Les juges de la Cour suprême russe attendent une audience à Moscou en janvier 2014. © REUTERS/Maxime Shemetov

Les choses à éviter en Russie, sous peine d’être arrêté

Stagiaire Le Vif

Lundi, les autorités russes arrêtaient plus de 1 500 manifestants lors d’une mobilisation anti-corruption. Le leader de la révolte, Alexeï Navalny a été condamné à 30 jours d’enfermement. En Russie, descendre dans la rue n’est pas le seul grief qui vous conduit derrière les barreaux. Radio Free Europe a recensé les quelques démarches à ne surtout pas entreprendre. Petit florilège…

Le Kremlin ne plaisante ni avec « l’extrémisme » ni avec ce qui peut « choquer les sentiments des croyants ». Cependant, les lois qui régissent ces notions sont laissées volontairement floues. La raison est simple : laisser aux juges et procureurs une marge de manoeuvre aussi grande que possible pour qu’ils puissent sévir contre les fautifs. Radio Free Europe, relayé par Le Monde, a mis en lumière de nombreux cas qui illustrent les actes à ne pas commettre pour rester loin des radars de la/(l’) (in)justice russe. Le Vif a choisi les plus déroutants.

Écrire des lettres à Poutine

Le 30 avril, Darya Kulakova démarrait une peine de dix jours de prison. Sa faute ? Avoir organisé une campagne de rédaction de lettres destinées au président russe. Certaines demandaient expressément à Vladimir Poutine de ne pas briguer un quatrième mandat présidentiel. Son initiative n’a pas été du goût de la justice qui l’a accusée de résister à un ordre de police lorsqu’elle tentait de remettre le dossier dans les mains du représentant de Vladimir Poutine à Kazan, la capitale du Tatarstan.

Peindre des oeufs de Pâques

Armée d’un … pinceau ! En avril, Yelena Blinova est condamnée par un tribunal de la République de Chuvashia à une amende de 20.000 roubles – soit 313 euros. L’ancienne institutrice maternelle avait décoré une douzaine d’oeufs de Pâques du slogan « Freedom for Maltsev », du nom d’un populaire blogueur russe accusé d’avoir attaqué un officier de police lors d’une manifestation à Moscou, en mars dernier.

La Cour suprême de ladite République a finalement réduit l’amende de moitié le 1er juin tout en confirmant que Yelena Blinova prenait part à une manifestation illégale.

Être poète

Le poème intitulé « Aux patriotes ukrainiens » a valu à Aleksandr Byvshev une peine de 300 heures de service communautaire. Le texte contenait, selon la justice russe, des connotations extrémistes. Le poète a même été renvoyé de son poste de professeur à Orel, ville de l’ouest russe.

En janvier de cette année, les autorités ont admis enquêter sur un nouveau poème de Byvshev, consacré cette fois au poète dissident de l’ère soviétique, Joseph Brodsky, également prix Nobel de littérature. Les enquêteurs estiment qu’il serait, lui aussi, empreint de « connotations extrémistes ». Trêve de poésie…

Combattre des abus sur mineurs

L’institutrice maternelle Yevgenia Chudnovets a été condamnée à cinq mois de prison en novembre 2016 pour avoir partagé une vidéo d’abus d’enfants. Elle souhaitait simplement sensibiliser le public à un problème social sérieux.

Alors qu’il ne lui restait que quelques semaines à purger, Y. Chudnovets a vu sa condamnation renversée par la Cour suprême de Russie…. En effet, le partage de cette vidéo avait contribué à l’arrestation de deux adultes reconnus coupables de mauvais traitements infligés à des enfants et donc condamnés à trois et six ans de prison.

Jouer à Pokémon Go

Le cas avait défrayé la chronique partout dans le monde. Rappelez-vous de Ruslan Sokolovsky, ce blogueur basé à Iekaterinbourg, ville de l’Oural. Il a été reconnu coupable en mai « d’incitation à la haine » et « d’insultes aux sentiments des croyants » car il avait posté sur le web des vidéos le montrant notamment en pleine partie de Pokémon Go dans une église. Trois ans et demi de prison avec sursis pour le blogueur. La Cour avait établi que plusieurs de ses vidéos se moquaient de la religion et niaient la divinité de Jésus et du prophète Mahomet.

Cette loi aux termes vagues qui régit les insultes aux sentiments des croyants était également au coeur d’une autre polémique. En 2015, dans la ville de Stavropol, Viktor Krasnov a été arrêté pour avoir publié « Il n’y a pas de dieu » dans une discussion en ligne sur le réseau social VKontakte, l’équivalent russe de Facebook. L’homme a passé un mois dans un hôpital psychiatrique pour une évaluation ordonnée par le tribunal. Finalement, l’affaire a été abandonnée en 2017 après la prescription des faits. Aucun croyant soi-disant insulté par ses propos n’a accepté de venir témoigner à l’audience.

Publier de photos historiques

En février 2015, la police déboule dans l’appartement de Polina Petruseva. Arrêtée, elle apprend que son crime porte sur une photographie historique qu’elle a publiée et qui montrait le bâtiment où elle vit sous l’occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a depuis été condamnée à une amende de 1.000 roubles – seulement une quinzaine d’euros – pour « diffusion d’insignes nazis ». La photo comportait en effet une croix gammée ainsi que plusieurs officiers nazis en uniforme.

Rodrigue Jamin

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