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Les furies d’Hitler, ces Allemandes au service des criminels nazis

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Elles étaient enseignantes, infirmières, secrétaires, épouses… Toutes volontaires, elles ont été envoyées en Europe de l’Est pour servir les politiques criminelles nazies. Dans Les Furies de Hitler, l’historienne américaine Wendy Lower révèle l’un des aspects les plus sombre et inexploré de la Shoah. Glaçant.

Les femmes allemandes victimes d’une guerre brutale et d’un génocide accomplis par des hommes ? Un mythe que Wendy Lower, professeure au département d’histoire de l’université de Towson (Maryland) et conseillère au musée de la Shoah (Washington), déboulonne sérieusement. De fait, en 300 pages, l’historienne américaine adopte un angle particulier, celui peu connu des Allemandes envoyées par l’Allemagne nazie à l’Est – près d’un demi-million de femmes de moins de 30 ans. Un angle mort de l’histoire contemporaine.

Dans Les Furies de Hitler. Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah, publié en anglais en 2013 et paru en français ce 18 septembre, Wendy Lower retrace le parcours de ces enseignantes, infirmières, secrétaires et épouses qui acceptèrent ou saisirent l’occasion de partir dans les territoires occupés, de l’Ukraine à la Pologne, en passant par les pays Baltes, cet « Est sauvage où tout était possible ». Un travail – alimenté par les archives, les documents nazis, les journaux intimes, les correspondances personnelles, les comptes rendus d’audiences de procès – qui lui a permis d’établir une galerie de portraits glaçante.

« Les furies de Hitler n’étaient pas des marginales sociopathes, affirme l’historienne. Elles représentaient, au contraire, toute une génération d’Allemandes qui ont atteint l’âge adulte au moment de l’avènement du nazisme, dans les années 1930. Des femmes jeunes, endoctrinées et ambitieuses. » Celles qui sont parties évoluaient alors dans un monde misogyne et étriqué, où les femmes peinent à trouver une place qui les épanouisse. Elles avaient aussi en commun, à des degrés divers, l’avidité, l’antisémitisme, le racisme et l’arrogance impérialiste. « Elles laissaient derrière elles un monde de lois répressives, de moeurs bourgeoises et de traditions sociales qui rendaient leur existence en Allemagne contraignante et oppressante. C’est dans le système plus ouvert des territoires de l’Est, qu’elles regardaient comme un espace d’avancement professionnel et de liberté, qu’elles virent ou commirent des atrocités. »

Surtout, Wendy Lower nous donne précisément à voir, grâce aux enquêtes et aux comptes rendus de procès, comment des préjugés sexistes relatifs à l’innocence naturelle des femmes, influençables et incapables de commettre des actes monstrueux, se sont immiscés dans la totalité du processus judiciaire. « Elles étaient jugées à l’aune de leur émotivité. Ainsi prenait-on soin au tribunal de noter quand elles pleuraient au cours des interrogatoires. Leurs épanchements semblaient indiquer de l’humanité, de la sensibilité et une empathie conforme à la nature féminine. » En dehors d’une poignée de meurtrières de premier plan, exécutées ou condamnées à de lourdes peines de prison, la plupart échappèrent au châtiment de la justice et n’ont jamais eu à répondre de leurs crimes. ?

Les Furies de Hitler. Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah, par Wendy Lower, éd. Tallendier, 352 p.

Les extraits du livre dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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