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Venezuela: révoquer Nicolas Maduro n’est pas si simple

Le Vif

L’opposition au Venezuela entame lundi une semaine décisive, espérant faire valider par les autorités les 2,5 millions de signatures recueillies en faveur d’un référendum contre le président socialiste Nicolas Maduro, cible d’une exaspération populaire croissante.

La coalition de la Table pour l’unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement, remettra lundi ou mardi au Conseil national électoral (CNE) les signatures. Celles-ci ont été obtenues en à peine deux jours la semaine dernière, les habitants s’étant déplacés en masse aux différents points de collecte installés dans le pays. Un tel succès en quelques heures « est probablement un record mondial », s’est félicité dimanche l’un des chefs de l’opposition, Henrique Capriles, dans une intervention filmée et diffusée via Twitter. « C’est en outre une démonstration de poids que nous les Vénézuéliens choisissons la voie constitutionnelle, démocratique, pacifique, nous voulons décider avec notre voix, notre vote, l’avenir de notre pays », a ajouté le candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2013.

Les prochaines étapes

Après avoir collecté 2,5 millions de signatures en deux jours – plus de dix fois le minimum requis (195.721) -, la coalition de la Table pour l’unité démocratique (MUD) les déposera en début de semaine au Conseil national électoral (CNE) pour qu’il les audite. Cet organisme aura cinq jours pour vérifier si le seuil de signatures a été atteint. Il définira ensuite les 200 lieux où les signataires devront valider leur choix en apposant leur empreinte digitale, une étape se déroulant aussi sur cinq jours. Selon Eugenio Martinez, expert en questions électorales, l’organisme disposera ensuite de vingt jours pour vérifier et analyser la validité des signatures.

La prochaine étape sera de réunir en trois jours 20% de l’électorat (3.959.560 personnes) qui devront signer et enregistrer leur empreinte pour activer le référendum. Si cette deuxième phase est franchie, le CNE fixera la date du référendum révocatoire, qui serait le deuxième organisé dans l’histoire du Venezuela, après celui contre l’ex-président, le défunt Hugo Chavez (1999-2013), qui fut un échec en 2004. Pour révoquer Nicolas Maduro, le « oui » devra dépasser les 7,5 millions de voix obtenues par celui-ci lors de l’élection présidentielle de 2013.

Les délais

Le juriste José Ignacio Hernandez calcule que toute la procédure jusqu’à l’organisation du référendum durera au maximum huit mois, sauf retard imposé par le CNE, organisme réputé proche du gouvernement.

Eugenio Martinez, plus pessimiste, estime que le délai peut s’allonger, compte tenu notamment du fonctionnement à mi-régime du secteur public, les fonctionnaires ne travaillant plus que les lundi et mardi pour économiser l’électricité. Valider son empreinte digitale, pour les signataires, peut aussi s’avérer compliqué alors que le président a imposé que le courant – essentiel pour alimenter les machines biométriques – soit coupé quatre heures par jour.

En outre, le CNE pourrait argumenter qu’il a besoin de plus de temps pour auditer les signatures car l’opposition en a remis beaucoup plus que nécessaire, note M. Martinez.

De nouvelles élections?

Le délai est une question cruciale: l’opposition souhaite organiser le référendum avant le 10 janvier, qui aurait été la date-anniversaire des quatre ans de mandat de Chavez, Maduro étant censé compléter ce mandat de six ans. Si le référendum survient avant, le Venezuela irait vers de nouvelles élections. Mais à partir du 10 janvier, tout référendum couronné de succès ne mènerait qu’à une chose: le remplacement de M. Maduro par son vice-président Aristobulo Isturiz, du même parti. Le gouvernement devrait donc tout faire pour ralentir la procédure, par exemple en invoquant devant la justice de possibles irrégularités dans la collecte de signatures, selon Eugenio Martinez. D’ores et déjà, Nicolas Maduro a prévenu que la Constitution l’autorise à suspendre « des événements de caractère électoral » en situation d’urgence économique, qui est justement celle instaurée en janvier malgré les protestations du Parlement.

Le référendum révocatoire n’a été utilisé qu’une seule fois dans l’histoire du pays, contre l’ex-président Hugo Chavez (1999-2013) en 2004: il s’était soldé par un échec. Cette fois, il pourrait bénéficier du climat de grogne sociale croissante, illustrée par les émeutes et pillages de ces derniers jours à Maracaibo (nord-ouest), deuxième ville du pays.

Près de 68% des Vénézuéliens, excédés par les pénuries et une inflation à trois chiffres, souhaitent un départ du président le plus vite possible et une nouvelle élection, selon un sondage de Venebarometro publié jeudi.

Quotidien chamboulé

Mais l’héritier politique d’Hugo Chavez garde un pouvoir important, contrôlant le gouvernement et la plupart des institutions.

Il a exhorté ses partisans à entrer en « rébellion » en cas de succès du référendum, mais de manière « pacifique », se définissant comme « l’être humain le plus attaqué au Venezuela ». Alors qu’une crise économique et énergétique frappe de plein fouet le pays sud-américain, ses 30,7 millions d’habitants ont vu ces dernières semaines leur quotidien chamboulé, devant se plier à une batterie de mesures, parfois spectaculaires, imposées par l’exécutif. Le 25 avril, des coupures de courant d’au moins quatre heures par jour sont entrées en vigueur dans une grande partie du territoire. Le 26, le président Maduro a décrété que les fonctionnaires ne travailleraient plus que les lundi et mardi.

Le 1er mai, enfin, le pays a avancé ses aiguilles de 30 minutes, passant au fuseau horaire -04H00 GMT pour profiter plus longtemps de la lumière du jour.

L’objectif de ces mesures? Economiser l’électricité, qui fait cruellement défaut alors que le phénomène climatique El Niño a engendré la pire sécheresse en 40 ans selon le gouvernement.

Le Venezuela n’a plus les ressources nécessaires pour importer de l’énergie: son économie, fondée presque uniquement sur ses abondantes ressources pétrolières, s’est effondrée quand les cours du brut ont chuté.

Les coupures sont « un sacrifice nécessaire », a plaidé dimanche le président Maduro lors de la traditionnelle manifestation du 1er mai, tentant de redorer un peu sa popularité en augmentant de 30% le salaire minimum. Mais la situation économique du pays « n’est pas tenable à moyen terme », a prévenu récemment Alejandro Werner, chef du département Amérique latine du Front monétaire international (FMI).

« Clairement, il s’agit d’une situation où les effets sur la qualité de vie, sur la santé de la population commencent à être très importants », a-t-il souligné. Après une inflation de 180,9% en 2015, la plus élevée du monde, le FMI table sur 700% cette année, tandis que le PIB devrait chuter de 8% selon la Banque centrale.

Si l’opposition vénézuélienne a réuni les signatures nécessaires pour lancer le processus d’un référendum contre le président socialiste Nicolas Maduro, il ne s’agit que de la première étape d’une longue course d’obstacles.

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