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Cerveau : le duel homme femme

La femme est plus forte en calcul et plus douée pour l’empathie… L’homme s’oriente mieux dans l’espace et est plus agressif… Les différences d’aptitudes cérébrales entre les deux sexes existent bel et bien. La science le confirme !

Aujourd’hui, grâce à l’imagerie cérébrale, la boîte noire du cerveau s’ouvre petit à petit. Tout d’abord, ce constat. L’homme a, en moyenne, un cerveau plus grand et plus lourd que la femme (1 450 grammes et 1 300 grammes). Cette différence est en rapport avec la corpulence générale et n’a strictement rien à voir avec la puissance intellectuelle. L’efficacité du cerveau ne dépend pas du nombre de neurones (cellules nerveuses) mais du nombre de synapses (connexions entre ces cellules). Nous sommes tous logés à la même enseigne et disposons, que l’on soit homme ou femme, d’environ cent milliards de neurones et un million de milliards de synapses. Qu’en est-il des gènes ? Leur nombre est quasi identique, environ 30 000, mais les hommes possèdent un tout petit supplément situé sur le fameux chromosome Y. Le gène SRY, par exemple, influe sur la formation des testicules. « On le savait, affirme Jean-François Bouvet, docteur ès sciences et auteur de Le Camion et la poupée. L’homme et la femme ont-ils un cerveau différent ? (chez Flammarion). Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que ce gène est aussi actif dans le cerveau et qu’il agit sur la différenciation comportementale. Ce qui pourrait expliquer que les hommes sont plus agressifs. » L’autre nouveauté ? L’importance de l’expression des gènes. Pour faire simple : un gène est généralement traduit en protéine, voire en plusieurs protéines. Nous avons donc environ 100 000 protéines différentes (trois fois plus que le nombre de gènes) dont beaucoup interviennent dans la formation et la structure du cerveau. Parmi les gènes que nous avons en commun, c’est-à-dire l’immense majorité, un nombre limité ne s’exprime pas de la même manière chez l’homme et la femme. Certains s’expriment à des vitesses différentes ou peuvent ne pas s’exprimer. Pendant longtemps on a considéré que les différences comportementales étaient uniquement culturelles. On ne peut plus le dire : l’impact biologique est là et il existe bel et bien des différences d’expression génétique au niveau cérébral entre les sexes.

Quelques différences…

La différenciation entre le cerveau féminin et masculin se fait sous l’influence des hormones sexuelles et commence in utero, à partir de la neuvième semaine. Des changements importants surviennent à l’adolescence. L’équipe d’Armin Raznahan et Jay Giedd, du National Institute of Mental Health à Bethesda (Etats-Unis) a eu recours à des techniques d’imagerie (IRM) pour filmer la maturation cérébrale de 284 filles et garçons, âgés de 9 à 22 ans (étude publiée en septembre 2010). Résultat ? « Le cortex des filles s’épaissit dans certaines zones clés intervenant dans le langage, décrypte Jean-François Bouvet. Le cortex des garçons devient plus épais dans des régions impliquées dans la visualisation tridimensionnelle et les opérations mentales, telles les rotations virtuelles d’objets complexes. La testostérone est l’hormone clé dans cette différenciation. » Quelques exemples. Les femmes sont plus fortes en calcul et, pour mémoriser l’emplacement des objets, elles ont une plus grande rapidité de perception et d’association et une meilleure coordination des gestes de précision. Les hommes, en revanche, réussissent mieux les tests d’orientation spatiale et de raisonnement mathématique. Tout cela, en moyenne, bien sûr. Même si les corrélations ne sont pas si simples et ont des limites, il semble que ces différentes aptitudes reposent bel et bien, au moins pour certaines d’entre elles, sur le cerveau. Des différences apparaissent aussi dans d’autres zones du cerveau.

L’hippocampe, intervenant dans le stockage de l’information, est plus développé chez la femme. En revanche, la taille de l’amygdale, site majeur des réactions émotionnelles, est plus importante chez l’homme. La science cherche encore des réponses à ces énigmes.
En analysant plusieurs dizaines d’études, Adrian Furnham, professeur de psychologie au collège universitaire de Londres, est arrivé à la conclusion qu’hommes et femmes ont globalement le même QI. La différence se situe dans la façon dont les uns et les autres apprécient leur intelligence. Les premiers ont tendance à la surestimer, les secondes à la sous-évaluer. Les femmes manqueraient d’estime de soi et de confiance en elles-mêmes. Elles auraient aussi une certaine forme d’inhibition lorsqu’il s’agit de se montrer dominante en public et seraient souvent victimes de la « menace du stéréotype » (la prétendue infériorité du sexe féminin les empêcherait de se montrer performantes). Que penser des génies ? Ont-ils un cerveau supérieur ? Jusqu’à la preuve du contraire et la découverte du gène du génie, le cerveau d’un génie est « normal ». Alors pourquoi il n’y a jamais eu de Bach, de Mozart, de Tolstoï ou de Picasso au féminin ? « Je suis persuadé que tout ça a une origine culturelle, répond Jean-François Bouvet. L’éclosion des génies est entièrement liée à l’environnement culturel. Un creuset intellectuel fort et extrêmement stimulant fait éclore les talents. On inculquait aux femmes qu’elles étaient inaptes, une chape de plomb les empêchait de s’épanouir. La créativité était considérée comme l’apanage des hommes. Un cerveau plus performant est un cerveau qui se construit en fonction des stimulations de l’environnement. Le cerveau d’Einstein pesait 1 230 grammes et se situait en dessous de la moyenne observée chez les hommes. En revanche, certaines parties étaient surdéveloppées. Etait-ce là l’origine de son génie ? On ne peut pas répondre à la question. Le cerveau a une grande plasticité et les performances intellectuelles peuvent être considérablement améliorées par l’exercice et l’entraînement. C’est aussi une question de confiance en soi. Dans la mesure où l’on se fait confiance, on développe des synapses et on booste son efficacité cérébrale. »

Empathie versus agressivité

Le primatologue néerlandais Frans de Waal donne une définition de l’empathie simple et juste : « Faire preuve d’empathie, c’est d’abord être sensible aux émotions ou à l’état de quelqu’un d’autre, au langage de son corps. » Les études sont formelles : les femmes sont plus douées que les hommes lorsqu’il s’agit de reconnaître les émotions sur un visage. Elles sont donc plus empathiques. Pourquoi ? Une étude publiée en 2011 montre que la testostérone, principale hormone sexuelle mâle, est un véritable frein à l’empathie. Et si l’on administre de la testostérone à des femmes, leur capacité à décrypter les émotions est en chute libre ! Par ailleurs, des recherches récentes ont mis en évidence l’importance du gyrus droit, situé à la base du cortex frontal. Plus il est gros (ce qui est le cas chez la femme), plus on est doué pour l’empathie. Mais on ne sait pas encore si ce gyrus plus développé chez la femme est la cause ou la conséquence de sa sensibilité sociale.

A l’opposé, intéressons-nous à l’agressivité. Statistiquement, les hommes commettent plus de meurtres que les femmes. La violence serait-elle mâle ? Dans une étude publiée en février 2012, des chercheurs de l’université de Californie ont découvert, chez la souris, que les hormones sexuelles agissent sur l’expression d’un gène impliqué dans la genèse de comportements agressifs. « Il s’agit d’un gène intervenant dans l’agressivité et non « du » gène de l’agressivité, tempère Jean-François Bouvet. Et puis, il s’agit d’une étude portant sur la souris ; chez l’homme, les choses sont sans doute plus compliquées. » Des recherches se poursuivent autour du gène SRY, « gène de la masculinité » qui serait impliqué dans la combativité des mâles. A suivre…

Cerveau et jouissance

Comment se comporte le cerveau lors de l’orgasme féminin et de l’éjaculation ? Ce sont des scientifiques néerlandais de l’université de Groningue qui, titillés par la question, ont obtenu des images inédites (et en couleurs) des cerveaux en train de jouir. Chez l’homme, l’aire tegmentale ventrale, située au coeur du cerveau dans la zone du circuit de la récompense, s' »emballe » à son maximum. L’intensité est la même que celle provoquée par un shoot d’héroïne ! Chez la femme, une grande partie du cerveau « débranche ». Les zones contrôlant l’inhibition, le sens moral et le jugement se mettent en veilleuse pour que la femme puisse profiter pleinement de la jouissance. Ce constat, confirmé par d’autres études, a été complètement remis à plat en novembre 2011. Les personnes qui suivent attentivement l’actualité sur YouTube n’ont pas loupé la vidéo avec Nan Wise. Pour faire avancer la science, la sexologue américaine a décidé de « mondialiser » son orgasme enregistré en IRM. Résultat ? Une activité cérébrale effervescente comme un feu d’artifice… Et la vérité dans tout cela ? Notre spécialiste du cerveau penche pour la première hypothèse et l' »extinction des feux ». « Cette vidéo n’a pas été faite dans des conditions fiables, dit Jean-François Bouvet.

Les choses spectaculaires ne sont pas forcément vraies. Quand les médias s’emparent d’un phénomène isolé qui n’a pas été testé au moins sur quelques individus, ils peuvent s’abuser. Pour qu’une femme soit sexuellement bien, elle doit avoir confiance et désactiver ses zones inhibitrices. Chez l’homme le sexe est généralement considéré comme plus basique. Reste que les conditions de l’excitation sexuelle ne sont pas radicalement différentes. »

Le cerveau délivrera-t-il, un jour, tous ses secrets ? « Pas demain. Le cerveau est une machine extrêmement compliquée et sophistiquée et on peut se demander si une machine est capable de se comprendre elle-même, conclut avec humour Jean-François Bouvet. Cela dit, on progresse rapidement. En France, le Commissariat à l’énergie atomique est en train de mettre au point, probablement pour 2013, un dispositif d’imagerie cérébrale étonnant utilisant un champ magnétique 230 000 fois plus intense que le terrestre. Il aura une telle résolution qu’on pourra visualiser un petit « paquet » de neurones et aller beaucoup plus loin dans la précision. En attendant, on peut déjà affirmer que les cerveaux de l’homme et de la femme sont différents. C’est absolument incontestable.

Le Camion et la poupée. L’homme et la femme ont-ils un cerveau différent ?, par Jean-François Bouvet, Flammarion, 231 p.

BARBARA WITKOWSKA

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