Snipers des forces de sécurité israélienne face aux manifestant palestiniens, le 4 octobre 2015, dans Jérusalem est . © Belga Image

Vers une troisième intifada?

Le Vif

La vague de violences qui secoue Jérusalem et la Cisjordanie réveille une fois de plus le spectre d’une nouvelle intifada. Les uns l’invoquent pour le conjurer, d’autres pour hâter sa venue. Israéliens et Palestiniens se préparent-ils à un troisième soulèvement meurtrier?

Assiste-t-on au début d’une nouvelle intifada ?

Le risque existe, mais il est trop tôt pour dire si les tensions actuelles vont dégénérer en une spirale d’affrontements, d’attentats et de représailles comme celles de 1987-1993 (première Intifada) et de 2000-2005 (deuxième Intifada) avec leurs milliers de morts. Les violences ont jusqu’à présent fait au moins 31 morts côté palestinien et 8 côté israélien depuis le début de l’année.

Experts, diplomates et organisations internationales mettent en garde depuis des mois contre le danger d’un embrasement. L’intifada était déjà sur bien des lèvres à l’automne 2014. L’accès de fièvre actuel a coïncidé avec les grandes fêtes juives, qui s’achèvent lundi soir. Ce qui se passera au lendemain des célébrations sera indicatif d’un possible retour ou non au calme. « Aujourd’hui, personne n’est en mesure de dire si nous nous dirigeons vers une crise qui durerait des années », indique Nathan Thrall, de l’International Crisis Group.

Pourquoi une situation aussi volatile?

La frustration ou l’exaspération est considérable chez les Palestiniens qui attendent leur Etat depuis des dizaines d’années. Un récent sondage indique qu’une majorité est favorable à un soulèvement armé en l’absence de discussions de paix. Le processus diplomatique est moribond. Les autorités palestiniennes sont largement discréditées et passent pour corrompues. La colonisation israélienne continue, comme les souffrances de Gaza sous blocus.

Les législatives israéliennes de mars ont consacré l’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire. Son chef Benjamin Netanyahu a promis qu’il n’y aurait pas d’Etat palestinien s’il était réélu. L’esplanade des Mosquées à Jérusalem, sacrée pour les musulmans comme pour les juifs, catalyse les tensions. Les fêtes juives ont vu augmenter le nombre de visite de juifs sur ce site. Pour les Palestiniens, sa défense est ou sert d’ultime cri de ralliement religieux et/ou national. « Les Palestiniens ont perdu tout espoir d’un compromis politique et toutes les portes sont fermées devant eux », souligne Ali Jarbawi, professeur de sciences politiques à l’université de Birzeit en Cisjordanie.

Qu’est-ce qui pourrait faire dégénérer les choses ?

La collision entre un véhicule militaire israélien et une voiture palestinienne qui avait tué quatre Palestiniens en 1987 et la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées en 2000 passent pour les évènements déclencheurs des deux intifadas. Mais ils avaient été précédés d’une montée graduelle des périls. Dans les circonstances présentes, il est impossible de prédire ce qui mettrait le feu aux poudres: un attentat palestinien, des représailles israéliennes, une provocation sur l’esplanade des Mosquées, une attaque de colons israéliens contre les Palestiniens…

Et qu’est-ce qui pourrait l’empêcher ?

L’une des grandes inconnues est l’attitude du président palestinien Mahmoud Abbas, sa volonté ou sa capacité à ramener le calme. M. Abbas vient d’annoncer à l’ONU qu’il ne se considérait plus comme lié par les accords passés avec Israël. En théorie, cela inclurait la coopération sécuritaire, qui passe pour avoir grandement contribué à la relative stabilité en Cisjordanie. La dénonciation de cet accord menacerait le territoire de chaos ou d’une prise de contrôle par le Hamas, mettent en garde les experts. M. Abbas, hostile à la violence, peut-il aller jusque là?

Beaucoup de Palestiniens ordinaires sont fatigués des guerres ou des violences à répétition. Mais quel contrôle ces Palestiniens exercent-ils sur les jeunes?

Quelle est l’attitude du gouvernement israélien ?

Netanyahu navigue sur une voie étroite. Il a déclaré « la guerre » aux lanceurs de pierres. Il a assoupli les règles pour ouvrir le feu à Jérusalem, promis de démolir encore plus vite les maisons d’auteurs d’attentats et de recourir davantage à l’emprisonnement sans inculpation ni procès.

En même temps, il se défend de vouloir autoriser les juifs à prier sur l’esplanade des Mosquées et se pose en garant du statu quo sur le site.

Mais il est soumis à de multiples pressions: celles de ses partenaires de gouvernement nationalistes religieux qui lui assurent une minorité parlementaire d’une seule voix, celles du lobby des colons, ou encore celles de l’Egypte et la Jordanie, les deux seuls pays arabes à avoir signé la paix avec Israël.

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