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Rachida Dati: « Pourquoi tu ne m’aimes pas? »

Le Vif

Un livre dévoile les multiples facettes de l’eurodéputée et ancienne ministre française de la Justice. Une figure du quinquennat Sarkozy aux méthodes ravageuses…

« Elle est la plus grosse erreur de ressources humaines que j’ai commise. Je l’ai nommée beaucoup trop vite. » Devant le ministre français de la Ville Maurice Leroy, Nicolas Sarkozy, en 2010, ne s’embarrasse pas de précautions pour évoquer Rachida Dati. Le cas Dati. Elisabeth Chavelet, rédactrice en chef à Paris Match, consacre un livre à cet ovni de la vie politique (1).

Extraits

A couteaux tirés avec Fillon

A l’époque, elle souhaite se faire un allié du chef du gouvernement. C’est Jean de Boishue (NDLR : chargé de mission de François Fillon) qui dévoile : « Plusieurs fois, Fillon est revenu du Conseil des ministres avec des petits papiers griffonnés par Rachida à son attention. D’une maladresse folle. On y lisait : « Pourquoi tu ne m’aimes pas ? » Mme Fillon les a découverts. Pas follement contente. Pour la rassurer, François a désamorcé la bombe en racontant tout et en en plaisantant dans un dîner devant vingt personnes à Matignon. » […] Il annonce en octobre 2011 qu’il va briguer aux prochaines législatives la deuxième circonscription de Paris, qui englobe son fief sacré du VIIe. C’en est trop. Rachida affirme que Claude Guéant lui a promis la place. Ce que le secrétaire général de l’Elysée confirme. Comme toujours lorsqu’elle se sent agressée, elle sort le bazooka sur les plateaux de télévision et dans les studios de radio. Elle y va crescendo. Le 19 octobre, elle dégaine piano sur Europe 1. « Il faut que Fillon soit courageux, donc qu’il aille dans une circonscription à gagner. » […] Mais le chef du gouvernement, qui s’est fait traiter de « parachuté » et même, en privé, de « mou du genou », préfère la stratégie du silence. Faute de punching-ball, la maire du VIIe, qui n’en est pas à une pirouette près, ose une ultime tentative secrète de réconciliation. Jean de Boishue la relate : « Elle lui a téléphoné à 1 heure du matin à Matignon. « Je voudrais te voir », lui demande-t-elle. Mme Fillon se rappelle très bien l’avoir vue débarquer cette nuit-là dans la cour. Rachida met le marché en main au chef du gouvernement : « J’arrête, je te fous la paix, tu vas aux législatives et moi je suis désignée tête de liste pour la mairie de Paris. » »

Séductrice avec les patrons

Gérard Worms, le président (du Siècle), l’a parrainée en 2003 dans ce club hyper élitiste et fermé. Depuis, chaque dernier mercredi du mois, à l’Automobile Club de la place de la Concorde, Rachida peut croiser la crème des dirigeants, politiques, financiers, industriels et médiatiques du pays. « Elle va de table en table et fait à tous de grands sourires », s’amuse la journaliste Catherine Nay, membre elle aussi. Son culot monstre aidant, elle les bombarde ensuite de coups de téléphone, qui pour un déjeuner, qui pour un rendez-vous, qui même pour un dîner. Et ça marche. L’un de ses admirateurs raconte pourquoi : « Rien qu’une heure avec elle, tu ressors, tu as la pêche. Elle est drôle. Elle a de l’esprit, elle dézingue tout le monde en trente secondes. Il faut l’entendre imiter sa tête de Turc, Brice Hortefeux, ou la voir cacher ses yeux avec une longue mèche de cheveux pour minauder à la manière de Carla Bruni : « Mon amoureux, il est vraiment super mon amoureux »… Elle est dans la séduction à mort. »

Un réseau d’espions

Lorsqu’elle arpentait les allées du pouvoir, elle a su se constituer un réseau d’informateurs hors pair, d’aucuns disent d’espions. Au premier rang desquels les chauffeurs, les huissiers et les secrétaires, avec lesquels elle a toujours jugé utile de copiner en leur offrant des petits cadeaux. Notamment Nathalie, l’assistante dévouée de Claude Guéant, grâce à laquelle elle se tenait au courant de presque tous les rendez-vous de Nicolas Sarkozy, qu’il soit à l’Intérieur ou à l’Elysée.

Autre recrue de poids, comme conseillère, lorsqu’elle est arrivée à la Chancellerie, Emmanuelle Dauvergne, qui n’est pas n’importe qui puisqu’elle est la compagne de l’ex-chef de sécurité personnel de l’ex-président de la République à l’Elysée, Michel Besnard. Par Emmanuelle, et à travers elle par son compagnon, Rachida Dati a longtemps été très bien renseignée sur la vie quotidienne de Nicolas Sarkozy au Château, de même qu’elle a pu faire passer des messages au chef de l’Etat.

Dominique Desseigne, vie privée, vie publique

En décembre 2007, son étoile est au firmament. Cécilia ne vit plus à l’Elysée. Elle devient la favorite de Nicolas Sarkozy. A l’automne, il emmène sa ministre de la Justice dans son premier voyage au Maroc. […] Il a fait venir dans ses bagages soixante-dix chefs d’entreprise, parmi lesquels son ami Dominique Desseigne, le patron du groupe Lucien Barrière, vaste empire de casinos, hôtels de luxe, restaurants, bars, spectacles et animations. Dominique Bussereau, alors ministre, se rappelle le début de l’idylle entre Rachida et Dominique : « C’est là que tout s’est noué. On a eu plusieurs indices qu’il s’était passé quelque chose. »

Ils ont bien flairé. Les deux tourtereaux se sont vite trouvés. Ils s’envolent pour le réveillon de Noël à l’île Maurice, au Saint Géran, un palace de rêve avec cocotiers et sable blanc. Dominique Desseigne a alors 63 ans. Veuf depuis six ans, il est l’un des célibataires les plus convoités de Paris, à la tête d’une des cent premières fortunes françaises. Il a flirté avec les plus belles femmes – après ou avant la sienne, Diane Barrière-Desseigne, morte tragiquement des suites d’un accident d’avion -, Corinne Bouygues, une fille Darty, la Libanaise Mouna Ayoub. Avec Diane, il a eu deux enfants qu’il adore et qui le lui rendent bien, Alexandre et Joy, alors âgés de 19 et 16 ans. Quand les deux amants rentrent à Paris en janvier, elle s’installe chez lui dans son superbe hôtel particulier, Villa Montmorency. Très vite, Rachida commence à lui dire qu’elle désire un enfant. Il fait celui qui n’entend pas. Il préférerait qu’elle lui demande un diamant ou une Ferrari. Elle insiste : « A l’âge que j’ai, il est plus que temps. »

En fait, elle n’est pas heureuse. Elle supporte mal la vie quotidienne au côté du notaire Desseigne. Avec Cécilia Sarkozy, dont elle est la grande amie à l’époque, elle parle beaucoup de sa situation. L’épouse de Nicolas lui répète : « Tu vieillis et Dominique, c’est un mec bien. » Elle, de répondre : « Il est trop vieux. Il m’emmerde. Et puis j’aime pas les rideaux de son hôtel particulier. » Ce à quoi l’hyper pragmatique Cécilia rétorque : « On s’en fout, les rideaux, tu peux les changer ! » Mais Rachida tourne chez le dandy comme un lion en cage. Elle téléphone régulièrement à des copines. « Ce matin, je lui ai fait croire que j’allais faire un jogging. Mais ça me barbe de revenir ce soir. Faut encore que j’invente un bobard. » Finalement, rebelle à la monotonie de cette vie trop tranquille, elle le largue. […]

L’entourage de l’homme d’affaires assure qu’il s’est « bloqué » littéralement sur cette affaire le jour où sa fille Joy lui a révélé le comportement de Rachida Dati. Familière des textos, on le sait, la maire du VIIe avait choisi comme interlocuteur le frère de Joy, Alexandre, le plus sensible et émotif de la famille Desseigne. Elle le bombardait de SMS pour lui donner des nouvelles de « sa petite soeur Zohra ». Elle l’interpellait avec des mots dans le style : « Le père de ta petite soeur ne veut pas faire de test. Aide-moi. » Mais, un jour, elle est allée beaucoup trop loin.

B. S.

(1) Rachida ne meurt jamais, par Elisabeth Chevalet, Editions du Moment, 181 pages.

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