Donald Trump et Kim Yong-Un © Reuters

« Les premières préparations d’une attaque américaine contre la Corée du Nord sont déjà en cours »

Jonathan Holslag
Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

« La question n’est pas de savoir s’il y aura de nouveaux conflits en Asie », met en garde le professeur Jonathan Holslag (VUB). « La question, c’est où et quand. »

L’Asie continue à faire la une de l’actualité. Si ce n’est pas la Corée du Nord, c’est le président chinois et sa tentative de prendre le pouvoir absolu. La croissance de la Chine demeure le phénomène principal en Asie. Elle a légèrement ralenti ces dernières années, mais s’il en tient à Xi Jinping, l’économie continuera à beaucoup progresser. Il est important que le retard de croissance récent ne se soit pas accompagné d’une correction économique attendue. La Chine reste dans une large mesure dépendante d’investissements et la plupart des industries dépendent à nouveau davantage de l’export. Ce déséquilibre rend la Chine vulnérable. Avec la nouvelle Route de la Soie, Pékin semble vouloir maîtriser ce défi et répercuter le problème sur d’autres pays. La Chine a investi dans toutes sortes de secteurs, et donc il faut absorber cette surcapacité. C’est l’essentiel de la nouvelle Route de la Soie : plus de dumping et une utilisation plus efficace des réserves de devises chinoises pour soutenir l’exportation chinoise de biens et de services.

Tant que le reste du monde le permet, et pour l’instant la résistance demeure étonnamment limitée, la Chine progressera aux dépens des autres. Cela perturbe également l’équilibre militaire. Pour Pékin, il s’agit surtout de briser la dominance américaine dans la région. Si les Chinois continuent à augmenter leur capacité militaire, ils peuvent par exemple leur interdire l’accès à la mer de Chine du Sud et effrayer les Américains dans le Pacifique durant les décennies à venir. Il n’y a là rien de neuf, mais à Washington, ils commencent à se rendre compte que si la Chine poursuit ses succès économiques, le leadership américain est terminé.

Ce terrain de jeu géopolitique est compliqué par de plus petits acteurs qui balancent entre les deux grandes puissances, principalement les Philippines, Taiwan, le Japon et la Corée du Nord. Du coup, on voit se déplacer le foyer des tensions entre la mer de Chine du Sud et la Mer jaune, mais au fond c’est une longue ligne de front. Dans les mois à venir, les relations avec la Corée du Nord atteindront un point de rupture. Donald Trump se rend dans la région et dira une dernière fois de quoi il en retourne : Pyongyang devra renoncer à ses ambitions de construire des missiles nucléaires intercontinentaux sous peine d’une attaque américaine. Pour ce gouvernement américain, il est hors de question de tolérer des missiles intercontinentaux nord-coréens.

Même si cela paraît difficile à imaginer, les premières préparations d’une telle attaque sont en cours. Les simulations américaines ont démontré qu’une attaque de représailles nord-coréenne contre Séoul est maîtrisable, à condition que l’artillerie le long de la frontière soit rapidement éliminée, et qu’il y ait suffisamment de capacités pour abattre les missiles. Washington affirme aussi qu’il faut éviter à tout prix que Pyongyang touche San Francisco comme elle peut toucher Séoul. Entre-temps, les Américains ont préparé de plus en plus de systèmes : sous-marins nucléaires équipés de douzaines de missiles de croisière, troupes spéciales, bombardiers B1 sur l’île de Guam, etc. L’arsenal de bombes sur Andersen Air Base à Guam a été largement développé. Une attaque préventive est donc de plus en plus probable.

L’Asie n’est pas seulement sous le coup de tensions militaires, mais tombe de plus en plus en proie à l’autoritarisme et au nationalisme. Beaucoup d’Asiatiques ne se sentent pas en sécurité, et pas seulement en raison du risque de conflits armés. Ils aspirent aussi à la sécurité et la dignité économiques. Malgré la production croissante, le bien-être dans la région est mal en point à cause de la pression de travail incroyablement élevée, la corruption, l’isolement, etc. L’insatisfaction relative à la situation économique est considérable. Associée à l’insécurité cela augmente le désir de leaders forts, un besoin auquel répondent les politiciens comme Xi Jinping, mais aussi Shinzo Abe, Rodrigo Duterte et Narendra Modi par exemple.

Cette semaine, on a observé avec beaucoup d’attention la façon dont Xi a renforcé son étreinte sur le pays, mais là non plus ce n’est guère surprenant. Au fond, Xi a le même mandat que Donald Trump : rendre son pays fort, et défendre les intérêts de manière forte. Alors que Trump cherche à atteindre ce but par le protectionnisme, Xi tente de le réaliser par le capitalisme d’État et en perçant sur les marchés étrangers. La conséquence de cet autoritarisme et de ce nationalisme, c’est que les leaders éprouvent le besoin de se profiler. Du coup, la marge de compromis diplomatiques se réduit et le risque de conflits augmente. La question n’est pas de savoir si de nouveaux conflits éclateront en Asie, non, la question, c’est où et quand.

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