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Comment vivre avec une personne borderline ?

Le Vif

Parfois imprévisibles et intenses, les personnalités borderline ne sont pas toujours faciles à vivre… Mais moyennant une thérapie adaptée, ces personnes peuvent malgré tout développer des relations amoureuses saines.

Les personnes borderline sont souvent présentées comme des manipulateurs qui n’hésitent pas, à l’occasion, à saboter leurs propres relations amoureuses. Spécialiste de la thérapie systémique, une approche qui recadre les problèmes psychiatriques dans un contexte relationnel plus large, le psychiatre Dirk De Wachter (KU Leuven) souligne toutefois que la réalité est beaucoup plus nuancée : « Cela donne l’impression qu’elles minent leurs relations volontairement, alors qu’elles sont en réalité les premières victimes. Leur caractère instable et leurs comportements imprévisibles sont aussi difficiles à vivre pour elles-mêmes ! Réfléchir à ces comportements permet toutefois d’apprendre à mieux les gérer – une réflexion que j’encourage non seulement à l’échelon individuel, mais aussi au niveau du partenaire, en cherchant avec lui des moyens de parvenir à davantage de stabilité. Il est important à cet égard de ne pas rejeter la faute sur le patient, car considérer les symptômes comme des stratégies négatives volontaires de sa part n’arrange rien. » La notion de personnalité borderline est un contenant, mais il serait dangereux de vouloir réduire la personne à son diagnostic.

Heureusement, certains partenaires parviennent à faire la part des choses. Pour eux, leur conjoint borderline est un peu comme un animal blessé qui a avant tout besoin de soins. Il n’est toutefois pas rare que des difficultés relationnelles soient à l’origine de la demande d’aide. « Il arrive que le partenaire fasse le premier pas, témoigne Dirk De Wachter. Même si le patient n’est pas toujours immédiatement conscient du problème, j’insiste alors pour que le couple vienne m’en parler. S’ils acceptent de venir ensemble au cabinet, qu’ils témoignent d’une affection mutuelle et acceptent d’ouvrir les yeux sur la situation, c’est déjà encourageant. »

Imprévisible = créatif

Les problèmes d’attachement sont caractéristiques d’une personnalité borderline. « Ils poussent le patient soit à repousser l’autre dès qu’il se rapproche et que leurs rapports deviennent trop intimes, soit à s’accrocher à lui d’une manière fusionnelle au point de l’envahir, explique Dirk De Wachter. Il n’est pas rare non plus d’observer une combinaison des deux comportements. »

Une personnalité borderline, c’est quoi ?

La personnalité borderline est un trouble de la personnalité. Les sujets borderline sont souvent excessifs, impulsifs, sans demi-mesure, typiquement sujets aux sautes d’humeur, aux crises de rage et aux addictions. Avec eux, on ne sait jamais à quoi s’attendre ! Ils ont souvent une faible estime d’eux-mêmes, une tendance à tout voir en noir et blanc mais aussi un grand besoin d’intimité et une peur terrible d’être abandonnés. Ils mettent sans cesse à l’épreuve ceux qu’ils aiment. Il est fréquent que les symptômes s’estompent progressivement après l’âge de 30 ou 40 ans.

Le psychiatre tient toutefois à souligner qu’une personnalité borderline a aussi de bons côtés. « Leur créativité et leur exubérance peut aussi en faire des partenaires captivants. On ne s’ennuie jamais avec eux et ils ont l’art d’enflammer le coeur des autres. Même si elle est parfois problématique, une caractéristique comme l’imprévisibilité peut, à d’autres moments, apparaître comme une qualité. Ma tâche est d’investiguer la gravité des symptômes. »

« Se mettre en quête des aspects positifs de la relation est un élément important du traitement. Focaliser sur les difficultés, c’est s’exposer au risque de s’y enliser. C’est pour cette raison que j’invite les couples à parler non seulement de leurs disputes, mais aussi de leurs moments les plus passionnels. La recherche de ce qui les unit forme plus de 50 % de la discussion thérapeutique et joue un rôle déterminant dans les objectifs qu’ils vont se fixer. En plus de démanteler les problèmes de communication, il importe donc de mettre au jour les points positifs qui sont trop souvent masqués par les symptômes. Nous passons par exemple beaucoup de temps à parler de l’origine de la relation. Pourquoi ces deux personnes sont-elles tombées amoureuses ? »

Prendre du recul

Cela dit, il est évident que les conflits aussi doivent être creusés. Ils sont souvent la conséquence des sautes d’humeur brutales qui accompagnent le trouble de personnalité borderline. Par exemple, le patient fait une crise de rage pour une broutille alors que le couple était confortablement installé devant la télévision un moment plus tôt, mais s’apaise généralement tout aussi rapidement. Au cours de la thérapie, on s’intéressera à la structure de ces crises et aux pistes pour les gérer autrement. L’approche sera dès lors différente d’un couple à l’autre. « Si le partenaire sent venir l’orage, il pourra par exemple choisir de prendre un peu de recul et éviter de s’engager dans une discussion, explique le Pr De Wachter. Le patient doit évidemment aussi apprendre lui-même à reconnaître quand l’irritation le guette. Plutôt que d’exploser immédiatement, il pourra par exemple réagir en allant faire un tour ou en couchant ses émotions sur papier afin de pouvoir en parler à tête reposée le lendemain. Le tout est d’introduire un temps de pause avant que la situation n’échappe à tout contrôle. »

Les meilleures solutions viendront généralement des premiers intéressés. « Moins je dois les y aider, plus elles seront efficaces, affirme le Pr De Wachter. Ma tâche est de leur proposer un cadre à l’intérieur duquel ils conserveront le plus possible leur dignité et qui leur permettra de trouver ce qui fonctionne. Ça, c’est le scénario idéal… mais il y a évidemment des situations où les dégâts sont tellement importants que je suis forcé, en tant que médecin et thérapeute, de leur donner quelques pistes. Je leur demande par exemple ce qu’ils pourraient faire lorsqu’ils sentent monter la colère. Comment conjurer la crise ? Je peux leur faire des suggestions, mais c’est vraiment à eux de sentir ce qui fonctionne pour eux, en essayant différentes approches pour les évaluer lors de la consultation suivante. »

Se séparer sans se déchirer

Dans certains cas, une thérapie individuelle complémentaire peut également s’avérer utile, comme la thérapie comportementale dialectique. Elle tente d’inculquer des astuces pour maîtriser ses émotions négatives et modérer sa perception d’une situation ou d’une personne. Généralement, la thérapie débouche généralement sur une issue positive, affirme Dirk De Wachter. « Si les deux partenaires sont prêts à aborder et examiner leurs problèmes relationnels, il est tout à fait possible de les aider à mieux cohabiter. Nous pouvons amener une personne qui étouffe complètement son conjoint à le laisser respirer. Il ne s’agit pas d’un processus d’apprentissage comme à l’école, mais plutôt une sorte de découverte de soi pour parvenir à développer des schémas d’attachement plus sains. »

Et s’il n’est pas possible de « sauver » la relation ? « Une grande partie de ma mission consiste à amener les couples à se séparer d’une manière la plus respectueuse possible. Quand l’amour n’est plus là, nous mettons tout en oeuvre pour éviter les séparations à couteaux tirés. Je ne peux pas promettre le grand amour à tout le monde, mais parvenir à orchestrer une séparation sans conséquences catastrophiques, c’est aussi du bon travail. »

Par Peter Van Dyck

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