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Visite du Pape au Liban: « Ce pays reste un phare pour les chrétiens de la région »

Melhem Khala est le coordinateur de l’association Offre-joie qui se donne pour mission de réconcilier les nombreuses confessions représentées au Liban. Il revient sur la situation des chrétiens libanais, alors que le Pape entame aujourd’hui une visite de trois jours au pays du Cèdre.

Melhem Khalaf est coordinateur d’Offre-Joie -ONG libanaise ayant des ramifications en France, en Irak, en Europe et aux Etats-Unis-, membre du collectif islamo-chrétien autour de Marie.

Vous avez organisé une marche symbolique islamo-chrétienne à l’occasion de la visite du pape. Quel message voulez-vous ainsi délivrer ?

Nous avons besoin d’accueillir le Pape non seulement en tant que chef de l’Eglise catholique, mais aussi en tant qu’homme de paix. Ici et dans l’ensemble de la région, les chrétiens attendent sa venue, car elle suscite de l’espérance, surtout avec les bouleversements actuels et les dangers qui pèsent sur la présence chrétienne dans la région. Nous pensons que la visite du Pape au Liban est un symbole de l’attachement à la diversité religieuse dans la région. Pour nous, si les chrétiens devaient quitter cette région, celle-ci perdrait une présence vieille de 2000 ans.

Qu’attendez-vous concrètement de cette visite ?

Pour nous, elle a une double dimension. D’abord dans cette région plus qu’ailleurs nous avons besoin de l’unité de l’Eglise. Il faut ainsi que les différentes communautés chrétiennes se transforment en Eglises et cessent d’être des entités politiques. Ensuite, le Pape va aussi s’adresser à tous les Libanais, dont les musulmans. Son prédécesseur Jean Paul II avait élevé le Liban de simple pays en  » message de coexistence « , en lui donnant un rôle universel. Il est temps aujourd’hui de trouver des applications concrètes à ce rôle.

Justement, que reste-t-il de ce rôle en cette époque de tensions confessionnelles et de replis identitaires ?

Le sillon a été tracé et il faut continuer à le creuser. Les religieux musulmans libanais reconnaissent désormais le vécu commun avec les chrétiens, même s’il y a une minorité qui porte des oeillères et nuit à l’islam avant de nuire aux chrétiens. Nous pensons que pour faire avancer les choses, il faudrait désormais amener les musulmans à faire la distinction entre la force et la violence. La force n’est pas dans l’épée, elle est dans les valeurs. Il faut donc amener les musulmans à condamner la violence et leur faire admettre la liberté de conscience et pas seulement la liberté de croyance. C’est aussi ce message que nous attendons du pape Benoît XVI.

Les chrétiens de la région ont peur aujourd’hui. Pensez-vous que cette peur soit justifiée ?

L’histoire des chrétiens dans la région n’a jamais été un long fleuve tranquille. Il y a certes eu récemment des persécutions en Irak et même en Egypte ou encore en Syrie. Mais l’Eglise n’est jamais défaitiste. Elle est espérance. Nous souhaitons que le Pape trouve les mots pour replacer la situation dans ce contexte. Les chrétiens de la région ne doivent pas être devant un choix unique: soit partir et perdre leur identité soit se faire massacrer. Ils sont aussi responsables de leurs pays que leurs concitoyens musulmans. Quelle est d’ailleurs la différence entre les chrétiens et les musulmans massacrés ? Au Liban, nous avons connu la haine, la séparation et le déni de l’autre. Puis nous avons fait le choix de la vie. Nous attendons du Pape qu’il dise aux chrétiens de ne pas être fatalistes et de rester attachés à leur terre, car ils ne sont pas de passage dans cette région. Ils ne doivent pas non plus craindre les chiffres, car la chrétienté ne se compte pas. S’il est venu au Liban, c’est parce qu’il sait que ce pays reste un phare pour les chrétiens de la région. S’ils le perdent, ils iront à la dérive.

Par Scarlett Haddad, L’Express

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