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Bientôt la fin des odeurs de transpiration

Le Vif

Pour combattre les odeurs de transpiration, une « greffe » de bonnes bactéries serait une arme bien plus efficace que tous les déodorants et anti-transpirants du monde, selon des recherches menées récemment à l’université de Gand.

En évacuant chaque jour près d’un litre de liquide, les 1,6 à 4 millions de glandes sudoripares réparties sur l’ensemble de notre corps jouent un rôle capital dans la thermorégulation : la sueur nous aide à nous rafraîchir en s’évaporant à la surface de la peau. Pour réguler de façon optimale notre température corporelle, nous transpirons donc davantage par temps chaud, en cas d’effort physique, lorsque nous sommes nerveux ou lorsque nos hormones nous jouent des tours au cours de la puberté ou de la ménopause.

L’être humain possède deux types de glandes sudoripares : les glandes eccrines, qui se retrouvent partout dans l’organisme et se chargent principalement d’évacuer de l’eau et des sels, et les glandes apocrines, qui sécrètent surtout des lipides, des protéines et des hormones et qui se concentrent dans le creux de l’aisselle, sur les sourcils, sur les mamelons et dans la région ano-génitale. Alors que la sueur elle-même est inodore, les bactéries présentes à la surface de notre peau ou sur nos vêtements vont s’en nourrir et les transformer en déchets souvent malodorants. Ce phénomène est particulièrement marqué dans le creux de l’aisselle, car cette zone est riche en glandes sudoripares apocrines et en micro-organismes, et très mal ventilée.

À vos déos !

Personne n’aime évidemment sentir mauvais. La plupart d’entre nous s’efforcent donc de masquer les odeurs corporelles à grands coups de déodorants ou d’anti-transpirants ; on estime que 80 à 90 % de la population occidentale utiliseraient ces produits au quotidien. Pourtant, cette solution est loin d’être idéale, affirme Chris Callewaert, du département de technologie biochimique et microbienne à l’Université de Gand. « Nos aisselles sont de véritables forêts tropicales qui abritent des centaines de milliers d’habitants, explique-t-il. Cette population se compose à 80 % de staphylocoques (les « bonnes » bactéries) et de corynebactéries (les « mauvaises »). Ces dernières sont particulièrement friandes des acides gras, acides aminés et hormones présents dans la sueur libérée par nos glandes apocrines, qu’elles transforment en composés malodorants. Les parfums contenus dans les déodorants ne masquent ces effluves que de façon temporaire et les sels d’aluminium des anti-transpirants ne bouchent que les pores sudoripares et non pas les glandes apocrines, plus profondes. En plus, l’utilisation d’anti-transpirants peut accroître la concentration en corynebactéries et provoquer encore plus d’odeurs déplaisantes ! »

Greffe fécale

Si les odeurs déplaisantes sont quasi absentes chez les personnes dont les aisselles abritent majoritairement des staphylocoques, il en va tout autrement lorsque les corynebactéries prédominent. Lorsque Chris Callewaert a entendu parler des succès enregistrés aux Pays-Bas avec les « transplantations de bonnes bactéries fécales » dans l’intestin de patients souffrant d’infections bactériennes récurrentes accompagnés de diarrhées, il a voulu la transposer aux dessous de bras. Il a dès lors réalisé chez 18 personnes aux aisselles malodorantes une « greffe de bactéries axillaires » : après avoir récolté au moyen d’un coton-tige les « bonnes » bactéries chez un membre de la famille sans odeurs corporelles excessives, il les a déposées dans le creux axillaire du sujet à traiter. « Nous avons simplement demandé aux donneurs de ne pas se laver sous les bras pendant quelques jours. Les ‘receveurs’ devaient au contraire se laver de façon plus intensive avec un savon à l’éthanol et s’enduire d’une crème antibactérienne spéciale pour éliminer les micro-organismes en profondeur et créer un environnement stérile qui nous a permis presque littéralement de partir de zéro. » Comme le spécialiste l’espérait, les bactéries axillaires saines et sans odeur ont rapidement colonisé l’aisselle après la « greffe », de telle sorte que les germes malodorants se sont retrouvés en minorité. Chris Callewaert a ensuite placé sous l’aisselle de chacun de ses « cobayes » un tampon d’ouate qu’il a retiré après quelques heures et soumis à un panel de nez bien entraînés. Verdict ? La quasi-totalité des patients présentaient une amélioration notoire sur le court terme (1 mois), qui se maintenait également de façon plus prolongée (3 mois ou plus) chez la moitié d’entre eux.

Une procédure à affiner

Les raisons pour lesquelles il est préférable de prélever les « bonnes » bactéries chez une personne apparentée (père, mère, frère ou soeur) sans odeurs corporelles marquées sont évidentes. « Notre corps et notre réponse immunitaire déterminent dans une certaine mesure notre microbiote, c’est-à-dire l’ensemble des bactéries vivant à la surface de notre peau, explique Chris Callewaert. Idéalement, le donneur devrait donc être un membre de la famille présentant une réponse immunitaire cutanée similaire, l’odeur désagréable en moins. Plus les bactéries se ressemblent, plus la probabilité d’un transfert réussi et d’une amélioration durable est élevée. Lorsque nous avons réalisé le test avec des donneurs non apparentés, les ‘bonnes’ bactéries disparaissaient en trois ou quatre jours et les évaluateurs n’observaient pas de réelle amélioration. »

Ces transplantations bactériennes représentent pour Chris Callewaert une véritable percée, même s’il reste encore du pain sur la planche pour affiner la technique… « Nous pourrions peut-être utiliser au cours de la procédure des produits capables de stimuler la croissance des bonnes bactéries. Si cela fonctionne, cette greffe bactérienne pourrait même devenir un traitement dermatologique standard contre les odeurs de transpiration ! De quelque manière que l’on tourne les choses, sentir mauvais a un impact négatif sur l’image de soi et souvent même sur la vie sociale. » Quant à savoir si la technique permettrait aussi de se débarrasser des mauvaises odeurs au niveau des pieds, par exemple, rien n’est moins sûr. « Les pieds sont une zone nettement plus problématique que les aisselles : non seulement ils abritent encore plus de bactéries, mais celles-ci sont aussi beaucoup plus difficiles à atteindre parce que la peau y est plus épaisse et présente souvent des durillons. Nous avons fait le test chez deux personnes, mais malheureusement sans résultats. »

Par Caroline De Ruyck

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