Douze nuances de noirs

Délivré de son image de genre mineur, le polar affiche aujourd’hui sa singularité. De Michael Connelly à Dominique Sylvain, Le Vif/L’Express s’est promené sur les scènes de crime, entre valeurs sûres et découvertes prometteuses.

Mythes et meurtres au Pays basque espagnol

Rien de tel que de rencontrer Dolores Redondo sur ses terres, dans la vallée du Baztan, irriguée par la rivière éponyme (ou Bissaora), en Navarre, pour comprendre d’où vient la singulière inspiration de cette nouvelle star du polar espagnol – sa Trilogie du Baztan s’est déjà écoulée à plus de 600 000 exemplaires dans la péninsule Ibérique, compte 32 traductions, et le réalisateur de Millenium va adapter au cinéma le premier volet, Le Gardien invisible (Folio). Dans le deuxième, De chair et d’os, qui vient de paraître en français, la romancière fait à nouveau de cette région pluvieuse, secrète, riche en superstitions, un personnage à part entière, fascinant, menaçant aussi avec ses forêts profondes et ses grottes propices à tous les méfaits. Il partage la vedette avec l’inspectrice Amaia Salazar, formée à La Nouvelle-Orléans, chef des homicides au commissariat de Pampelune, mais toujours attachée à ce Baztan où elle a grandi, dont les us et coutumes lui sont familiers.  » La configuration en vallée a permis aux traditions ancestrales de perdurer, y compris la langue et la cuisine « , explique Dolores Redondo, 46 ans, native de Saint-Sébastien, elle-même fin cordon-bleu pour avoir travaillé dans la restauration après des études de droit. Chaleureuse, pas diva pour deux pesetas, elle nous entraîne à Elizondo, bourgade historique admirablement conservée, théâtre de De chair et d’os devenu un haut lieu touristique.  » Les gens d’ici sont fiers de leur culture, mais elle est abîmée par ceux qui la dénaturent. En m’inspirant de faits divers, j’ai utilisé la mythologie et la religion pour dénoncer les atrocités sacrificielles que certains commettent en leur nom.  »

Amaia en sait quelque chose, qui, après avoir enquêté sur des meurtres perpétrés en référence au basajaun ( » le seigneur de la forêt « ), dans Le Gardien invisible, doit cette fois élucider une série de crimes barbares, où revient sans cesse la mention du Tarttalo – une autre figure de la mythologie basco-navarraise, immense cyclope gourmand de chair et d’os. Les victimes, mortes sous les coups de leur mari ou de leur compagnon, qui se sont tous suicidés ensuite, ont été amputées post mortem d’un bras, selon un rituel qui fait écho à la sorcellerie locale. N’y aurait-il pas  » un assassin instigateur  » (la nouvelle marotte du FBI) aux manettes ? Si Amaia, qui vient d’accoucher de son premier enfant, est à pied d’oeuvre entre deux tétées, le traumatisme de sa propre enfance reflue, les cauchemars l’assaillent.

Dolores Redondo excelle à entremêler une enquête contemporaine très prenante, un cours magistral sur des pratiques séculaires et des apartés sur le quotidien de son héroïne. Elle accommode rationalisme et croyances en parfaite connaissance de cause. A l’image de ce proverbe basque :  » Il ne faut pas croire aux sorcières, mais il ne faut pas dire non plus qu’elles n’existent pas.  » D. P.

De chair et d’os, par Dolores Redondo. Trad. de l’espagnol par Anne Plantagenet. Mercure noir, 555 p.

Guerre de gangs à Los Angeles

Il était temps. On commençait même à vouloir tirer sur l’ambulance Connelly, incapable, après plus de 20 romans, de retrouver la flamme de ses premières oeuvres : La Blonde en béton, Le Poète ou L’Envol des anges. Son héros, Harry Bosch, un des plus beaux du polar de ces dernières années, flic irascible, tête de pioche et coeur en sucre, s’enlisait dans des enquêtes banales, ce qui devenait franchement énervant. Avec Dans la ville en feu, Michael Connelly revient sur le devant de la scène de crime et signe un de ses meilleurs bouquins.

Son intrigue est à la fois passionnante – Bosch rouvre le dossier d’un meurtre non élucidé, celui d’une journaliste danoise venue couvrir les émeutes à Los Angeles, en 1992 -, et l’écho social et politique qu’il lui donne – la guerre des gangs et le conflit en Irak – sonne juste. C’est documenté, spectaculaire et chaque chapitre avance à bonne vitesse, Connelly retrouvant sa maîtrise du récit comme aux plus beaux jours. Le romancier américain, dont on aimerait qu’il reste maintenant à ce niveau – promis Michael ? – fait même honneur au genre en s’éloignant de la simple résolution du crime pour faire le portrait d’un pays incapable d’assumer ses erreurs. Et puisque tout réussit à Connelly ici, il faut noter la belle bagarre à laquelle se livrent Bosch et son supérieur – un classique de la saga mais délaissé depuis quelque temps – et la relation, aimante et difficile, entre papa Bosch et sa fille, Madeline. E. L.

Dans la ville en feu, par Michael Connelly. Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin. Calmann- Lévy, 400 p.

Le Dickens de Detroit

Pour donner une petite idée du calibre du grand Elmore Leonard (1925-2013), commençons par rappeler que Hitchcock, Scorsese et Peckinpah – beau tiercé… – ont voulu l’adapter, mais que c’est Tarantino qui a décroché la timbale, en 1997, avec Jackie Brown. Le  » King of Cool  » du polar US allait sur ses 70 ans, mais, depuis des années déjà, Stephen King, Donald Westlake et quelques millions de fans clamaient leur dévotion pour l’auteur de Maximum Bob. Il y a longtemps que l’on voulait en savoir plus sur le  » Dickens de Detroit « . L’essai parfait de Laurent Chalumeau tombe à point nommé.

Les repères biographiques sont là : débuts dans la publicité, puis le western, le polar, Detroit, Miami, Hollywood… On découvre aussi le rôle crucial du documentaliste maniaque d’Elmore, Gregg Sutter, qui se définit drôlement comme un  » data nazi « .  » Il enquête, j’écris « , résume sobrement Leonard, qui avait accordé de longs entretiens à Chalumeau, offerts en  » bonus  » en fin d’ouvrage. Cette bio écrite sans façon décortique admirablement le style d’Elmore Leonard, l’un des plus percutants dialoguistes du XXe siècle.  » Si ça a l’air écrit, je récris « , répétait toujours l’auteur de La Brava. Ça a l’air tout bête ? Essayez, pour voir… On se délectera aussi des pages sur l’art de la description ou l’usage du participe présent (!) chez Leonard. Fan transi, Chalumeau n’hésite pas pour autant à dézinguer tel ou tel livre du maître (il place très haut Stick, quand d’autres préféreront Beyrouth Miami). A la vérité, on en apprend infiniment plus sur ce qu’est réellement l’écriture dans ces 250 pages débridées que dans des rayonnages entiers d’oeuvres de Julia Kristeva et de Gérard Genette… J. D.

Elmore Leonard. Un maître à écrire, par Laurent Chalumeau. Rivages, 272 p.

Une espionne à Berlin

La  » berlinite  » serait-elle contagieuse ? Pour avoir, on l’imagine, accompagné son mari, Philip Kerr, lors de ses incessants voyages dans la capitale allemande afin de peaufiner son fameux inspecteur de la police criminelle, Bernie Gunther, dont le Masque publie un nouveau volet des aventures (Les Ombres de Katyn), Jane Thynne plonge à son tour dans la fièvre berlinoise. Depuis 2013, avec Les Roses noires, l’ex-journaliste de la BBC et du Sunday Times s’est lancée dans une trilogie ambitieuse, dressant le tableau des premiers jours du IIIe Reich, vus des coulisses et des alcôves. Où Joseph Goebbels s’efface devant son épouse, Magda…

Mais, en attendant l’arrivée en scène de cette dernière, c’est Clara Vine, l’héroïne britannique de Jane Thynne, qui crève l’écran. Ou plutôt qui aimerait bien le crever. Débarquée sur un coup de tête dans le Berlin de 1933 avec une vague promesse de rôle dans une production des studios UFA de Babelsberg, la jeune Clara séduit, à son corps défendant, un dignitaire nazi, puis fraie avec la femme du ministre de l’Education du peuple et de la Propagande. Un formidable poste d’observation que Leo Quinn, employé du consulat et agent des services de renseignement britanniques, entend bien utiliser. Espionne, un rôle comme un autre – quoique plus dangereux – pour Clara, qui va bientôt être écartelée entre l’amour, la loyauté et le devoir. Très bien documenté et parfaitement rythmé, Les Roses noires, subtil mélange d’Histoire, de suspense et de romance, compose une peinture fort convaincante de l’Allemagne artistique et politique de ces funestes années 1930. M. P.

Les Roses noires, par Jane Thynne. Trad. de l’anglais par Philippe Bonnet. JC Lattès, 512 p.

Enquête dans le Dakota du Sud

Surtout, ne pas se fier à l’exergue, une  » citation  » de Paris Hilton. Certes, la narratrice, Jane Jenkins, fut, elle aussi, une  » it-girl  » californienne, friquée et débauchée, mais avec un QI autrement supérieur… Fille unique de la richissime Marion Elsinger, la jeune femme a été condamnée à la prison à vie pour le meurtre de sa mère, en juillet 2003. Preuve ayant été faite que la police scientifique avait alors trafiqué les analyses d’ADN, le procès a été révisé en appel et Jane libérée dix ans plus tard.

Scandale pour l’opinion publique, qui la croit coupable, à commencer par un journaleux promettant une forte prime pour la retrouver. Or, elle-même n’a aucun souvenir de son acte, trop ivre le soir du crime, si ce n’est deux mots prononcés par la victime. Des indices très minces, qui conduisent Jane, usant de mille stratagèmes afin de rester incognito, jusqu’à une petite ville minière du Dakota du Sud, où elle espère  » trouver des réponses  » à ses questions. Ne pas se fier (bis) au ton d’emblée très familier de cette héroïne, avec ses  » mouais « ,  » putain « ,  » merde « , etc. Le récit de sa quête se révèle parfaitement maîtrisé (ponctué par des textos de son avocat et des tweets de ses détracteurs), la donzelle lucide, caustique, drôlement cultivée – scolarité en Suisse oblige – et le suspense savamment distillé. Une suite est prévue, on l’attend avec impatience. D. P.

Les Réponses, par Elizabeth Little. Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony. Sonatine, 490 p.

Eau maudite à Lourdes

Ça commence à Douala (Cameroun), puis, de Medellin (Colombie) à Brive-la-Gaillarde (Corrèze), nous voilà vite à Lourdes (Hautes-Pyrénées). En cet été 2008, la cité mariale attend plus de 8 millions de pèlerins pour le 150e anniversaire des apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous, qui sera célébré par Benoît XVI pendant trois jours à la mi-septembre. Le père Pablo Mendez, administrateur des Sanctuaires, est sur le qui-vive : un mystérieux terroriste menace de sévir en intoxiquant ses victimes avec l’eau de la grotte et des piscines.

Trop tard pour avertir la police et prendre le risque que soit annulé le jubilé alors que, à deux mois de l’événement, les 223 hôtels de la ville affichent déjà complet. Le recteur Mendez fait donc appel à son vieil ami Lucien Jérôme, commissaire à la retraite. Une première mort suspecte confirme le danger. Mais quid du modus operandi, puisque l’eau est maintenue à une température suffisamment basse pour que toute contamination soit évitée ? Des Templiers aux Farc en passant par le dogme de l’Immaculée Conception, l’intrigue, bien huilée et sacrément documentée, dénonce fort à propos les marchands du Temple comme les contradictions de l’Eglise. Et questionne subtilement les rapports entre la raison et la foi. Un polar d’actualité. D. P.

Aqua Tumulta, par Pierre Caron. Recto verso, 418 p.

Homophobie dans la Ville lumière

Remarquée dès ses premières gammes avec Et si Notre-Dame la nuit…, prix Polar 2013 du meilleur roman francophone de Cognac, la comédienne et scénariste Catherine Bessonart poursuit son compagnonnage avec le commissaire Chrétien Bompard. Après La Palette de l’ange, revoilà le flic du 36, quai des Orfèvres, et ses fidèles Grenelle et Machnel. Un commissaire bien sympathique que ce Bompard : ancien fumeur, buveur de whisky, meurtri par le départ de sa Mathilde – qui n’est toujours pas revenue -, il affiche une sensibilité de bon aloi et un sixième sens certain.

Aussi s’attaque-t-il avec vigueur à sa nouvelle affaire : les meurtres en série d’homosexuels qui semblent avoir été commis par le même individu. Un noyé au port de l’Arsenal, un trucidé en pleine Gay Pride, une émasculation rue des Rosiers… L’enquête aidant, le profil de l’homophobe s’affine : un danseur classique claudiquant légèrement et ayant des liens, lointains ou pas, avec la mer et la guerre d’Indochine. Pour mener à bien sa mission, Bompard arpente Paris – l’autre héroïne du roman – et fouille les âmes. Ce faisant, l’auteur distille çà et là de jolies descriptions de la capitale et quelques réflexions déterminées sur la tolérance sexuelle et l’aide à la fin de vie. Un suspense bien de son temps. M. P.

Une valse pour rien, par Catherine Bessonart. L’Aube noire, 320 p.

Le Paris de l’Apocalypse

A 57 ans, Dominique Sylvain n’est pas du genre à se satisfaire de la routine. Auteur reconnue dans le monde du polar, cette ancienne journaliste et responsable de la communication interne et du mécénat d’Usinor n’a cessé, depuis 1995 et Baka !, de jongler avec une pléthore d’enquêteurs : la détective débutante Louise Morvan, le commandant Alexandre Bruce, de la Crim, le duo franco-américain formé par la commissaire à la retraite Lola Jost et la strip-teaseuse Ingrid Diesel. Autant de héros qu’elle laisse se reposer aujourd’hui, comme elle délaisse le contexte international de ses deux derniers opus, Guerre sale et Ombres et soleil.

Avec L’Archange du chaos, place à de nouvelles têtes et au recentrage sur une série de crimes bien sordides. Le duo sévit au 36, quai des Orfèvres avec, dans le rôle du vieux briscard, le commandant Carat et, dans celui de la novice, Franka Kehlmann, une protégée de la divisionnaire tout juste sortie de la Financière. C’est dans un sous-sol d’un immeuble en travaux du XVe que l’on retrouve le corps mutilé d’une médecin urgentiste. Il y aura encore un comptable à la retraite, une journaliste réputée avec, toujours, une sinistre mise en scène, précédée de sentences de mort issues de l’Apocalypse. Grâce à l’entourage sulfureux de Franka – un frère aussi génial qu’instable, un père aussi brillant que violent – se profile le portrait de l’assassin, partisan de l’ordalie. Reste à savoir ce qui a déclenché la soif sanguinaire du justicier. Mais plus que l’intrigue elle-même, c’est bien ce duo épatant, terriblement humain, qui fait la force du quatorzième policier de la talentueuse romancière. M. P.

L’Archange du chaos, par Dominique Sylvain. Viviane Hamy, 336 p.

Déréliction sur la côte nordiste

Il suffit d’aligner quelques titres des romans de Pascal Dessaint pour se rendre compte de la couleur des temps : La vie n’est pas une punition, A trop courber l’échine, Mourir n’est peut-être pas la pire des choses, Maintenant le mal est fait… Et le nouveau : Le chemin s’arrêtera là. L’homme ne fait pas dans la rigolade mais dans la noirceur. Cette différence est d’autant moins qualitative que Pascal Dessaint est l’un des meilleurs stylistes du genre. Ses phrases sont belles, précises, amples, imagées, musicales, sèches, surprenantes. Son style n’est pas sans rappeler celui d’Hugues Pagan, grand écrivain dont on rêve qu’il se remette à sa table de travail (bon, cher Hugues, c’est pour quand ?).

Bref. Pascal Dessaint est un grand écrivain qui s’était perdu depuis quelque temps dans des polars écolo sans grand intérêt. Il renoue ici avec sa veine très noire et brillante et livre un roman choral sur des gens de la côte nordiste laissés au bord de tout, et finalement bouffés par leurs pulsions animales. C’est un roman de l’époque, plus noir que polar, qui affirme la dimension sociale du genre. Ce sont des vies écorchées, rayées de la carte mais qui respirent encore un peu. Pascal Dessaint regarde ses hommes et ses femmes comme on regarde un monde qui se meurt mais dont il faut espérer quand même. Le retour du ciel bleu n’est pas pour demain, celui d’un grand écrivain, c’est maintenant. E. L.

Le chemin s’arrêtera là, par Pascal Dessaint. Rivages/Thriller, 240 p.

En voiture au bout de la nuit américaine

Ne perdons pas notre temps : Missing : New York n’est pas le meilleur roman de Don Winslow, lui qui avait tapé très fort avec, notamment, La Griffe du chien ou Savages. On n’étonnera pas les amateurs, l’écrivain étant habitué à produire du haut de gamme et du tout-venant avec une sincérité désarmante. Missing : New York n’est tout de même pas rien. C’est un polar de série B qui avance sans souci de réalisme mais dans un tempo suffisamment bon pour qu’il réserve son lot de suspense.

Surtout, cette histoire par trop classique de kidnapping d’une gamine sur lequel enquête un flic, Frank Decker, bientôt démissionnaire et devenu justicier, vaut pour la façon dont Don Winslow la raconte. Winslow est un styliste décontracté du clavier, une sorte d’Elmore Leonard déjanté, qui s’amuse à trouver la bonne distance à son récit. Winslow est passé maître dans l’art de commenter ce qu’il écrit par des incises souvent drôles et pertinentes. Ce qui met le lecteur dans la confidence à défaut de le passionner. Si, dans Savages, Winslow trempe sa plume dans l’ironie – c’est là qu’il est le meilleur -, il sait aussi, eu égard à la noirceur de cette histoire d’enlèvement, manier l’humour du désespoir. Il faut ainsi prendre cet auteur pour ce qu’il est : un gars au talent fou qui rate parfois sa cible, jamais son roman. E. L.

Missing : New York, par Don Winslow. Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Philippe Loubat-Delranc. Seuil, 320 p.

Hécatombe à Chinatown

Les bières, il les connaît toutes, Walter Milkonian, de la Chouffe ardennaise à la Duvel. Mais pas plus, pas moins que le bordeaux, le gin, le whisky… Voilà des lustres que ce Belge niché à la Butte-aux-Cailles ingurgite des litres d’alcool, et des mois que sa compagne, Léa, l’a chassé. Ce prof de dessin a aussi été viré de son école professionnelle de la place Rungis. Si l’on ajoute à cela la mort brutale de quatre de ses amis, l’on comprendra que Walter n’est pas au mieux de sa forme. Réfugié rue Buot chez son copain César,  » un ectoparasite d’une tonne et demie « ,  » roi de la combine pourrie « , il partage son oisiveté entre les déambulations dans son XIIIe arrondissement de Paris et le zinc des Barreaux, l’un de ces rades où  » loosers et saturniens englués dans leur spleen congénital et indécrottable  » devisent à n’en plus finir sur tout et sur rien. En ce jour de canicule parisienne, un morceau de choix leur tombe dessus : un véritable carnage vient d’avoir lieu dans le salon de massage chinois d’en face. Et Walter de s’interroger sur la présence étrange de son ami César dans les parages… Bon, avouons-le, l’intrigue, ici, importe peu. Ce qui ravit le lecteur, c’est l’atmosphère. A coups de dialogues savoureux, l’écrivain et spécialiste d’art Yves Tenret (belge lui aussi) retranscrit à merveille ce petit peuple parisien anarcho-marginal et nous livre une radiographie édifiante du quartier, de la Butte à Chinatown. M. P.

Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles, par Yves Tenret. Noire/ La Différence, 192 p.

Immersion à Bercy

En 2008, la banque américaine Lehman Brothers fait faillite à la suite de la crise des subprimes. C’est le début de la plus grande crise financière internationale depuis 1929. Pas de quoi tempérer cependant les achats risqués du Crédit parisien. Quatre ans plus tard, la première banque française est sur le point de faire faillite,  » pourrie jusqu’à la moelle « , selon l’expression de la nouvelle ministre de l’Economie. La très populaire Isabelle Colson, 46 ans, figure de proue du gouvernement socialiste, veut taxer les dépôts des épargnants dépassant 70 000 euros. En voilà une mesure de gauche. Sauf que Bercy préconise le renflouement de la banque par l’Etat, autrement dit par tous les contribuables… S’il connaît parfaitement les arcanes du ministère des Finances, pour lui avoir consacré un livre d’enquête et un documentaire télévisé, cet ancien journaliste de Lexpress.fr en fait le décor d’un thriller surtout pas réservé aux initiés. Une incursion époustouflante au plus haut sommet de l’Etat. D. P.

Les Initiés, par Thomas Bronnec. Série noire/Gallimard, 237 p.

Par Jérôme Dupuis, Eric Libiot, Marianne Payot et Delphine Peras. Illustration : Elzo Durt/Central Illustration

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