Drieu Godefridi

Tariq Ramadan : double langage ?

Drieu Godefridi PhD (Sorbonne), juriste et auteur

À l’occasion de la tournée médiatique en Belgique de Tariq Ramadan renaît le débat sur son « double langage » supposé. On reproche à M. Ramadan de proposer en public une version pacifique et lénifiante de l’islam qui n’est pas fidèle à la réalité.

Il est regrettable que la plupart des commentateurs se contentent de ressasser des sources secondaires, quand ce débat peut être tranché en consultant simplement les écrits de M. Ramadan.

Le site web de M. Ramadan comporte en effet une section « glossaire, lexiques », qui définit le jihad de la façon suivante : « Le terme n’a rien à voir avec la formule « guerre sainte » (un concept emprunté à l’histoire de l’Occident). Jihad veut dire « effort » contre les tentations de violence et d’agressivité que l’être humain porte en lui. Sur le plan militaire, social et politique, il veut dire « résistance » à l’agression, à l’injustice et à l’exploitation par toutes les voies légales. Beaucoup de groupuscules utilisent le terme dans le but de légitimer des actions qui sont en totale opposition avec les principes islamiques. »

Du strict point de vue de la théologie islamique, cette définition est un faux grossier.

La théologie islamique se fonde sur trois sources : le Coran, les hadiths (faits et dires du prophète), et les écoles juridiques du fiqh.

Dans le Coran, le mot jihad désigne généralement la guerre. Que le jihad revête également une dimension spirituelle — sourates de la période mecquoise– et que d’autres mots — tels qital, harb — désignent également le combat, ne change rien au fait. Dans la somme de Sahih al-Bukhari, l’une des collections de hadiths les mieux autorisées de l’islam sunnite, les deux cent occurrences du mot jihad désignent toutes, sans exception, la guerre. Enfin, les écoles juridiques du fiqh théorisent toutes et sans exception le jihad comme guerre contre les ennemis de l’islam, visant à installer le règne universel du logos islamique divin.

La considération de savoir si le jihad, comme service armé d’une parole qui se veut divine, est une guerre « sainte » relève d’un artifice rhétorique prenant prétexte de ce que le mot de sainteté est emprunté à la vulgate chrétienne. Ce qui est vrai, mais sans pertinence, car ce qui importe ici n’est pas le mot, mais le concept. Que l’on se fonde, par exemple, sur la distinction entre guerre ordinaire et guerre sainte (ie, guerre au nom d’une parole divine), et l’on verra immédiatement que le jihad n’est pas une guerre ordinaire, mais conceptuellement sainte en effet, car le jihad se mène au nom et pour le compte de Dieu/Allah. Discutable en théologie chrétienne, le concept de guerre sur le sentier divin est consubstantiel à la théologie islamique.

Il apparaît ainsi nettement que soit M. Ramadan, docteur en études islamiques, n’a pas la moindre connaissance de son sujet, soit qu’il tient un double langage.

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