Ariana Miyamoto © Capture d'écran YouTube

Pourquoi les Japonais sont-ils profondément racistes ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

La jolie Ariana Miyamoto, 20 ans, vient d’être désignée Miss Japon 2015. Son élection soulève de nombreuses critiques au pays du Soleil Levant, car elle est métisse. Une affaire parmi d’autres qui illustre les problèmes de racisme dont souffre le pays. Explications.

Ariana Miyamoto est née au Japon d’une mère japonaise et d’un père afro-américain. Elle est donc métisse de nationalité japonaise. La nouvelle Miss n’a pas été accueillie chaleureusement sur les réseaux sociaux et autres forums où elle est parfois carrément considérée comme une étrangère.

Elle est en effet étiquetée « hafu », selon Libération. Il s’agit d’un mot nationaliste inspiré de l’anglais « half », signifiant demi. Elle est donc considérée par certains comme une demi-Japonaise, voire une « sous Japonaise ».

Un racisme « profond »

Pourquoi les Japonais se sentent-ils tellement mal à l’aise face à l’élection d’une métisse ? Cela reflète un trait culturel de la société nippone qui se considère, encore aujourd’hui, comme une des seules « races pures » de la planète.

En effet, le Japon a un problème de racisme bien établi. Un rapport de l’ONU de 2005 faisait état d’un « profond » racisme dans le pays, en particulier envers les personnes issues des anciennes colonies, les Chinois et les Coréens, rapporte Vox.

Le Japon est également une des rares démocraties à ne pas avoir voté de loi contre les discours de haine. En 2013, lorsque des nationalistes extrémistes ont mené une série de manifestations contre les Coréens, les autorités n’ont pratiquement rien fait pour les en empêcher.

Une nation « pure »

Au Japon, l’idée que la nation n’est composée que d’un seul sang est encore très forte, selon Kyle Cleveland, professeur de sociologie à l’Université du Temple de Tokyo, interrogé par Vox. Les Japonais considèrent en effet qu’ils ont tous une même origine ethnique. Il est vrai que comparé à d’autres pays développés, le Japon est extrêmement homogène : 98 % de la population est japonaise. Ce qui en fait l’un des pays les moins ethniquement diversifiés de la planète. L’insularité renforce également ce sentiment.

Une histoire particulière

L’histoire du Japon peut expliquer ses relations compliquées avec les étrangers. En 1663, le pays a été coupé du reste du monde par le dirigeant de l’époque, hormis pour quelques échanges commerciaux. Durant deux siècles, les Japonais ordinaires n’ont pas pu quitter le territoire et les étrangers sont devenus une source de fascination.

Lorsque le Japon s’est à nouveau ouvert au monde en 1853, cette notion de race homogène est restée ancrée dans la société, explique Kyle Cleveland. Cette notion s’est d’ailleurs fortement manifestée durant l’ère impériale pendant laquelle le gouvernement a mis en place une idéologie d’État basée sur la race et extrêmement raciste. Elle a pris fin lors de la défaite du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Pas de débat national

Le racisme au Japon ne semble pas être une priorité pour les autorités. L’absence de débat national sur la question n’aide pas à ouvrir les esprits. Les incidents racistes sont également peu couverts par la presse.

Pourtant, vu le taux de natalité très bas du pays et le vieillissement de la population, les Japonais auraient tout intérêt à s’ouvrir au monde. Ils ont en effet besoin de l’immigration pour combler les pénuries de main-d’oeuvre. Or, les problèmes de racisme pourraient entraver l’arrivée d’immigrés sur le territoire, analyse Kele Cleveland.

En février dernier, un ancien conseiller du Premier ministre a même suggéré d’instaurer une sorte d’apartheid pour garder les travailleurs étrangers éloignés de la société japonaise. Une idée saugrenue qui ne risque pas d’attirer les travailleurs étrangers au pays du Soleil Levant.

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