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RDC: chronique d’un crash électoral

Pour la seconde fois en trois jours, la Commission électorale a reporté au dernier moment l’annonce du vainqueur de la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Le résultat était attendu ce vendredi. Récit d’un crash électoral:

Cette double élection (présidentielle et législatives) aura été celle de tous les retards, toutes les suspicions: dans l’organisation, le jour du vote, dans le dépouillement et finalement l’annonce des résultats. Depuis des mois pourtant, tout était officiellement réglé comme sur du papier à musique: le 28 novembre on vote, on dépouille sur place tout de suite, le 6 décembre la Commission électorale nationale indépendante (Céni) proclame, le 17 la Cour suprême de Justice (CSJ) annonce le nom de celui qui gouvernera le pays pendant les cinq prochaines années. A longueur de points de presse le président de la Céni, le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, répète que malgré le défi logistique, l’immensité du pays, ces deuxièmes élections démocratiques après celles de 2006 vont être un modèle de transparence et d’équité. Promis juré.

Dimanche 27, veille du vote: le moteur commence à tousser. Le matériel électoral (bulletins, urnes, isoloirs…) n’est pas arrivé partout dans les près de 64.000 bureaux, beaucoup d’électeurs ne trouvent pas leurs noms sur les listes affichées au dernier moment. Légalement, elles auraient dû l’être un mois avant le scrutin.

Lundi 28 novembre, jour du vote. 32 millions de Congolais sont appelés aux urnes. onze candidats, en fait un duel entre le président sortant Joseph Kabila et le vieil opposant Etienne Tshisekedi. Les observateurs commencent à observer. Les bureaux sont censés fonctionner de 06h00 à 17h00 locales. Mais des provinces commencent à remonter les plaintes: ici on n’a pas reçu les bulletins imprimés en Afrique du sud, là il manque les isoloirs, ailleurs les urnes « made in China ». Des bureaux ouvrent avec un gros retard, certains pas du tout, constatent journalistes et observateurs.

Mardi 29: à Kinshasa, au centre de compilation de la capitale, les sacs de bulletins et de procès-verbaux s’entassent comme un jour de grève d’éboueurs. Du côté des observateurs, les mines s’allongent. Trois candidats d’opposition réclament l’annulation du scrutin pour « fraudes ». « On n’y pense même pas », cingle le pasteur Mulunda.

– Mercredi 30: on vote encore dans certaines localités. Dérogation spéciale, entend-on à la Céni.

Jeudi 1er décembre: la mission de l’UE note des irrégularités et parle pudiquement d’un « processus insuffisamment maîtrisé ». Le lendemain, c’est le Conseil de sécurité qui s’inquiète des « difficultés logistiques et techniques ».

Vendredi 2: la « belle mécanique » s’enraye un peu plus. A la surprise générale, la Céni distille en soirée des résultats partiels, à la grande fureur de l’opposition. Normalement elle devait livrer son verdict en une seule fois le 6.

Mardi 6 décembre: alors que le mandat du président Joseph Kabila expire à minuit, le résultat est reporté 15 minutes avant l’heure fatidique. De 48 heures grand maximum assure la Céni.

Jeudi 8: la télévision d’Etat, la Radio Télévision nationale congolaise (RTNC) annonce sur un bandeau que les résultats sont prévus à 20H00. Puis 21, puis 22, puis… vendredi. Devant quelques ambassadeurs et une meute de journalistes médusés, le pasteur Mulunda explique qu’il faut être sûr que tous les résultats sont corrects, que les PV papiers collent avec les résultats transmis via satellite.

A Kinshasa, c’est le monde à l’envers. Au Grand Hotel, les « kabilistes » sont réunis pour une soirée de victoire. Buffet, tables rondes avec nappes immaculées et fleurs, écran géant, orchestre, etc… Déçus par le report les invités s’en vont rapidement après un crochet par le buffet. Dans certains quartiers favorables au vieux Tshisekedi, on danse. Avant l’arrivée de la police.Vendredi, la capitale s’est réveillée sous la pluie, quasi déserte. En attendant le bandeau de la RTNC…

LeVif.be avec Belga

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