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L’ordinateur personnel est-il mort ?

Le Vif

En 1999, le patron d’IBM avait fait l’effet d’une bombe dans le petit monde de l’informatique en annonçant la fin de l’ère du PC et en se retirant ensuite de ce marché. Vieux de plus de trente ans, l’ordinateur personnel vit-il ses derniers jours ?

IBM avait eu le nez fin en vendant sa division PC au chinois Lenovo pour se concentrer sur le marché plus profitable des services aux entreprises. Depuis, les deux autres grands constructeurs américains (HP et Dell) sont régulièrement suspectés de vouloir faire la même chose pour revigorer leurs marges bénéficiaires. Car le marché de l’ordinateur personnel accuse le coup. D’après l’analyste de marché Gartner, les ventes de PC « traditionnels » (de bureau ou portables) ont reculé de 3,5 % au niveau mondial en 2012. Ce serait bien pire sans les prestations dans les pays émergents et notamment en Chine, sur laquelle s’est appuyée Lenovo pour devenir récemment le deuxième constructeur mondial, au nez et à la barbe de Dell. HP s’accroche toujours à sa première place.

L’ordinateur « classique » s’éclipse en fait au profit de la tablette, qui représenterait déjà un tiers des ventes d’ordinateurs (au sens large) au niveau mondial. La plupart des analystes misent sur le fait que les ventes de tablettes vont dépasser celles des ordinateurs portables en 2013. Le bureau d’analystes Canalys a récemment publié un classement très révélateur des ventes d’ordinateurs incluant les tablettes. Selon cette définition élargie, l’ordinateur personnel est loin d’être mort puisque les ventes cumulées ont augmenté de quelque 12 % au dernier trimestre 2012. Mais le hit-parade des constructeurs (voir ci-contre) est bel et bien chamboulé puisque Apple arrive en tête (avec plus de 20 % de parts de marché), suivi de HP, Lenovo, Samsung et Dell. Parmi ces cinq constructeurs, trois n’étaient encore que des faire-valoir il y a cinq ans…

Le disque dur sur un nuage

L’ordinateur personnel a donc encore de beaux jours devant lui, mais sous une autre forme. La souris, qui symbolise au mieux l’ordinateur personnel tel qu’on le connaît depuis trente ans, est en passe d’entrer au musée. Déjà rendue superflue par l’ordinateur portable, elle est maintenant carrément inutile avec les écrans tactiles des tablettes. Le clavier ? Il compte toujours ses inconditionnels mais de plus en plus d’utilisateurs nomades se familiarisent avec le clavier numérique de la tablette. L’écran ? Sa grande taille reste un atout pour les gamers, mais on pourra de plus en plus facilement connecter n’importe quel terminal à un écran de télévision.

Reste l’unité centrale, avec sa capacité de calcul (microprocesseur) et sa mémoire de stockage sur disque dur. Mais à l’heure du cloud computing, d’aucuns estiment que même le disque dur deviendra superflu. Quel est l’intérêt d’installer des programmes localement, dès lors qu’il suffit d’une connexion à haut débit pour utiliser une suite bureautique à distance comme Microsoft Office 365 ? La plupart de nos e-mails (gmail, Hotmail, etc.) sont d’ailleurs depuis longtemps déjà hébergés dans le nuage, dans des datacenters au bout du monde (et accessibles pour le FBI, mais c’est un autre débat…). Pas besoin d’un disque dur ou d’un microprocesseur surpuissant pour surfer sur Facebook, pour twitter ou pour échanger des photos sur Picasa.

Les entreprises virtualisent elles aussi un nombre croissant d’applications informatiques. Les capacités de calcul se déplacent ainsi des serveurs locaux, dans la cave de l’entreprise, vers des datacenters gérés par de gros fournisseurs informatiques. La Wallonie, à Ghlin près de Mons, possède un exemplaire de ce qui se fait de mieux dans le genre, l’un des plus gros datacenters du géant Google. Bien sûr, les entreprises rechignent encore à externaliser des applications critiques et des données confidentielles, mais elles voient aussi dans le cloud une source d’économies. Pratiquement tout l’environnement de travail d’un employé peut désormais être hébergé dans le cloud. Il lui suffit de se connecter avec son mot de passe. L’informatique devient alors un service, comme un abonnement assorti de certaines garanties de qualité. Pourquoi faudrait-il encore équiper les collaborateurs de PC, coûteux de surcroît ?

« Tout dépendra de la fonction de chacun. Un commercial aura toujours besoin d’un clavier et d’un écran, mais pour le reste, il pourra parfaitement gérer ses contacts avec une application dans le cloud, pense Tony Parkinson, vice-président pour l’Europe du constructeur Dell. L’ordinateur personnel restera indispensable pour toute une série de fonctions. Les gens auront toujours besoin d’une capacité de calcul et d’un espace de stockage locaux, mais sans doute moins qu’auparavant. Il y a tout un effort de sensibilisation à faire pour que les consommateurs comme les PME puissent tirer profit des avantages du cloud sans mettre en péril leurs données et applications stratégiques. » Car même dans les nuages, une panne de connexion Internet, un serveur récalcitrant ou la faillite d’un fournisseur peuvent vite vous faire redescendre sur terre…

OLIVIER FABES


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