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Turquie-UE: un rapport d’Amnesty dénonce le sort des réfugiés

Le Vif

Arrestations arbitraires, mauvais traitements, déportations de réfugiés. La Turquie durcit sa politique migratoire, sous le regard complaisant de l’Europe. Amnesty International dénonce.

Une nouvelle menace attend les centaines de milliers de Syriens qui tentent de rejoindre l’Union européenne: le retour à la case départ, vers la Syrie en guerre. Depuis plusieurs mois, face à la pression politique exercée par l’Union européenne, les autorités turques ont durci leur politique face aux migrants. Selon un rapport d’Amnesty International publié le 15 décembre intitulé « Réfugiés en Turquie: quand l’Europe ferme les yeux », Ankara arrête, détient et déporte de plus en plus de migrants, en violation des lois internationales sur la protection des réfugiés.

Amnesty déplore plus d’un millier d’arrestations, dans l’Ouest de la Turquie, alors que les réfugiés interpelés projetaient d’entreprendre la périlleuse traversée de la mer Egée, pour rejoindre la Grèce. Après avoir été arrêtés, les garde-côtes turcs les ont obligés à monter dans des bus, sans leur indiquer où ils allaient être conduits. Certains leur ont dit qu’ils allaient être acheminés vers Istanbul ou bien vers l’Union européenne. En réalité, leur destination se trouvait à plus de 1000 kilomètres , au camp Düziçi, dans la province d’Osmaniye, ou dans le centre pour étrangers en instance d’expulsion d’Erzurum. Arrivés sur place, leurs téléphones portables ont été confisqués, et ils se sont vus refuser tout contact avec le monde extérieur, notamment des avocats et leurs familles, les plaçant de fait en « détention secrète ».

Des chaines aux pieds et aux mains

Parmi les personnes arrêtées et détenues arbitrairement, un Syrien de 40 ans a signalé avoir été enfermé dans une pièce, seul, dans le centre d’Erzurum, pendant sept jours, les mains et les pieds entravés, alors qu’aucun crime ne lui a été reproché. « Lorsqu’ils vous mettent des chaines aux pieds et aux mains, vous vous sentez comme un esclave, c’est comme si vous n’étiez plus humain », a-t-il déclaré aux chercheurs d’Amnesty International.

Des représentants de l’UE à Ankara ont confirmé à Amnesty International que les six centres d’accueil ouverts financés par l’UE, présentés dans le projet de Plan d’action le 6 octobre, seront dans les faits des centres de détention. « Il est choquant que l’argent de l’UE serve à financer des détentions illégales et un programme de renvoi. L’UE doit veiller à ce que ses fonds et sa coopération en matière de migration avec la Turquie favorisent le respect des droits des réfugiés et des migrants, au lieu de les compromettre », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Ces arrestations ont donné lieu à plus de 100 renvois forcés vers la Syrie et l’Irak depuis la Turquie, au péril de la vie des expulsés. Les experts d’AI craignent que ce chiffre soit en réalité beaucoup plus élevé.

Alors que se réunissaient ce jeudi à Bruxelles les représentants de huit pays de l’Union européenne et la Turquie, Amnesty International met en garde les instances européennes contre le « risque de se rendre complice de graves violations des droits humains à l’égard des réfugiés et demandeurs d’asile » si l’utilisation de l’aide financière promise par l’EU n’était pas suffisamment contrôlée.

Aucune mention de ce rapport n’apparaissait ce jeudi sur le site d’information du quotidien turc Daily Sabah proche du gouvernement. Et pour cause, les autorités du pays ont immédiatement démenti les conclusions d’Amnesty International. « Nous nions catégoriquement que des réfugiés syriens ont été forcés de retourner en Syrie », a réagi un responsable turc auprès de l’AFP, assurant que la politique de « porte ouverte » adoptée depuis le début du conflit syrien restait de mise. Après la rencontre UE-Turquie de jeudi, Frans Timmermans, 1er vice président de la commission européenne, s’est dit « très encouragé » par la discussion, qui a notamment abordé la question de la réinstallation des réfugiés.

Elodie Perrodil, à Istanbul

En savoir plus:

Qu’est-ce qu’un réfugié ?

Un réfugié, une réfugiée est une personne qui a fui son pays parce qu’elle y a subi des violations de ses droits fondamentaux en raison de son identité ou de ses convictions. Elle est contrainte de demander une protection internationale, car son propre gouvernement ne peut ou ne veut pas la protéger.

Qu’est-ce qu’un demandeur d’asile ?

Un demandeur d’asile, une demandeuse d’asile est une personne qui a quitté son pays en quête d’une protection internationale, mais qui n’a pas encore obtenu le statut de réfugié.

Ce que dit le droit international

Quelle que soit la manière dont ils arrivent dans un pays et le but de leur déplacement, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile disposent de droits protégés par le droit international :

• La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose à son article 14 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».

• La Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés (1951) interdit d’envoyer des réfugiés dans des pays où ils risquent d’être persécutés.

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