Hugo Claus, peintre, cinéaste, acteur de théâtre, hédoniste et aventurier du quotidien. © ED VAN DER ELSKEN

Claus To Me

A Bruxelles, l’exposition Hugo Claus, con amore, consacrée au fameux écrivain flamand, est aussi un travail de proximité subjective qui caresse une vie plurielle éminemment romantique.

 » J’ai voulu retracer à nouveau le parcours captivant de Claus, mais à ma manière, sans nécessairement faire halte dans tous les lieux saints que dicte la  » Clausologie  » […]. Je tenais fermement aussi à lier la haute et la basse culture, sans faire de grandes phrases.  » A ces lignes écrites dans l’entrée de l’exposition Hugo Claus, con amore, à Bozar (1), par le commissaire, journaliste cinéaste et scénariste Marc Didden (2), on répondra que les grandes phrases, Claus les écrivait lui-même : dans un style à la fois âpre et venteux, trouvant dans la langue néerlandaise des ressources imaginatives pour raconter les sinuosités du réel.

Fils d’imprimeur né à Bruges le 5 avril 1929 et mort le 19 mars 2008 à Anvers, Hugo Claus décida de faire de sa vie un roman, dont il composa lui-même la fin.  » Il souffrait d’Alzheimer depuis six ou sept ans, il a décidé de se faire euthanasier lorsqu’il s’est rendu compte qu’il ne pouvait plus écrire « , explique le commissaire en parcourant le dispositif imaginé au coeur du vieux palais d’Horta. Un circuit de forme carrée comme un long couloir à angles droits bordé d’objets rendant l’oeuvre hétéroclite de Claus forcément plus large que Le Chagrin des Belges.

Marc Didden, journaliste, cinéaste et commissaire de l'exposition.
Marc Didden, journaliste, cinéaste et commissaire de l’exposition.© PHILIPPE CORNET

Gédéon la crapule

Procédant par chronologie et associations, la scénographie expose l’écrit, mais aussi des traces significatives du Claus peintre, cinéaste, auteur de théâtre et aventurier du quotidien. Un séducteur forban qui emprunte une quinzaine de pseudos comme  » Max le menteur  » ou  » Gédéon la crapule « . Un hédoniste qui ne désavoue pas la provoc, comme celle jugée en 1968 par la cour d’assises de Gand comme outrage aux bonnes moeurs suite à sa pièce dénudée Masscheroen.  » Même devenu une célébrité, Claus ne s’est jamais embourgeoisé intellectuellement, continuant à soutenir des causes justes et à lutter contre toute forme de censure « . Marc Didden a découvert l’oiseau tout gamin via une photo montrant l’écrivain attablé en bonne compagnie féminine avec le peintre Karel Appel, sur une terrasse de Rome.  » Il tranchait d’emblée avec le style des écrivains flamands des années 1950.  » Sans se considérer comme son ami, Marc Didden a néanmoins croisé, fréquenté et digéré l’écrivain. D’où ce sens du visuel qui passe par le détail et de rares memorabilia, comme cet étui en velours contenant des poèmes érotiques ou ce jeu de l’oie créé par Claus et Alechinsky en 1980. La mémoire passe aussi par la vision d’autrui : la facétieuse fontaine d’un Baudouin Ier signée Johan Muyle ou l’évocation de la chère mer du Nord via un splendide tableau de Spilliaert et un autre tout aussi majestueux de Thierry De Cordier. Avec, comme réponse à cette mort appelée de ses voeux, ces rares images vidéo de l’écrivain à la pétanque dans le sud de la France.  » Trop heureux de gagner… C’était aussi un homme qui allait vers les autres.  » L’expo nous y mène précisément.

(1) Hugo Claus, con amore : au Palais des beaux-arts de Bruxelles, jusqu’au 27 mai prochain. www.bozar.be

(2) Lire le portrait de Marc Didden dans Focus Vif, page 42.

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