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Syrie: L’Occident défend un « principe clair » sans trop s’immiscer sur le terrain (analyse)

Le Vif

Les frappes ciblées contre le régime syrien lancées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni transgressent les règles du droit international. « Mais elles font valoir un principe clair: l’interdiction de l’usage des armes chimiques », analyse samedi Tanguy de Wilde, professeur en relations internationales à l’Université catholique de Louvain (UCL).

« Il s’agit d’un signal politique exemplaire », ajoute le politologue, qui souligne que l’immixtion des pays occidentaux dans le conflit syrien reste bien en deçà de celle de la Russie, de l’Iran ou de la Turquie.

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont suivi la ligne rouge tracée par Barack Obama. « Le refus des armes chimiques vient de loin, notamment de la Première Guerre mondiale et des attaques chimiques de Saddam Hussein contre sa propre population kurde à Halabja en marge de la guerre Iran-Irak dans les années 1980 », rappelle Tanguy de Wilde.

En 2013, après de premiers soupçons et à l’initiative de la diplomatie russe, le président Bachar el-Assad avait assuré qu’il démantèlerait son arsenal chimique. Il n’a manifestement pas tenu sa promesse.

En avril 2017, Donald Trump avait déjà ordonné des frappes en réponse à une attaque chimique du régime contre l’opposition syrienne. « C’était une action punitive pour signifier que la ligne rouge établie par les Etats-Unis ne pouvait impunément être franchie. C’était un ‘one shot’, un coup de semonce.

A l’époque, la France et le Royaume-Uni avaient approuvé ces frappes, sans y participer. Mais le régime syrien a récidivé et on perçoit donc un saut qualitatif dans la pression, puisque cette fois les Etats-Unis n’agissent plus seuls », commente Tanguy de Wilde. Les trois alliés ont exécuté leurs menaces sans attendre les conclusions de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) sur les faits perpétrés le 7 avril à Douma car ils disent avoir la preuve de la responsabilité du régime syrien.

« Ils ont dès lors agi en dehors du cadre un peu rigide du droit international, pour défendre un principe même sans unanimité au Conseil de sécurité de l’ONU. Le Conseil de sécurité peut difficilement autoriser une action punitive contre la Syrie à cause de la Russie », souligne le professeur.

La Russie soutient un dictateur contre le chaos

Les frappes occidentales restent toutefois très ciblées et on ne se dirige pas vers une immixtion plus forte de l’Occident sur le terrain syrien, estime-t-il. S’il est avéré, l’usage d’armes chimiques par le régime syrien alors que ce dernier a reconquis presque tout son territoire n’en reste pas moins « incompréhensible », relève-t-il par ailleurs.

« Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’user de telles armes face à quelqu’un qui n’en a pas est facile. Et c’est peut-être simplement cette facilité qui a joué. » Cela n’empêche pas la Russie d’afficher un soutien indéfectible à Bachar el-Assad, car elle considère qu’il incarne la lutte contre le terrorisme djihadiste.

« La Russie soutient un dictateur contre le chaos. Elle n’a pas varié d’attitude depuis le début du conflit. » « La guerre va se terminer un jour. L’enjeu à présent, c’est le positionnement de chacun sur la reconstruction de la Syrie. Et notamment l’attitude de la Turquie, qui est membre de l’Otan mais agit contre les forces kurdes en Syrie qui étaient les alliées des Occidentaux dans la lutte contre Daech. En tout cas, à terme, un processus de paix et de réconciliation va devoir être mis en place: les puissances seront dès lors amenées à restaurer leur coopération et à trouver des compromis », conclut Tanguy de Wilde.

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