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Burn out: Pourquoi de plus en plus d’enfants craquent aussi?

Injonction de réussite, obsession des notes, emploi du temps saturé, anxiété… Les psys s’inquiètent : après avoir touché l’entreprise, les salariés et les parents, l’épuisement nerveux commence parfois dès l’école primaire. Pourquoi ? Comment éviter que les jeunes craquent ? Notre enquête de Soraya Ghali, avec Rebecca Benhamou

Jeudi, Fiona a encore travaillé jusqu’à 21 heures. Elle a 10 ans et est en cinquième. A la fin, sa mère, excédée, a pris sa farde d’éveil pour y coller, à sa place, les découpages qui devaient encore accompagner la leçon. « Moi, je m’intéresse au travail de mes enfants, se défend Patricia. Je refuse de les voir à la traîne. En troisième, son frère se débat avec la trigonométrie et les masses volumiques. S’il veut choisir librement ses options, il a intérêt à avoir de bonnes notes. Alors je les fais bosser. La moitié de mon temps libre y passe. » Autour de Patricia, de toute façon, tous les parents font pareil. Fiona mâche frénétiquement les manches de son pull lors des contrôles et une note au-dessous de huit sur dix la mine. « Elle se stresse toute seule. Elle est très perfectionniste », soupire sa mère. La pression familiale est-elle trop forte ? Probablement.

Le burn-out des enfants. Comment éviter qu’ils ne craquent (Payot), qui paraît ce 9 mars sous la plume de Béatrice Millêtre, docteur en psychologie et spécialiste en sciences cognitives, est nourri d’exemples dérangeants. Il relate les témoignages que la psychothérapeute reçoit dans son cabinet. Il y a Sonia, 16 ans, en état de panique avant des examens sur lesquels elle dit « jouer son avenir ». Julien, 15 ans, bon élève dans une école exigeante, mais phobique scolaire, terminant l’année « vautré sur le canapé ». Marie, 11 ans, exténuée et travaillant sans relâche : et plus elle travaille, plus elle commet des fautes. La fillette ne supporte plus d’être la risée de ses copines « qui comparent leurs points en permanence ». Charlotte, 14 ans, brillante à l’école comme à la danse, a toujours enchaîné activité sur activité. Aujourd’hui, elle se rend malade, ne dort plus.

Y a-t-il trop de jeunes épuisés, parfois jusqu’au « burnout » ? Peu d’études se sont penchées sur leur épuisement nerveux, et aucune statistique officielle ne quantifie l’ampleur du burnout dans leur catégorie d’âge. « C’est un sujet tabou, car il renvoie à l’incompétence des adultes, dans un monde qui sanctifie le bien-être des enfants et nous matraque d’injonctions au bonheur », assène Gisèle Georges, pédopsychiatre et auteure de Ces enfants malades du stress (Anne Carrière, 2002). Mais on peut aussi laisser parler les « victimes » et les professionnels, principalement ceux qui les côtoient.

Dans une société où le stress et le culte de la performance sont endémiques, difficile d’imaginer que nos enfants en soient épargnés. « Jusque très récemment, je recevais environ un jeune par an pour des problèmes de craquage nerveux, de dépression ou de burnout, observe Béatrice Millêtre. Ils sont désormais plus de cinq par semaine à passer le seuil de ma porte et, lorsqu’ils le font, ils sont déjà en grande détresse et en grande souffrance. » Burnout ? Cela peut paraître surprenant à appliquer à des préadolescents et des adolescents. Le syndrome susciterait pourtant un intérêt grandissant parmi les professionnels. Même si parmi eux, certains – à l’image de Philippe Corten, fondateur de la Clinique du stress au CHU Brugmann (Bruxelles), et de Johanna Tornqvist, psychothérapeute cognitivo-comportementaliste – considèrent le terme « abusif », lui préférant « l’épuisement scolaire » ou « le trouble anxieux ». « Le burnout concerne des personnes exposées à un excès de stress continu sur plusieurs années, sans possibilités de récupération », précise Philippe Corten.

Mais tous sont d’accord sur les facteurs de stress, dont les causes sont multiples. D’accord aussi sur le fait que l’école est devenue aussi oppressante que l’entreprise. Les propos des jeunes patients s’apparentent à ceux des travailleurs angoissés : dans les deux cas, on parle de rythme de travail, de performances, d’objectifs, d’enjeux, de pression, d’exigences… Résultat : on voit des écoliers qui vivent stressés comme des adultes. Preuve en est : d’après une enquête menée par la mutuelle Solidaris en 2013 auprès de quelque 800 enseignants, parents et adolescents, 36 % des sondés âgés de 14 à 18 ans ressentent un stress scolaire élevé. La cause est nette : l’impératif de réussite souhaitée par les parents et les enseignants.

Ce stress est-il stimulant ? Ce serait tout le contraire : pour la grande majorité des adolescents, il est tétanisant et les conduit à se décourager. Chloé, 17 ans, en cinquième secondaire, utilise volontiers les mots « angoisse » et « concurrence » en parlant de sa vie scolaire. « A chaque rentrée depuis ma première secondaire, il y a des profs qui nous menacent d’être virés. « Regardez votre voisin de gauche, regardez votre voisin de droite, d’ici à la fin de la sixième, l’un des deux ne sera plus là. » En plus, à chaque bulletin, c’est la proclamation du hit-parade. Ceux qui ont des mauvais points sont des losers. »

Si l’épuisement nerveux n’est pas nouveau, il aurait tendance à s’accentuer. La nouveauté ? Avant, c’était surtout l’apanage des étudiants en fac à l’approche des examens. Maintenant il traverse toutes les familles de toutes conditions. Les problèmes scolaires sont les premières causes de consultation d’un psy. Inquiétude supplémentaire, ces craquages commencent de plus en plus tôt, dès l’école primaire. « Le burnout des enfants peut se définir comme un épuisement nerveux lié à la réussite », note Béatrice Millêtre. Ainsi, Johanna Tornqvist, psychothérapeute spécialiste des troubles anxieux, a vu arriver des adolescents de 14, 15 ans, voire des gamins d’à peine 12 ans.

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Des « machines à réussir »

L’angoisse et la pression des parents expliqueraient en partie ce phénomène. La réussite devient un but en soi, presque un impératif. Béatrice Millêtre dénonce dans son ouvrage cette perte de sens : trop souvent, les enfants ne seraient plus que des trophées. « Nos enfants doivent réussir tout ce qu’ils entreprennent, que ce soit en matière de sport ou d’activité périscolaire, en termes de réussite scolaire, ou même de vie quotidienne. Ils n’ont plus droit à l’échec, ni à l’erreur, ni même à l’apprentissage : il faut qu’ils réussissent du premier coup. »

Partout, plus vite et mieux que les autres : pourquoi cette quête effrénée de la performance, du « zéro défaut » ? La peur du chômage ? Elle nourrit sans doute les angoisses des parents. Leur inquiétude correspond à une réalité : on sait que l’insertion professionnelle est liée au niveau d’études ; un jeune qui n’a pas de diplôme aujourd’hui est en réelle difficulté. Leurs craintes se nourrissent aussi de la massification scolaire, où il devient plus difficile de sortir du lot et d’assurer sa place dans le monde professionnel.

Nombre de parents luttent d’arrache-pied à coups de cours particuliers ou/et de consultations chez les logopèdes et coaches pour en faire des premiers de classe, persuadés d’avoir des jeunes surdoués qui ne le sont pas.

Le fantasme de réussite ? Aussi. Il prend sa source dans le mythe de l’enfant parfait, qui, à l’évidence fait de plus en plus fantasmer. Ce dernier est mandaté pour réparer, combler, réaliser ce que ses parents ont « loupé ». Parfois, les parents sont tellement impliqués dans les études de leurs enfants qu’ils utilisent, pour en parler, la première personne du pluriel. Condamné à rentabiliser ces investissements, l’enfant se lance en quête de rendements. « Ils ont conscience très tôt qu’il leur faut réussir tout de suite pour rassurer père et mère, donc ils se mettent au service de leur narcissisme », signale Jean-Marie Gauthier, pédopsychiatre et chef de service au CHR de La Citadelle (Liège). Les adultes n’ont même pas besoin de verbaliser leurs désirs, l’enfant les intériorise et se met ensuite la pression tout seul. Résultat : le sprint scolaire est encouragé à un âge de plus en plus précoce. Dès la deuxième maternelle, Emilie avait déjà des cahiers de vacances d’entraînement scolaire. L’été avant son entrée en primaire, sa mère, Maria, lui a appris à lire et à compter comme elle l’avait fait avec ses deux aînés. « Il aurait été dommage de ne pas la pousser alors qu’elle est à un âge où l’on apprend rapidement », confie-t-elle. Son rêve secret ? Lui faire sauter une classe, évidemment.

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A l’instar de cette maman, de plus en plus de parents se disent que si leur enfant n’est pas premier en troisième primaire, il coulera en troisième secondaire. Avant, les parents laissaient passer une moyenne de 70 %. Aujourd’hui, les plus exigeants la jugent « honteuse » en primaire et dramatisent ; en secondaire, elle est estimée « faible ». « L’adulte vit comme une blessure narcissique l’échec scolaire, qui fait voler en éclats cette fiction de l’enfant idéal. » Le Pr Jean-Marie Gauthier reçoit ainsi nombre de parents qui luttent d’arrache-pied à coups de cours particuliers ou/et de consultations chez les logopèdes et coaches pour en faire des premiers de classe, persuadés d’avoir des jeunes surdoués qui ne le sont pas.

Obnubilés par l’école, les parents ne pensent plus qu’à l’élève. Lui est persuadé, dans cette quête de réussite, que l’amour de siens est proportionnel à ses performances. Pour le jeune, son résultat scolaire, c’est son « salaire ». Ce qui lui permet de dire : « Je vaux cher ». Et plus il vaut cher, plus il est fier et plus ses parents l’aime. « Ados ou enfants ont très peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas y arriver », ajoute le pédopsychiatre.

Sortir du lot à tout prix

L’étau se resserre jusque dans les activités extrascolaires. Lever : 7 heures. Départ : 8 heures. Pause déjeuner : 12h15. Reprise : 13h40. Sortie : 16h30. Logopède : 17h15. Tennis : 18h30. Dîner : 20 heures. Extinction des feux : 21 heures. C’est un mardi ordinaire pour Noa. Il a 12 ans, est élève de sixième. Le mercredi après-midi, il a natation et puis foot. Rebelote le vendredi soir, pour un entraînement sur le gazon. Heureusement, le samedi soir, il peut souffler. Quoique le dimanche matin, il a match de foot à 9 heures. Alors, pas question de regarder The Voice jusqu’au bout. Ce n’est pas un mythe : de nombreux enfants ont un emploi du temps surchargé, enchaînant les occupations et n’ayant plus de temps pour respirer, être chez eux, jouer, être avec leurs amis. Bref, un horaire réglé à la minute près, de façon à ce qu’ils aient toujours une activité enrichissante à réaliser. « Dans la tête des parents, le loisir doit désormais servir à quelque chose, avant même d’être un plaisir », commente la pédopsychiatre Gisèle Georges, Il s’agit de rentabiliser le temps libre. Tous les hobbies sont bons, pourvu qu’ils fassent sortir l’enfant du lot, ou qu’ils servent à construire une trajectoire parfaite. Certains parents ne considèrent les activités extrascolaires que comme un moyen de mieux réussir. Au risque de « scolariser » toute l’enfance, de placer tout ce qui est vécu sur le mode de l’excellence et de la compétition. Ce qui devrait être un plaisir se transforme à nouveau en source d’anxiété.

Sans compter que ce rythme est intenable. « Un enfant qui a passé sa journée assis en classe, qui a fait ses devoirs et qui doit assurer à ses cours de solfège, finit par craquer. L’effort physique et psychologique est trop important, souligne Béatrice Millêtre. Même des personnes plus âgées ne tiendraient pas le coup. » Selon elle, le burnout est favorisé par des parents qui donnent trop de responsabilités à leurs enfants. « Lorsque nous prêtons aux animaux des caractéristiques humaines, et que nous nous comportons avec eux comme s’ils avaient ces caractéristiques, nous parlons d’anthropomorphisme. Nous faisons de même avec nos enfants en leur prêtant des comportements adultes et des attitudes qu’ils ne peuvent pas avoir. » Bref, on les rend adultes le plus vite possible, trop tôt.

Burn out: Pourquoi de plus en plus d'enfants craquent aussi?
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La psychothérapeute nomme cette attitude le « mégamorphisme ». Elle évoque ce patient qui, à 8 ans, rentre seul chez lui tous les midis et seul se prépare son déjeuner. Ou une autre qui, à 9 ans, s’occupe de ses trois frères et soeurs plus jeunes qu’elle, le matin, les faisant petit-déjeuner, les habillant et les amenant avec elle à l’école, parce que les parents ne sont pas là à leur réveil. Un argument partagé par Jean-Yves Hayez, psychiatre infanto-juvénile et professeur émérite à la faculté de médecine de l’UCL, pour qui le risque est plus important aujourd’hui : « L’enfant ou l’ado n’a plus le même accès à son environnement familial. Notamment quand les deux parents travaillent, cette situation favorise l’isolement de l’enfant. »

Pour le Pr Jean-Marie Gauthier, trop de parents mesurent leur efficacité par les résultats scolaires de leurs enfants. En d’autres termes, si l’école va, tout va, et on néglige le reste. « Ils vivent avec la conviction qu’ils sont les responsables de l’épanouissement personnel et de la réussite sociale de leur enfant. Ce qui se traduit par une stimulation de plus en plus précoce et, volontairement ou non, par la promotion de la performance et de la compétition. Deux notions relayées et amplifiées par le système scolaire », plaide le pédopsychiatre.

L’école de la peur

Car il faut aussi chercher, à l’école, d’autres facteurs d’épuisement. L’institution semble s’organiser pour pressurer les élèves. D’abord, dans un système scolaire qui – contrairement à la plupart des pays voisins et des pays nordiques – pratique « le management par la peur » selon les mots de Béatrice Millêtre -, l’élève vit dans la crainte du redoublement, des fins de trimestres et du couperet du conseil de classe. Les notes et l’évaluation seraient, elles aussi, source de stress : parce qu’elles sanctionnent les fautes et les erreurs. Cette méthode n’est pas faite pour valoriser ce qui va bien mais pointe ce qui va mal. Et si l’élève est bon en langues mais « nul » en mathématiques, c’est ce dernier point qui sera sans cesse souligné. « Précisément, si on veut travailler sur le stress à l’école, il faudrait commencer par former les enseignants à faire une évaluation ! estime Gisèle Georges. Une note sur 20, sans commentaire sur les points forts et faibles, n’apporte rien dans le dynamisme de l’apprentissage. » D’autres attirent l’attention sur la « violence » que peuvent produire les notes sur les plus fragiles, notamment à l’adolescence. A un âge sensible, vulnérable, en cours de construction, les ados ont besoin d’un regard positif et encourageant. « Quand, ils ont de mauvaises notes, surtout quand ils se sont investis, ça les « casse » (c’est le mot qu’ils emploient eux-mêmes) », relève Jean-Yves Hayez.

Mais dans ce système foncièrement classant, ces points sont essentiels, puisque ce sont eux qui permettent d’effectuer le tri, de sélectionner les « meilleurs ». Ce système néglige ses « perdants ». L’élève estampillé « mauvais » se retrouve – trop souvent – orienté malgré lui vers les filières techniques. La pression est d’autant plus forte que les parents ont souvent l’impression qu’une fois la décision prise, « c’est irrémédiable ». Pour rendre l’orientation moins stressante, il faudrait revaloriser les autres filières et surtout multiplier les passerelles qui permettent aux élèves de changer de voies au lieu de les embarquer dans un tunnel dont ils n’arriveront pas à sortir.

Autre écueil : tant les parents que l’école focalisent trop sur le but (réussir à tout prix) et non sur la démarche, sur les apprentissages eux-mêmes. Plus personne ne se concentre sur le plaisir d’apprendre. Les élèves travaillent davantage pour être dans la bonne moyenne que pour intégrer des savoirs. Ils font des efforts, oui, mais par rapport aux autres et non à eux-mêmes. « Les jeunes ne sont plus que des bons petits soldats programmés pour réussir une scolarité. Ce faisant, ils oublient qui ils sont, ce que sont leurs aspirations, leurs goûts, leurs souhaits », s’inquiète Béatrice Millêtre. Dans ces conditions, comment être en contact avec son monde intérieur quand toute l’énergie vitale est mise au service de l’autre ?

L’omniprésence des autres

L’un des plus gros facteurs de stress concerne aussi la pression sociale subie par les pairs. « La réflexion des autres, être intégré, ne pas dire de bêtises devant les autres, ne pas se faire agresser… Les autres sont stressants, agresseurs, agressants, moqueurs, comparateurs, compétitifs… C’est une entreprise quoi ! » s’exclame la pédopsychiatre Gisèle Georges. A cet âge, il suffit d’un rien pour être exclu : une trop bonne note, une faute de goût, une rumeur sur les réseaux sociaux… Le sociologue Michel Fize constate : « Ici comme ailleurs, l’individualisme a gagné. Les tribus qui existaient il y a peu – gothiques, skateurs, etc. – protégeaient les jeunes. Le groupe se construisait autour de valeurs communes. Aujourd’hui, il est devenu précaire. C’est un groupe qui se fait et se défait facilement. » Cet ersatz de groupe n’a plus de passion commune, mais seulement un désir de casser et exclure l’autre. Alors on balance une moquerie ou une réflexion blessante, sans se soucier de l’impact sur l’autre.

Ces atteintes régulières, verbales et parfois physiques, à l’école ou sur les réseaux sociaux, peuvent représenter une source importante de stress. Elles conduisent à l’épuisement nerveux, parce que le jeune n’a plus de zones de repos ni de récupération psychologique.

C’est un fait : les ados d’aujourd’hui, davantage qu’hier, vivent constamment sous le regard des autres, de la comparaison sans fin. « On n’arrête pas de dire que l’on vit dans une société sans autorité. En réalité, l’autorité du groupe est partout et la pression est généralisée », remarque le pédopsychiatre Jean-Marie Gauthier. Et de citer l’exemple de cet adolescent exclu de son groupe de camarades, parce qu’absent durant deux jours sur un jeu en ligne…

C’est donc l’addition de tous ces facteurs qui crée un stress exponentiel. Les adolescents en parlent rarement. « Ils font le gros dos et, pour accéder à un sas de décompression, ils se réfugient souvent devant les écrans », insiste Jean-Yves Hayez, « La plupart luttent avec succès contre la pression », épingle Jean-Marie Gauthier. Mais d’autres trinquent.

Comment alors se caractérise le burnout chez les plus jeunes ? En quoi se distingue-t-il de celui qui touche les adultes ? Il faut d’abord définir ce qu’est le stress. Selon les spécialistes, il est un mécanisme adaptatif qui permet de s’adapter à une situation à laquelle on ne peut échapper, et de mieux l’affronter. C’est une simulation physiologique et psychologique qui améliore nos capacités et nous rend plus performant.

Le mauvais stress, c’est celui qui épuise l’organisme et représente une menace pour le corps. En raison d’un excès de deux hormones, le cortisol et d’adrénaline, le sujet n’arrive plus à enregistrer les informations, le cerveau n’envoie plus qu’un message : se sauver. Et là, on peut commencer à avoir des angoisses, des idées noires, des cauchemars, à perdre la sociabilité et la créativité. Ce mauvais stress s’exprime différemment chez les ados, qui n’en ont pas toujours conscience (lire l’encadré page xx). N’ayant pas la même capacité de verbalisation, leur épuisement se manifeste de façon indirecte.

La souffrance est large. Le premier signe est une grande fatigue physique et intellectuelle. Le jeune a aussi des troubles somatiques : il dort mal, mange mal, dès qu’il y a un virus qui traîne, c’est pour lui… C’est un enfant ou un adolescent irritable, jamais content, toujours ronchon et tendu, voire agressif. Tout doit être organisé, il faut faire les choses vite, et on sent la cocotte-minute qui va exploser. Il investit beaucoup dans la vie scolaire, est perturbé par les résultats : tout doit être parfait. Quand la situation se complique, il se dévalorise, dit « Je suis nul », « Je m’en sortirai jamais ». Autre cas de figure : ceux qui ont les compétences pour réussir mais qui vont se réfugier dans la fuite, l’esquive, et vont décrocher. Ne se sentant pas à la hauteur, ils se mettent en retrait, perdent le goût de l’école, se démotivent en profondeur et connaissent alors l’échec scolaire.

Chez certains jeunes, l’expression la plus visible du « burnout » se manifeste par la phobie scolaire. La phobie est rarement brutale. Au début, il y a un petit mot des parents pour excuser l’élève qui n’est pas bien. Puis, les absences se répètent, notamment quand il y a un contrôle. Puis, c’est l’effondrement un matin. Pour ces jeunes, un détail peut avoir tout fait basculer, un examen raté, une remarque blessante d’un camarade. Une peccadille ? Ils sont tellement à bout qu’il suffit d’un rien pour qu’ils s’écroulent. « Ces jeunes ont souvent une peur panique d’être jugés, évalués, liée à une pression interne ou externe », résume Johanna Tornquist. Un phénomène qui va croissant et touche à présent de 3 à 5 % des élèves. ?

S. G. avec R. B.

Burnout

Le burnout est une réponse à un stress scolaire chronique, prolongé, souvent majoré par un manque de récupération. Il survient souvent chez des élèves qui ne sont pas des « cancres » mais qui n’arrivent plus à faire face aux exigences de l’école. Ce phénomène se caractérise par un épuisement face aux demandes de l’école : l’élève a le sentiment d’être débordé par la pression liée à l’école, avec notamment une fatigue chronique due aux inquiétudes et aux ruminations concernant le travail scolaire, et le sentiment de ne pas être à la hauteur. ?

S. G.

Signaux

Souvent intériorisées, ses manifestations sont multiples et le « burnout » difficile à diagnostiquer.

Fatigue Elle se manifeste sous la forme d’un sentiment d’épuisement quotidien, même après des périodes de vacances.

Sommeil Des difficultés à s’endormir et des réveils précoces.

Douleurs physiques Troubles musculaires ou encore maux de ventre, céphalées, constipation…

Troubles alimentaires Perte d’appétit ou boulimie

Découragement Inquiétez-vous si ce sentiment est profond, quotidien et durable.

Perte du plaisir Elle peut concerner la vie scolaire, amicale, amoureuse ou familiale.

Humeur Irritable, jamais content, toujours ronchon et tendu, hypersensible avec des pleurs soudains et inexpliqués, des crises de colère et des comportements agressifs. ?

S.G.

Guide pour bien réagir

« Les parents ne doivent surtout pas confondre enfant et élève », souligne Jean-Yves Hayer, pédopsychiatre et professeur émérite à l’UCL. « Car le jour où l’élève échoue, l’enfant peut craindre de ne plus être aimé. S’il se plaint d’être fatigué ou angoissé, il faut le croire et l’aider à se reposer, à se distraire grâce à une activité culturelle ou sportive, en voyant des amis. Si cela se répète, qu’il s’acharne au travail ou ne veut plus aller à l’école, il ne faut pas hésiter à prendre l’avis d’un professionnel. »

En cas de malaise, trois options sont envisageables.

? L’enfant se met régulièrement en situation d’échec, il ne veut peut-être pas évoluer dans la voie choisie. Un coach peut l’aider à définir un projet professionnel appuyé sur ses rêves et son potentiel, et dégagé du désir des autres.

Où s’adresser : Institut européen de coaching de l’étudiant (IECE), iece.info.fr (pour les antennes en Belgique). Ou Service d’information sur les études et les professions (Siep), siep.be

? Il travaille, mais se sent nul, persuadé qu’il va échouer.

Dans de petits groupes d’affirmation de soi, animés par un psychothérapeute, des jeux de rôle peuvent permettre d’apaiser son angoisse de la performance.

Où s’adresser : dans les hôpitaux pour enfants et les psychothérapeutes cognitivo-comportementalistes.

? Il a des angoisses, des troubles somatiques, des difficultés à formuler son mal-être… Grâce à une thérapie analytique ou une psychothérapie individuelle, il pourra mettre au jour le sens de sa douleur, dans la réussite ou dans l’échec, et reprendre possession de sa vie et de ses choix.

Où s’adresser : dans les hôpitaux pour enfants et les cliniques de stress, notamment au Centre de gestion de l’anxiété et du stress (CGAS), cgas.be ?

S. G.

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