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Politique de migration danoise: « Les Danois craignent de plus en plus de perdre leur niveau de vie »

Naomi Skoutariotis
Naomi Skoutariotis Journaliste pour Knack.be

L’entrée en vigueur d’une série de lois plus strictes au Danemark a suscité la polémique en Europe. Les Danois sont-ils devenus plus xénophobes ? Qu’est-il advenu du Danemark progressiste ?

La semaine dernière, tous les regards étaient braqués sur le parlement danois qui a approuvé une série de lois sur la migration, telle que la fameuse « loi sur les bijoux ». Celle-ci stipule que les réfugiés qui ont plus de 1.340 euros d’argent liquide ou d’objets précieux en poche doivent les céder pour payer leur frais de résidence, même s’ils peuvent conserver les bijoux ou les objets précieux qui revêtent une « valeur sentimentale ». Les parlementaires danois ont également décidé que les migrants doivent attendre au moins trois ans avant de faire venir leur femme et leurs enfants.

Les partis du gouvernement, mais aussi le parti social-démocrate de l’opposition, ont voté pour. Critiquées dans toute l’Europe, les lois ont donné lieu à des comparaisons avec les nazis dans certains pays. Le visage rouge de rage de Louis Michel (MR) a fait buzz. Pour Michel, le parlement européen a tenu un simulacre de débat sur les nouvelles lois danoises.

Jacob Torfing, politologue à l’Université de Roskilde au Danemark, partage son avis : « ‘La loi sur les bijoux’ n’a pas été instaurée pour rapporter de l’argent, mais pour éviter que les réfugiés entament le voyage. Pour cette raison, le Danemark publie des annonces à propos de la législation sévère dans les quotidiens du pays natal des migrants. »

Qu’est-il advenu du Danemark progressiste?

Torfing: « Les Danois sont de moins en moins sûrs de conserver leur niveau de vie et un parti populiste exploite cette crainte. Mais les Danois ne sont certainement pas plus xénophobes ou plus à droite qu’il y a une dizaine d’années. Avant la crise, le Danemark accueillait un nombre normal de réfugiés. Mais ensuite, les Danois ont été traumatisés par les milliers de migrants qui marchaient sur l’autoroute et barraient la circulation vers Copenhague. Ces migrants ont également refusé de donner leurs noms et de s’inscrire, c’est ce qui a fait peur aux Danois et le Parti populaire danois (Dansk Folkeparti) exploite cette situation. »

Le Danemark a-t-il pris un virage à droite?

Torfing: « Je ne sais pas si on peut parler d’un virage à droite, mais depuis les élections danoises en juin 2015, les socio-démocrates ne sont plus dans le gouvernement. Pour l’instant, c’est le Parti populaire danois (DF) qui progresse le mieux. Ce parti a réussi à monter grâce à une politique de migration vide de contenu. »

Cependant je tiens à souligner que le DF n’est pas un parti d’extrême droite. Sous de nombreux rapports, il adopte même des points de vue socio-démocrates. Il est par exemple pour un État-providence qui s’occupe des pauvres. Mais en même temps il a exploité intelligemment le sentiment de précarité croissant des électeurs. »

De quoi les Danois ont-ils peur?

Torfing: « Ils ont l’impression que leurs conditions de vie sont menacées. Les emplois sont en danger suite à la montée de nouvelles technologies, le système de prospérité danois est sous pression, et il y a une crise mondiale. Le parti populaire accuse les migrants et les réfugiés d’être à l’origine des problèmes et de menacer l’identité danoise. Et cette tactique a tellement de succès que les autres partis ont le sentiment de devoir faire de même. »

Les partis populistes ne progressent pas uniquement au Danemark, mais notamment aussi en Pologne et en Hongrie. S’agit-il d’une tendance européenne ?

Torfing: « Cette tendance répond à quelque chose d’assez exceptionnel, à savoir une vague de migration gigantesque. Quand les circonstances sont normales, le Danemark peut facilement accueillir 5.000 à 10.000 réfugiés, mais pas 50.000. C’est trop pour un aussi petit pays. C’est un grand processus d’apprentissage, nous sommes face à un défi que nous n’avons encore jamais dû relever. Au Danemark, nous avons un très bon système de prospérité. Tout est gratuit : l’université, les soins de santé, etc. La seule chose que les citoyens danois doivent payer à l’état, ce sont les impôts. C’est un modèle qui fonctionne parfaitement, mais qui est menacé par la migration. Les coûts aussi sont énormes.

Doit-on s’en inquiéter?

Torfing: « Les propos populistes sont très dangereux parce qu’on ne peut pas les réfuter. La lutte pour les électeurs contamine d’autres partis. Ils pensent qu’à moins de durcir leurs positions, cette situation se poursuivra. Pourtant, je pense que la politique danoise se normalisera les prochaines années.

C’est un équilibre délicat. Je ne sais pas s’ils réussiront, mais les politiques tentent de faire comprendre aux gens qu’il faut limiter le nombre de réfugiés afin d’avoir suffisamment d’espace pour les réfugiés qui obtiennent l’asile au Danemark. En fait, ils souhaitent aussi améliorer les conditions de vie de ces demandeurs d’asile. »

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