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Otages tués au Nigeria : l’Italie furieuse de ne pas avoir été avertie

L’Italie a exprimé sa colère de n’avoir pas été avertie à l’avance d’une tentative de libération d’otages au Nigeria par les forces locales appuyées par des agents britanniques, qui a échoué et abouti à la mort de deux otages, un Italien et un Britannique, jeudi.

Rome a haussé le ton par la voix du président Giorgio Napolitano. Celui-ci a jugé « inexplicable le comportement du gouvernement britannique qui n’a ni informé ni consulté l’Italie » avant de déclencher l’opération pour essayer de libérer les ingénieurs Franco Lamolinara, 48 ans, et Chris McManus, 28 ans.

« Une clarification (de la situation) est nécessaire sur le plan politico-diplomatique », a déclaré M. Napolitano, dont les fonctions se limitent en Italie à un rôle de représentation, mais qui jouit d’une forte autorité morale.

Londres a tenté de relativiser l’incident en soulignant n’avoir « été en mesure d’informer le gouvernement italien que lorsque l’opération était en cours ». « Nous avons eu très peu de temps pour agir et cela a été une contrainte pour pouvoir informer » Rome, a expliqué, de Copenhague, le chef de la diplomatie britannique William Hague. Selon un porte-parole officiel britannique, « la priorité était de répondre à la situation sur le terrain et de faire tout ce que nous pouvions pour assurer la libération des otages ».

Le chef du gouvernement italien Mario Monti a réuni vendredi un comité de sécurité nationale, rassemblant notamment ses ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de la Justice et les services secrets, sur le « tragique évènement qui s’est produit au Nigeria ». Une cellule réunissant des représentants des ministères et des services secrets restera dorénavant active « en permanence ».

La classe politique et la presse italienne ont dénoncé un « couac » diplomatique de Londres, le journal Corriere della Sera parlant d' »humiliation de l’Italie » tandis que le quotidien Repubblica évoquait « un revers pour la crédibilité internationale retrouvée » de Rome. L’ex-chef de gouvernement de gauche Massimo D’Alema qui dirige le Copasir, commission parlementaire chargée des services secrets, a été l’un des premiers hommes politiques à dénoncer le fait que l’Italie n’ait pas été avertie du raid et a exigé dès jeudi que « la lumière soit pleinement faite ». Vendredi, il est revenu sur l’affaire, qualifiant de « peu convaincantes les réponses du gouvernement britannique », et ajoutant que, « comme l’a dit le chef de l’Etat, les faits restent inexplicables ».

Le maire de Gattinara, le village natal de M. Lamolinara près de Turin (nord), a également réclamé des explications. « Le ministère italien des Affaires étrangères a d’excellents experts et médiateurs. Si l’Italie n’était pas au courant, nous avons besoin de savoir pourquoi », a dit Daniele Baglione. Selon des sources proches du gouvernement citées par le journal Il Sole 24 Ore, « il y a vraiment un gel entre Rome et Londres ».

Raffaello Matarazzo, chercheur à l’Institut des affaires internationales de Rome, a parlé de « grave incident diplomatique (…) au moment où l’Italie améliore son image sur la scène internationale ». Mais, selon lui, l’affaire n’aura « pas d’impact durable » sur les relations bilatérales et M. Monti « pourrait saisir l’occasion pour demander à Cameron de l’aide dans la crise diplomatique avec l’Inde » provoquée par l’arrestation de deux soldats italiens embarqués sur un pétrolier italien accusés d’avoir tué deux pêcheurs locaux pris pour des pirates.

Selon le journal romain Messaggero, la réaction « prudente » de M. Monti à l’annonce de la mort de l’otage italien « vise à ne pas se lancer dans une bataille contre Cameron », au moment où Londres « dialogue avec le gouvernement indien pour chercher à faire libérer les deux militaires italiens ». C’est pour cela, selon le Messaggero, que M. Monti a appelé le président nigérian Goodluck Jonathan et pas M. Cameron, pour réclamer « au plus vite une reconstitution détaillée des circonstances ayant conduit à la mise à mort des deux otages ».

LeVif.be, avec Belga.

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