. »

Besoin d’un traitement ?

La supplémentation en testostérone est clairement bénéfique aux hommes chez qui une carence a été démontrée, comme en présence d’une maladie appelée hypogonadisme (par déficit génétique, traumatisme testiculaire, etc.). Par contre, l’effet n’est pas clairement démontré chez les hommes normaux et en bonne santé, qui ressentent moins de vitalité et un peu moins d’envies sexuelles. « Les études existantes ne montrent aucune différence entre le traitement par testostérone et le placebo. Il n’existe pas non plus de preuve fiable d’un effet de la testostérone sur le processus du vieillissement. »

Mais attention : il ne faut pas pour autant en déduire que si ça ne fait pas de bien, ça ne fait en tout cas pas de mal. Au contraire, même : aux États-Unis, où la testostérone rencontre un vif succès dans les traitements anti-âge, la Food and Drug Administration (FDA) met en garde contre son usage immodéré. « Les systèmes hormonaux sont très délicats, et les manipuler sans avoir un bon bagage scientifique n’est pas raisonnable, poursuit Dirk Vanderschueren. La prostate doit également être surveillée, car la testostérone pourrait favoriser la croissance de foyers de cancers prostatiques, présents chez environ la moitié des plus de 50 ans. »

Il y a mieux à faire

Une meilleure (et plus saine) stratégie pour freiner voire inverser la fonte musculaire, la perte de libido et autres signes du vieillissement consiste à améliorer son hygiène de vie. Pratiquer un sport régulièrement et avec une intensité modérée, s’abstenir de fumer et conserver un poids correct sont des messages que les hommes préfèrent ne pas entendre, mais qui sont bien plus efficaces pour maintenir à niveau la production de testostérone. Accepter l’idée qu’on n’a plus 25 ans peut également aider.

La vente en ligne

La vente sur internet de testostérone explose, puisque la majorité des médecins ne sont pas très enthousiastes à l’idée d’en prescrire. Sur la toile, chacun peut acheter des gels de testostérone anonymement et sans ordonnance. C’est punissable, mais la majorité des colis passent au travers des filets, surtout si l’utilisateur est un client individuel et pas un centre de fitness qui vend sous le comptoir des kilos de stéroïdes anabolisants. Les chances de voir un petit paquet arriver à l’adresse mentionnée sont très grandes. La criminalité organisée qui se cache derrière des sites web illégaux de vente de médicaments ne se prive pourtant pas de tromper les clients. Le risque de recevoir un gel inefficace est supérieur au risque de voir sa commande confisquée par la douane. Dans le meilleur des cas, le gel n’a aucun effet, et il y a juste perte d’argent. Mais il peut également arriver de voir la santé compromise par un produit très douteux. On estime à 70 à 80 % la proportion de produits à base de testostérone vendus par internet qui sont de qualité inférieure voire nulle. Et comme l’achat de médicaments soumis à prescription est interdit sans ordonnance, les acheteurs n’ont aucun recours lorsqu’un problème se pose.

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