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USA: « Le taux de chômage des jeunes hommes noirs est comparable à celui des pays en développement »

Le Vif

Le rapport américain sur l’emploi pour avril montre que le taux de chômage des Noirs est tombé à son plus bas niveau jamais enregistré, mais le chiffre cache de grandes disparités.

Le taux de sans-emplois parmi les Afro-Américains est descendu à 6,6%, un plancher jamais vu depuis 1972, qui marque le début de cette statistique. Il reste néanmoins près du double de celui des Blancs (3,6%).

Le président Donald Trump a maintes fois mis en avant la baisse du taux de chômage chez les Afro-Américains, en s’en attribuant le crédit grâce aux politiques économiques qu’il promeut et qui favorisent les embauches.

En fait, le taux de sans-emplois des Noirs a décliné de façon constante depuis la crise financière après avoir atteint un pic de 17% en mars 2010 contre 9% pour les Blancs.

Cependant, le pays fait encore face à des obstacles pour les minorités, qui se reflètent dans la proportion beaucoup plus faible des Afro-Américains dans le taux de participation à l’emploi. Les entreprises ont pourtant du mal à pourvoir des postes et l’immigration n’est pas favorisée par l’administration Trump.

Pour être considéré comme participant au marché du travail, un individu doit être employé ou à la recherche d’un emploi.

En avril, le taux de chômage général est tombé sous la barre des 4% pour la première fois depuis plus de 17 ans à 3,9%, mais ce recul de 0,2 point sur un mois a été en partie attribué à la baisse du nombre de personnes sur le marché du travail.

Le taux de participation à l’emploi pour les Noirs est à la traîne par rapport à celui des autres groupes ethniques mais pas de beaucoup: il est un peu en-dessous de 62% contre près de 63% pour les Blancs et les Asiatiques. Les Hispaniques détiennent le plus haut taux de participation à l’emploi à 66,4%.

Pour la tranche des 25-54 ans, les disparités sont encore plus grandes, les hommes noirs accusant un retard de plus de 10 points sur les hommes de tous les autres groupes ethniques.

– Comme dans les pays en développement

« Le taux de chômage des jeunes hommes noirs est comparable à celui de nombreux pays en développement », affirme Nicole Smith, économiste en chef du Centre sur l’éducation et la main d’oeuvre de l’Université de Georgetown. Elle souligne que cette statistique « ne bouge pas, n’est pas de nature cyclique et n’est pas influencée par le cycle économique ».

Les économistes de la banque centrale américaine (Fed) se sont penchés sur la question. Un article de Tomaz Cajner, économiste spécialisé dans l’emploi à la Fed, a reconnu que la disparité dont font l’objet les Noirs n’est pas explicable seulement par des éléments « observables » comme l’âge ou l’éducation.

« Le taux de participation remarquablement bas des hommes noirs reste largement inexpliqué par les +observables+ (…) et a montré peu d’amélioration au cours des 40 dernières années », écrit M. Cajner.

Et même au coeur de la reprise, « les disparités restent substantielles », indique le journal.

Certes, les opportunités dans l’éducation sont un facteur-clé pour expliquer les différences, a indiqué Mme Smith à l’AFP, mais elles reflètent aussi une discrimination ancrée dans la mentalité d’un pays qui a longtemps bataillé avec le racisme.

« Ces variables sont fortement corrélées entre elles: le manque d’opportunités dans l’éducation est hautement influencé par la race, le statut socio-économique et même l’endroit où l’on vit », explique-t-elle. Il y a aussi un « élément de discrimination ».

Un autre facteur joue, celui du taux d’incarcération qui est beaucoup plus élevé pour les Noirs, ce qui peut les empêcher de trouver un emploi permanent. Peu nombreux sont en effet les employeurs qui vont embaucher quelqu’un avec un casier judiciaire.

En 2016, les Noirs représentaient 12% de la population adulte américaine mais 33% de la population carcérale, selon le Pew Research Center. Les Blancs, eux, pèsent pour 64% des adultes en âge de travailler mais 30% des détenus. Les Hispaniques comptent eux pour 16% de la population et seulement 23% des détenus.

Avoir été un détenu pèse lourd pour les jeunes hommes noirs, insiste Nicole Smith, car « on ne peut jamais faire disparaître cet élément de son dossier ».

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