Louane, idole teenager, fait dorénavant place à une jeune femme - et jeune maman - épanouie. © universal

A pas de Louane

Avec son troisième album, intitulé Joie de vivre, la jeune femme s’épanouit en embrassant la pop du moment. A la clé, non pas « le disque de la maturité », mais bien celui qui lui ressemble le plus.

Cela aurait pu être une affaire vite classée. Louane, la jeune chanteuse-star, qui se fait connaître en 2013 via un télécrochet, The Voice, alors qu’elle n’a que 16 ans. Louane, dont les passages télés intriguent l’oeil du réalisateur Eric Lartigau au point de lui proposer le rôle principal de La Famille Bélier. Le film sera vu par plus de sept millions de spectateurs. Et son actrice néophyte d’obtenir dans la foulée le César du meilleur espoir féminin…

Deux semaines après la cérémonie, Anne Peichert, de son vrai nom, enchaînera avec son premier album, Chambre 12. Et là aussi, les chiffres décolleront rapidement: lancé par le tube Jour 1, le disque se vendra à plus d’un 1, 2 million d’exemplaires. Mélange de France Gall et de Selena Gomez, cartonnant au ciné en chantant des vieux tubes de Michel Sardou, Louane fait alors le pont entre les générations. Elle rassure. Elle console même, dans une France de 2015, traumatisée par les attentats. Louane, la jeune chanteuse solaire venue du Nord (Hénin-Beaumont pour être précis), là où «  les gens ont dans le coeur le soleil qu’ils n’ont pas dehors ». Louane, la petite fiancée de la République…

Face à certaines situations, il faut pouvoir, non pas s’écraser, mais aplatir son ego.

Entre les lignes, on pressent cependant que la jeune femme ne se résume pas au parcours fulgurant d’idole teenager. Cinq ans et un album plus tard, elle entend le démontrer avec Joie de vivre. Sorti en pleine pandémie, au début de la deuxième vague, il s’agit de mettre le paquet sur la promo. Ce jour-là, les interviews s’enchaînent à un rythme soutenu. Avec des consignes: pas de questions sur les parents (père et mère, décédés à quelques mois d’écart en 2013-2014). Ni besoin de s’attarder sur sa récente maternité. Ce dont, au fond, Louane se charge très bien elle-même. « J’ai un bébé super. Et je sors un nouveau disque. Franchement, tout va bien! » Même si la période n’est pas idéale? « C’est certain. Mais au-delà des circonstances particulières, s’il y a du stress, c’est surtout parce que cela fait longtemps que je n’avais plus sorti d’album. »

Trois ans, en effet, cela peut être long dans le monde de la musique. Le temps, par exemple, de voir la chanson française basculer toujours davantage vers la pop. Le temps aussi de constater que, dans cette pop précisément, le rap est devenu l’un des carburants essentiels. Déjà sur son disque précédent, Louane (2017), elle avait collaboré avec le producteur- compositeur Dany Synthé, machine à tubes pour Maître Gims, Aya Nakamura, Vitaa, etc. Sur le nouveau Joie de vivre, le casting inclut notamment le rappeur Dinos ou l’Algérien Soolking (le tube Guérilla, et son mélange de raï et r’n’b). Celui également de l’Espagnol El Guincho (le triomphe international de Rosalia), ou encore de… Damso. Le rappeur belge a signé les morceaux Donne-moi ton coeur et Poésie indécise. Soit les deux premiers singles d’un album qui fissure un peu le vernis des premiers disques. Quitte à bousculer la principale intéressée. « On a beaucoup discuté ensemble. Il avait besoin d’infos pour être au plus près de ce que je ressens. En étant, c’est vrai, parfois très direct, voire intrusif. Mais c’est moi qui ai accepté de fonctionner comme ça. Je savais qu’il le faisait pour moi, mon projet, ma musique, pour me faire avancer. »

Montagnes russes

Ce qui est en jeu ici, c’est évidemment le passage du statut de vedette (post)ado à celle de chanteuse pop à part entière. Un virage artistique et un geste marketing toujours délicats à dessiner. Jamais Louane ne donne pourtant l’impression de forcer sa nature. Dans un monde où la figure de la lolita a été en grande partie balayée par des nouvelles stars hyperdark comme Billie Eilish, elle semble plus que jamais dans son élément. « J’ai peur d’être moi », chante-t-elle par exemple sur Songes, au tout début d’un album où même les morceaux les plus dance s’intitulent Pleure ou Désolée... « Oui, je mets directement les pieds dans le plat », rigole l’intéressée. « Mais c’est la vérité! Cet album, c’est une quête identitaire, qui passe notamment par l’acceptation de mes paradoxes. Et de ce mélange aussi d’émotions, qui peut parfois ressembler à de vraies montagnes russes, entre bonheur extrême et moments très douloureux. »

On n’a pas trop de mal à l’imaginer, tant sa vie a pu être bousculée ces dernières années. La pression ne semble toutefois pas avoir vraiment de prise sur elle. Alors que plus d’un aurait grillé sous les néons de la gloire, elle affirme chérir plus que jamais un métier qui lui « permet d’échanger et surtout d’apprendre tous les jours – ce qui peut paraître paradoxal avec le fait que je n’ai pas eu le bac, on est bien d’accord (rires). » Peut-être, après tout, que la jeune femme en a déjà assez bavé comme ça que pour ne pas savourer pleinement ce qui lui arrive. Peut-être, aussi, que ce manque de freins et ce naturel tiennent un peu du réflexe de survie, quand on fait partie comme elle d’une génération à qui on ne cesse de promettre le pire. « Plus ça avance, et plus c’est compliqué, c’est sûr… »

Malgré ses deux heures de sommeil, la jeune femme joue ainsi le jeu, affable et investie dans la discussion. Aussi lucide – « face à certaines situations, il faut pouvoir, non pas s’écraser, mais aplatir son ego » – que spontanée. Sur le morceau 3919, elle parle encore des violences conjugales. Mais sans forcément revendiquer une posture engagée. « C’est la première fois que je fais une chanson comme cela. Elle est venue avec l’époque dans laquelle on vit. Mais je ne pense pas que ce genre de titres soit un passage obligé. En vrai, les trois quarts de gens n’en ont rien à faire de ce que pense l’artiste. »

Pour la pochette de Joie de vivre, elle a pu compter sur le concours du célèbre photographe anglais Martin Parr, chroniqueur du quotidien le plus banal, mais aussi du kitsch le plus trash. De quoi nuancer un peu plus les portraits trop lisses de la chanteuse. « Je ne comprends toujours pas comment il a accepté! » Même si, volontiers sarcastique, le travail du Britannique peut aussi faire grincer des dents? « Bien sûr, je me suis posé la question: est-ce que son regard est bienveillant ou est-il dans la moquerie? » Elle dégaine alors son téléphone et retrouve un selfie avec l’artiste. « Regardez-le! Sa chemise, les sandales- chaussettes. Il est comme ça. Adorable. Bien sûr, il y a de l’ironie, de l’humour. Mais c’est toujours plein de tendresse. C’est ce que j’aime. J’ai besoin de cette bienveillance. »

Louane, Joie de vivre, distr. Universal.

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