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« Oubliez les combattants syriens, la Libye est la nouvelle destination des djihadistes »

Le Vif

Un influent cheik marocain, qui a prêté allégeance à l’État islamique, a appelé les jeunes à se rendre en Libye. « Il est fort probable que les djihadistes d’Europe trouveront facilement leur chemin vers les pays d’Afrique du Nord » dit Hicham El Mzairh (SP.A) qui suit l’évolution de la situation depuis 10 ans.

« Oubliez les combattants syriens, la Libye est la prochaine destination des djihadistes » c’est le message posté sur twitter par Hicham El Mzairh (SP.A), conseillé de Monica De Coninck pour la diversité à Anvers

Besoin de djihadistes sur la frontière égyptienne

Le 15 février dernier, un mouvement apparenté à L’EI en Libye a publié une vidéo de l’exécution de 21 chrétiens coptes, majoritairement égyptiens. De retour sur le devant la scène depuis la publication de cette vidéo, ce pays d’Afrique du Nord est déchiré par des luttes entre milices rivales depuis la révolution qui a conduit à la mort de Mouammar Kadhafi. Le président égyptien ne souhaitant pas laisser cet acte impuni a, dès le lendemain de la parution de la vidéo, lancé des attaques aériennes contre la Libye. Qu’il existe de tels foyers terroristes ne surprend pas les experts, puisque de tels sanctuaires de terroristes se créent sur le même modèle à chaque fois qu’un État s’effondre. Mais la Libye a ceci de particulier que, aux portes de l’Europe, elle peut servir de base pour « préparer des attentats contre l’Europe », explique Arthur Quesnay, expert en sciences politiques à l’Université parisienne de la Sorbonne dans La Libre. Il précise tout de même que pour l’instant il ne semble pas encore exister d’autorité centrale. El Mzairh relève pour sa part qu’il existe des signes qui montrent que l’on va pourtant dans cette direction. « Depuis l’exécution des Coptes chrétiens, et la riposte aérienne de l’Égypte qui en a découlé, il s’est ouvert un nouveau front aux frontières avec l’Égypte. Un front qui nécessite de nouveaux djihadistes. »

« Libye: L’EI de l’Afrique du Nord »

Cette nécessité, le marocain Abderazzak Ajaha l’a bien compris et appelle désormais les djihadistes à se rendre, non pas en Syrie, mais bien en Libye. Il s’adresse surtout aux jeunes de Tunisie, du Soudan, du Maroc ou encore de Mauritanie. Il va même jusqu’à rebaptiser la Libye en État islamique d’Afrique du Nord. Ce cheik fait figure d’autorité au Maroc et dans le reste du monde à travers le mouvement Salafia Jihadia.

« Certains djihadistes qui étaient liés aux attentats de Casablanca (2003) et de Madrid (2004) faisaient partie d’un groupe de Marocains qui au début des années 90 était actif en Libye (Chabiba Al Islamia ou « la jeunesse islamique »). Dans ce but, ils ont suivi une formation de djihadiste avant de se rendre en Europe » raconte El Mzairh. « L’un de ses hommes, Abdelkader H., est resté quelque temps à Bruxelles. Le Maroc avait alors demandé son extradition, mais la Belgique refuse. Après sa libération, il a rejoint la Syrie où il est devenu un important émir », précise encore El Mzairh. Tout cela fait dire à El Mzairh que la chance est grande que les djihadistes d’Europe se dirigeront vers la Libye. « L’histoire va recommencer, mais dans un autre lieu. »

Le plus grand vivier de terrorisme au monde

Mazen Chérif, expert tunisien en questions militaires et stratégiques, affirme dans La Libre que « la Libye est aujourd’hui le plus grand foyer terroriste au monde ». Selon El Mzairh les djihadistes ont remporté des victoires importantes dans la lutte de pouvoir autour de Benghazi – la deuxième ville du pays- et de manière générale dans l’est. Toujours selon La Libre « La filiale libyenne du groupe de l’EI est déjà bien implantée dans plusieurs villes, de Derna à l’est à Sabratha à l’ouest, en passant par Syrte dans le centre. (…) Plus au sud, les djihadistes libyens ont développé des liens avec les groupes radicaux du nord du Mali et avec Boko Haram au Nigeria, selon les experts. »

Un danger pour l’Europe et les pays voisins

Le radicalisme a donc le champ libre dans la chaotique Libye. Et cela pose un problème à l’Europe puisque la Libye est « la source principale de l’immigration clandestine vers les côtes européennes, et notamment l’Italie » explique un diplomate libyen en Europe à La Libre . »Il faudrait imaginer ce qui se produirait si, dans chaque bateau de migrants, un ou deux djihadistes se glissaient… », ajoute-t-il. D’un autre côté, les pays voisins craignent également une recrudescence des djihadistes en Libye. La question reste de savoir si l’Égypte peut atteindre la stabilité tant que le chaos règne à ses frontières. Surtout que le pays doit déjà faire face à des extrémistes à l’intérieur de ses frontières. Les régions frontalières avec l’Algérie et la Tunisie sont aussi confrontées à des mouvements terroristes actifs. « D’autant qu’un grand nombre des membres du groupe extrémiste Ansar Chariaa en Tunisie, pourchassé par les autorités, est venu grossir les rangs des groupes radicaux en Libye » précise encore La Libre.

Mais contrairement à l’Irak et à la Syrie, où une coalition internationale menée par les États-Unis bombarde les infrastructures de l’EI, la Libye est laissée relativement tranquille. Si Al-Sisi a demandé une action miliaire, il semble que pour l’instant l’option militaire contre l’EI en Libye est écartée au profit d’une solution politique sous l’égide de l’ONU. Pourtant, comme l’indique un diplomate qui souhaite rester anonyme, il n’y a pas de temps à perdre : « Il y a deux ans, Daech n’était qu’un petit groupe en Irak, aujourd’hui il contrôle un territoire plus grand que des pays d’Europe. »

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