Almodovar intime

A la fois très  » gay  » et très triste, La Mala Educación est le plus intime et le plus révélateur des films récents d’Almodovar

Présentée en ouverture du Festival de Cannes, La Mala Educación ( La Mauvaise Education) succède à la trilogie passionnelle et mélodramatique où Almodovar nous offrit trois bonheurs successifs avec Carne tremula, Todo sobre mi madre et Hable con ella. Le cinéaste présente lui-même son nouveau film comme son £uvre la plus intime et la plus nourrie en éléments autobiographiques, même s’il faut se garder de prendre ces derniers à la lettre.

Le personnage principal de La Mala Educación est un jeune réalisateur travaillant au début des années 1980. Les bureaux de production d’Enrique Goded, dans le film, sont en fait ceux d’El Deseo, la société d’Almodovar, et les studios où on le voit tourner sont ceux û dans la banlieue madrilène û où le bouillant Pedro a l’habitude de tourner lui-même. Réservées au regard de ceux qui ont le privilège de connaître ces lieux, ces références participent à un ensemble centré sur deux périodes clés de la vie d’Almodovar (1964, au collège, et les débuts professionnels, en 1980), chacune étant évoquée dans les lieux mêmes où vécut alors l’artiste.

Le récit débute par les retrouvailles d’Enrique avec Ignacio, son premier amour de jeune adolescent, qui débarque sans prévenir dans son bureau, lui demande du travail (il est devenu acteur) et lui remet une nouvelle qu’il a écrite et qui s’inspire largement de leurs années de collège. Ainsi resurgissent du passé les souvenirs ambigus des premières expériences sexuelles (les agissements pervers d’un curé, l’affection du camarade élu), la découverte, aussi, par Enrique de la suite de l’histoire d’Ignacio, devenu travesti et retrouvant le prêtre abuseur pour le faire chanter afin d’obtenir de lui l’argent d’un changement de sexe. Et, tandis qu’il adapte le récit de son ami pour en faire un film, le réalisateur comprend peu à peu que certains secrets brûlants lui sont encore cachés, des secrets allant jusqu’au crime…

 » Je devais faire La Mala Educación, explique Almodovar, je devais me l’enlever de la tête avant que ça tourne à l’obsession.  » Ecrit voici déjà dix ans et constamment remanié depuis, le scénario de son nouveau film ne saurait pour autant être interprété comme une confession où tout û même le pire û serait assimilable à ce que le cinéaste a réellement vécu. La Mala Educación ne peut non plus être vu comme un simple règlement de compte avec  » ces curés qui m’ont mal élevé « , Almodovar précisant :  » L’Eglise ne l’intéresse pas, même comme adversaire !  » On pourra, par contre, y voir une méditation amère, mais riche en émotion, sur ces moments qui peuvent, irrémédiablement parfois, marquer une vie d’humain et une inspiration d’artiste. Un film que son auteur qualifie de  » noir « , mais dont l’humour et la tendresse ne sont pas exclus. Un film de maîtrise et de maturité, pour un cinéaste désormais prêt à affronter ses démons. Tous ses démons.

L.D.

 » Un film de maîtrise et de maturité « 

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