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Trump et le « complexe d’Obama »

Le Vif

Le président Donald Trump a construit sa carrière politique sur un rapport d’amour-haine envers Barack Obama, entre admiration teintée de jalousie et total irrespect, à l’instar des accusations qu’il a lancées contre lui ce week-end sur de présumées écoutes.

Parmi les premiers à colporter le mensonge sur le lieu de naissance du premier président noir des Etats-Unis, Donald Trump lui tresse pourtant des lauriers quand il est reçu à la Maison Blanche, déclarant même sur Fox en février qu’Obama « m’aime bien » et « je l’aime bien ».

Mais ses accusations explosives ce week-end, suggérant qu’Obama l’a mis sur écoutes avant son élection, marque un retour à une attitude belliqueuse qu’il a souvent pratiquée ces dernières années à l’encontre de son prédecesseur.

Tout remonte à 2006, quand le magnat de l’immobilier devient une célébrité de la télé-réalité.

En décembre, il confie au New York Times que ce n’est « pas un bon signe » qu’Obama, alors sénateur, soit impliqué dans des contrats immobiliers avec un homme d’affaires controversé de Chicago.

« Mais il a des qualités formidables », ajoutait le milliardaire.

Mépris

Les mois suivants, alors qu’Obama se prépare à la présidentielle, Trump ne tarit pas d’éloges jusqu’à le qualifier de « star » en mars 2007.

Les compliments continuent après la victoire de Barack Obama en 2008. Mais en avril 2009, Donald Trump commence à faire part de ses inquiétudes en matière de dépenses de santé, d’inflation et d’impôts. Un an plus tard, il exprime ses hésitations au sujet de la réforme de l’assurance-maladie Obamacare.

Puis l’admiration de Trump pour Obama se meut en mépris.

Il devient l’avocat d’une théorie du complot aux relents racistes qui prétend qu’Obama n’est pas né aux Etats-Unis et que son élection est donc illégitime.

« Pourquoi ne montre-t-il pas son acte de naissance? », demande Trump sur la chaîne de télévision ABC le 23 mars 2011.

La Maison Blanche publie l’acte de naissance à Hawaï d’Obama. Mais après des semaines de campagne de Trump à ce sujet, le président Obama se lâche et s’en prend à Trump lors du dîner des correspondants de la Maison Blanche en avril.

« Personne n’est plus fier que le Donald d’en finir avec cette affaire d’acte de naissance », lance Barack Obama au dîner, auquel participe Trump, qui montre un sourire crispé.

« Parce qu’il peut ainsi finalement revenir aux sujets importants – comme par exempel +est-ce que l’atterrissage sur la Lune a bien eu lieu ?+ »

Vengeance

L’écrivain Adam Gopnik, qui était assis à côté de Trump ce soir-là, a ensuite suggéré dans le New Yorker en 2015 que ce dîner avait généré chez le milliardaire un désir de revanche.

« Ce soir-là, Trump a été envahi par une telle sensation d’humiliation publique qu’il a décidé, peut-être de manière inconsciente, qu’il prendrait d’une manière ou d’une autre sa revanche – voire qu’il se lancerait dans la présidentielle, que ce soit de manière nihiliste ou absurde, pour se racheter », avait écrit M. Gopnik.

Trump a rejeté l’hypothèse d’une revanche des moqueries d’Obama et du comédien Seth Meyers à ce dîner.

Mais il a continué à soutenir la thèse du complot d’un président qui n’était pas né aux Etats-Unis, même après avoir été largement démenti par les faits.

« Une +source extrêmement crédible+ a appelé mon bureau et m’a dit que l’acte de naissance de @BarackObama était un faux », tweete Trump en août 2012, à l’orée de la campagne présidentielle entre Barack Obama et le républicain Mitt Romney.

Obama répond par la plaisanterie sur NBC en affirmant que leur rivalité « remonte au temps où nous grandissions ensemble au Kenya ».

Leur animosité éclate au grand jour en 2016, après que les républicains eurent choisi Trump comme candidat à la présidentielle.

Barack Obama éreinte le républicain le 2 août. Trump « ne semble pas connaître les problèmes en Europe, au Moyen-Orient, en Asie, (ce qui) veut dire qu’il n’est pas prêt malheureusement pour ce boulot ».

Trump rétorque le même jour sur Twitter qu’Obama « finira sans doute comme le pire président de l’histoire des Etats-Unis! »

Puis en septembre, sous la pression, Trump finit par reconnaître qu’Obama est né aux Etats-Unis.

Et deux jours après sa victoire, il rencontre Obama et le décrit comme « un homme très bien », et que c’était « un grand honneur » de parler avec lui à la Maison Blanche.

Mais même après avoir tourné la page, Donald Trump déclare à son investiture que le pays sort d’une ère sombre au cours de laquelle « il n’y avait guère à célébrer ».

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