© REUTERS/Ahmed Malik

Les Chrétiens d’Orient vivent leurs dernières heures à Mossoul

Stagiaire Le Vif

Pourchassés par les djihadistes de l’Etat islamique en Irak, les Chrétiens d’Orient n’ont d’autres choix que de quitter précipitamment leur résidence, leur église sans aucune garantie pour leur avenir. La communauté internationale peine à se mobiliser. La rédaction fait le point.

Le vendredi 19 juillet, l’ultimatum lancé par les djihadistes de l’Etat islamique (EI) en Irak à l’encontre de beaucoup de chrétiens, a pris fin. Le groupe extrémiste leur impose trois conditions: soit se convertir, payer la jiziah (impôt imposé aux non musulmans) ou s’en aller sans rien prendre (leurs maisons appartiendraient à l’État islamique), sans quoi ils risquent d’ être exécutés. Certains se sont réfugiés pour le moment dans le Kurdistan, au nord de l’Irak. Des centaines de familles avaient déjà commencé à fuir la ville. Mais en sortant de Mossoul, aux barrages, ils se sont vus molestés, pillés, frappés, dépouillés de leurs argent, bijoux, cellulaires. Des passeports ont été déchirés.

Ce lundi, L’EI est revenu à la charge, prenant le contrôle du monastère antique de Mar Behnam – qui abrite une église et le mausolée du Martyre, chef-d’oeuvre de la sculpture chrétienne en Mésopotamie – où vit une petite communauté de moines syriaques-catholiques près de Qaraqosh. Ils ont été prié de quitter les lieux, selon des témoins et un religieux. Dans un autre édifice, les membres de l’EI ont fait irruption, avant de faire descendre les portraits des patriarches et de les brûler devant l’Evêché syriaque catholique.

Mossoul, deuxième ville d’Irak avec deux millions d’habitants, a été prise en main par les djihadistes (insurgés sunnites), le 9 juin. Depuis, les combattants n’ont cessé de persécuter la communauté chrétienne, présente depuis seize siècles sur ce territoire. Ces attaques se sont produites également en Syrie. La situation s’est encore aggravée après l’annonce du califat islamique en Irak.
Avant l’invasion américaine en 2003, l’Irak comptait un million de Chrétiens dont plus de 600.000 à Bagdad, 60.000 à Mossoul mais également dans la ville pétrolière de Kirkouk (Nord) et à Bassora (Sud). Un nombre important d’entre eux se sont exilés depuis, et l’instabilité qui s’en est suivie dans le pays a accéléré le mouvement. Selon des estimations, enn juin dernier ils n’étaient plus que 35.000 chrétiens à y vivre encore.

De la tolérance au rejet complet, l’Irak était le seul pays de la région où des partis « chaldo-assyriens » ou « syriaques » se sont présentés aux élections. Même sous des régimes rigides, la langue néo-araméenne fut enseignée et le développement culturel de cette minorité encouragé.

Des condamnations mais pas d’actions

Dimanche, le Pape François a lancé un appel en soutien aux chrétiens d’Irak.
Lundi, le Conseil de sécurité de l’ONU a fait savoir que « les persécutions menées par les djihadistes de l’État islamique (EI) contre les minorités en Irak, notamment les chrétiens de Mossoul, étaient susceptibles d’être un crime contre l’humanité ».
Le Conseil des Eglises du Moyen-Orient (Cemo) affirme au journal L’Orient Le Jour, à travers son secrétaire général : « Le Cemo ne peut que joindre sa voix à celle des patriarches et chefs d’Églises orientales qui en ont appelé au monde pour que des initiatives courageuses soient lancées contre la barbarie qui s’exerce contre des chrétiens isolés attachés à la terre irakienne, qui est leur terre. »
De son côté, l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui représente 57 pays musulmans, a dénoncé mardi « comme un crime intolérable » la persécution des chrétiens en Irak et a offert son assistance aux déplacés.

Voyant qu’aucune protection n’est déployée, les chrétiens d’Irak appellent, mercredi, la communauté internationale à « prendre ses responsabilités vis-à-vis des minorités » du pays.

Le web apporte son soutien à sa manière. « ? » (prononcez « noun ») représente le « N » dans l’alphabet arabe et fait référence à « Nazaréen ». La lettre a été peinte sur les maisons des chrétiens délogés pour les identifier. Sur les réseaux sociaux, à travers ce hashtag #? plusieurs messages affluent en signe de ralliement.

Aussi bien en Irak qu’en Syrie, les chrétiens sont forcés de quitter un pays sous tension où la montée du fondamentalisme religieux obscurcit leur avenir et leur pérennité.

Réda Bennani (St.)

Qui sont les Chrétiens d’Orient ?

Ils constituent une mosaïque de multiples confessions, désignant des Chrétiens non latins, qui relèvent de l’Eglise orthodoxe orientale et de l’Eglise chaldéenne catholique. Ils se distinguent par la langue de liturgie et les rites. Par exemple, les chrétiens d’Orient ne représentent que rarement le Christ en croix, préférant ce signe ostentatoire nu. Car ils appliquent à la lettre le message du Christ, appelant tout le monde à la vie éternelle.

Ces croyants sont apparus d’abord au Proche-Orient, puis dans l’est et dans le sud-est de l’Europe. Au fil des siècles, les Chrétiens d’Orient, qui se réclament de leurs origines palestiniennes, s’implantèrent progressivement dans le monde entier.

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