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Libye: Mahmoud Jibril, le caméléon

Selon les derniers résultats des élections législatives en Libye, l’Alliance des forces nationales (AFN, libéral) arrive en tête face aux islamistes. Portrait de son leader, Mahmoud Jibril.

Huit mois après la fin du conflit armé qui a entraîné la chute puis la mort de Mouammar Kadhafi, quelque 2,8 millions d’électeurs étaient appelés à choisir les 200 membres du « Congrès national général », samedi dernier. Malgré une concurrence rude des islamistes dans une société ultra-conservatrice, l’Alliance des forces nationales (AFN) est en passe de remporter face aux islamistes les élections en Libye. Son leader, Mahmoud Jibril, dit vouloir oeuvrer pour un « État civil ». Portrait.

A 60 ans, Mahmoud Jibril, diplômé en sciences politiques de l’université de Pittsburgh, aux États-Unis, jouit surtout de la notoriété qu’il a acquise lors de la révolution.

Mahmoud Jibril, « l’architecte de la révolution libyenne »

De 2007 à fin 2010, il a officié dans le régime de Khadafi à la tête du bureau du développement économique national, organisme chargé de mener les réformes économiques de la Jamahiriya arabe libyenne. Mais confronté à l’immobilisme de la vieille garde au sein des instances dirigeantes libyennes, il décide de jeter l’éponge et quitte le gouvernement en 2010.
Au début de l’insurrection en mars 2011, le Conseil national de transition (CNT) le nomme à la tête du gouvernement de transition. Jibril multiplie alors les déplacements dans les capitales occidentales, afin de convaincre les dirigeants européens et américains de soutenir la révolte libyenne. Critiqué par le peuple qui lui reproche de trop s’occuper des dissensions internes au sein de l’instance, et ne pas oeuvrer en faveur du développement et de la relance du pays, il démissionne du CNT en octobre 2011.

L’AFN, un parti pour unir une myriade de formations

Désormais à la tête de l’AFN, une coalition de 61 petits partis, Jibril peut se vanter d’avoir dans ses rangs des personnalités appréciées par une grande partie des Libyens. Durant sa campagne, le leader a choisi d’afficher son parti sous la bannière de « l’unité » et du « dialogue national ».

Une stratégie qui semble porter ses fruits. Dans le scrutin des listes qui portent sur 80 sièges de la future Assemblée, le parti libéral a remporté plusieurs victoires écrasantes face au Parti de la justice et de la construction (PJC, issu des Frères musulmans), notamment à Janzour (banlieue de Tripoli) et à Zliten (près de Misrata). Dans la circonscription du centre de Tripoli, l’AFN a enregistré dix fois plus de voix que son principal concurrent, avec 46 225 voix contre seulement 4774. La même tendance a été constatée dans les sept autres conscriptions de la ville. Pourtant considéré comme un bastion des groupes islamistes, l’est du pays semble aussi avoir offert un large soutien et de bons scores à l’Alliance.

Quelle place pour l’islam?

Depuis le début de sa campagne, Mahmoud Jibril dit vouloir agir en faveur d’un « État démocratique civil », reposant sur les institutions. Son parti prône un islam modéré et dénonce l’islam politique. Pourtant, face à l’embarras des islamistes qui le taxent de « candidat laïc » dans un pays profondément musulman, l’habile Jibril n’hésite pas à nuancer son discours. Il rappelle que la charia (ou loi islamique) sera « la référence principale dans la rédaction de la (future) Constitution ».

Si la victoire de l’AFN se confirme, les urnes libyennes seraient donc épargnées par la vague islamiste de l’Égypte et de la Tunisie voisines. Mahmoud Jibril devrait alors opter pour un gouvernement d’union regroupant tous les courants. Une éventuelle collaboration mise en doute par Mohamed Sawan, le chef du PJC, qui déplore un parti avec lequel le PJC « a le moins de points communs ».

Par Sophie Malherbe, L’Express

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