Xavier LOMBARD

Carte blanche: « La loi sur l’euthanasie ne fonctionne pas »

Les nuages n’en finissent pas de s’accumuler sur la commission fédérale de contrôle de l’euthanasie, assaillie de critiques de toutes parts.

Décidément, les nuages n’en finissent pas de s’accumuler sur la commission fédérale de contrôle de l’euthanasie. Celle-ci est assaillie de critiques de l’étranger où elle est présentée régulièrement comme le modèle de ce qu’il ne faut pas faire. Elle est aussi attaquée à l’intérieur du pays par une opposition déterminée à démontrer sa partialité, critiquée par des universitaires de tous bords et accusée d’organiser l’absence de contrôle effectif. De l’aveu de ses propres membres (dont son président Wim Distelmans), cette commission est incapable d’enrayer les milliers d’euthanasies non-déclarées annuellement. De plus, elle est noyautée par les lobbys pro-élargissement de la loi.

Elle est encore apparue la semaine dernière sous un jour peu flatteur dans la presse nationale. La commission s’est montrée incapable de rassembler encore suffisamment de membres répondant au profil légal. Mais aujourd’hui enfin, elle apparaît dans les médias pour avoir fait son travail ! Car ce mercredi, pour la première fois en 13 ans et plus de dix mille (!) cas d’euthanasies et sans doute autant de non-déclarées, bien qu’en affaires courantes, la commission de contrôle a décidé « à l’unanimité » de transférer un cas au parquet, et non des moindres: l’euthanasie de Simone par Marc Van Hoey. Ce dernier, par ailleurs, rien moins que président de Recht op Waardig Sterven (RWS), le principal lobby en faveur de l’extension de l’euthanasie au nord du pays.

Motivation invoquée à l’euthanasie : la u0022fatigue de vieu0022, prétexte invalide, mais maquillé, qui causerait des u0022souffrances psychiques insupportablesu0022.

On pourrait, et on espère, y voir le signe d’un réveil tardif, mais salutaire de la commission de contrôle pour faire appliquer la loi. Force est cependant de constater qu’en l’occurrence, elle n’avait guère le choix; En effet, toute la procédure a été filmée par la télévision australienne révélant publiquement des détails particulièrement accablants pour le médecin et la manière dont l’euthanasie est pratiquée en Belgique.

On peut ainsi y voir une Simone tout à fait en forme, bien loin de la fin de sa vie et ne rentrant d’aucune manière dans les critères de la loi. Motivation invoquée à l’euthanasie : la « fatigue de vie », prétexte invalide, mais maquillé, qui causerait des « souffrances psychiques insupportables ». Souffrance psychique certes indéniable due au décès de sa fille, mais dont la cause récente (3 mois !) devrait inciter à un minimum de circonspection et ne rentre certainement pas elle non plus dans le critère d’irrévocabilité voulu par la loi.

Quant à la forme, elle n’a elle non plus même pas été respectée, l’évaluation de l’état psychique devant obligatoirement être soumis à l’appréciation d’un troisième médecin qualifié pour cela. Tout cela émis publiquement sur les ondes, vu par des milliers de personnes et agrémenté d’images d’un médecin prêt à piétiner tout cadre légal tout en fanfaronnant haut et fort son « humanisme » devant les caméras. La commission aurait-elle voulu couvrir de tels actes qu’on aurait pu se demander si sa responsabilité pénale n’en aurait pas été engagée. A se demander même si ce cas n’a pas été expressément monté en épingle par l’intéressé en vue de provoquer un procès politique en faveur du suicide assisté.

Mais plus interpellantes encore sont les réactions parfois hallucinantes des membres de ladite commission. Une femme parmi celle-ci confiait ainsi jeudi matin sur les ondes de la RTBF sa crainte que ce cas n’effraie les médecins. Ces derniers pourraient en effet être, à l’avenir, plus circonspects avant de passer à l’acte de crainte qu’une condition légale ne soit pas respectée et de voir le dossier se retrouver au parquet. N’est-il pas révélateur de voir une membre de la commission – par ailleurs présidente de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) – déplorer ouvertement qu’une de ses actions pourrait avoir pour conséquence d’inciter les médecins à respecter strictement la loi et à appliquer un principe de précaution, c’est-à-dire précisément ce pour quoi elle a été instituée ? Les propos de cette membre, qui déclarait un peu plus tard n’avoir « transmis ce dossier qu’à contrecoeur » montre bien qu’il n’a en réalité jamais été question que la commission ne joue réellement son rôle: contrôler et faire respecter la loi.

A se demander si ce cas n’a pas été expressément monté en épingle par l’intéressé en vue de provoquer un procès politique en faveur du suicide assisté.

Bien que la commission n’a pas eu d’autres choix que de transmettre le dossier à la justice, ce cas montre bien à quel point le conflit d’intérêts au sein de la commission est prégnant. Le président de RWS disposait de plusieurs de ses membres (ensemble avec l’ADMD une minorité de blocage) au sein de la commission de contrôle. Ces associations militent ouvertement pour le droit au suicide assisté, c’est-à-dire pour que les actes exposés dans le documentaire australien soient légalisés. Certaines de ces personnes ont même déjà publiquement déclaré que ce procès devrait être le signal d’un débat pour l’élargissement de la loi au suicide assisté, c’est-à-dire ce dont ils sont chargés de faire respecter l’interdiction. Comment croire que ce cas est isolé, et comment accorder la moindre crédibilité à l’idée que les membres de l’ADMD/RWS ont appliqué strictement la loi sur les cas précédents de suicides assistés qui n’ont pas joui de la même attention médiatique que celui-ci ? Comme ne pas craindre qu’ils n’aient entouré du manteau de la bienveillance les déclarations fournies par le médecin lui-même ?

Nous ne le saurons certainement jamais, mais le simple fait que cette suspicion existe, sur une matière aussi grave, est tout bonnement insupportable. La loi sur l’euthanasie ne fonctionne pas. Les cas de Laura 23 ans, à présent de Simone, mais aussi tous ceux dont nous n’entendrons jamais parler le prouvent, le contrôle à postériori est inefficace et c’est la loi elle-même qu’il faut mettre en cause.

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