© BELGA

Le Sommet de Varsovie remet sur la table la légitimité de l’OTAN

Stagiaire Le Vif

Les 8 et 9 juillet prochains aura lieu à Varsovie, le sommet des chefs d’Etats et de gouvernement des 28 pays membres de l’OTAN. Tenu tous les deux ans, celui-ci reviendra sur l’élargissement de l’organisation et sur les divers objectifs fixés pour les années à venir. Mais quel est encore son rôle aujourd’hui ? Cette organisation est-elle encore légitime ?

Apparu en période trouble de guerre froide pour défendre les intérêts occidentaux contre l’empire soviétique, l’OTAN n’avait pas pour futur de se développer au-delà de la guerre froide. Et voilà que l’organisation est aujourd’hui l’une des plus grandes puissances armée du monde. Prenant comme excuse tous les conflits possibles et inimaginables pour éviter sa dissolution, l’OTAN n’a cessé de se développer et d’exercer sa force en dehors, mais aussi de manière interne à l’Occident. Avec le déclenchement de la guerre du Golfe, l’alliance que formait alors l’OTAN en défense au pacte de Varsovie de l’URSS a pris un tout autre tournant. Un nouvel « ordre mondial », proclamé par Bush, est apparu.

A défaut d’avoir une politique de sécurité commune, beaucoup de pays européen sont membres de l’OTAN. Une organisation qui ne cesse d’étendre sa sphère d’influence. Sur le point d’établir un accord de coopération avec la Suède – non membre – l’organisation sait comment conclure des collaborations qui amplifient sa domination mondiale. Derrière cette organisation politico-militaire, la plus grande puissance demeure tout de même les Etats-Unis, instigateur de la plupart des prises de position. De cette manière, les Etats-Unis ont une présence constante à l’intérieur de l’Europe et assure leur hégémonie mondiale.

Tout cette politique militariste n’a fait qu’aggraver les conflits mondiaux et met la pression sur les pays européens. En bombardant la Syrie ou l’Irak, l’OTAN a provoqué une recrudescence des flux migratoire dont l’Europe, qui ne « peut pas se le permettre », l’a accueilli comme un gros problème. Sous prétexte de la guerre contre le terrorisme, les troupes de l’OTAN sont omniprésentes depuis 2013 en Afghanistan et contribue à la destruction du pays. Pour contrer des attaques pouvant émaner de ces pays, l’OTAN organise même des frappes préventives sans qu’il y ait eu de raisons vraiment valables au préalable. Cette manière de faire laisse donc complètement de côté le dialogue, pour s’adonner directement à la force brutale des armes.

Un discours de guerre

Lors d’une conférence tenue ce jeudi au parlement européen, plusieurs journalistes et députés se sont rassemblés afin de discuter des alternatives pour remplacer l’Organisation du Traité Atlantique Nord. Leur préoccupation est vive quant au développement et au tournant que pourrait prendre les initiatives de l’OTAN. Comme l’a cité la médiatrice de la conférence et membre du Groupe confédéral de la gauche unitaire européenne, Sabine Lösing, dans un nouveau livre publié le mois dernier, l’ancien vice commandant suprême de l’OTAN en fonction entre 2011 et 2014 écrit : « Il est très vraisemblable qu’on en arrive à une guerre entre l’OTAN et la Russie, une guerre où seront utilisées des armes nucléaires« . Et le nucléaire est au coeur du débat. Il sera discuté au sommet de juillet. Pourquoi ? Car l’OTAN ne rivalise pas encore assez à ce niveau vis-à-vis d’autres grandes forces nucléaires, comme la Russie par exemple. Elle met donc un point d’honneur à l’accélération de son armement nucléaire pour augmenter sa montée en puissance. Ce qui lui permettrait d’être plus réactive, mais aussi plus crédible. Ces observations poussent à la réflexion de savoir si l’organisation ne sera pas plus préjudiciable qu’autre chose à l’Europe. Tant au niveau belliqueux qu’au niveau financier.

Un autre objectif : demander aux pays membre de concentrer 2% de leurs PIB en dépenses militaires d’ici 2025. Le message que véhiculera ce sommet est donc clair, ce sera celui d’une militarisation accrue. D’une Alliance encore plus forte entre les pays – et futurs pays – membres. Comme le souligne une autre intervenante, Maria Socorro Gomes, présidente du Conseil mondial de la paix et politicienne brésilienne, cette demande est effectuée au sein de l’Union alors que certains pays européens enregistrent 20% de chômage. Selon elle, la politique que mène actuellement l’OTAN détruit les pays et encourage les régimes fascistes et conservateurs. « Au-delà de promouvoir la paix et la sécurité internationale, ce qu’ils font c’est le contraire. Ils ont un discours de guerre et on peut faire la liste des crimes contre l’humanité. Ils trouvent des prétextes pour continuer à consolider une alliance internationale de menace et d’agression contre les peuples (…) Alors que cette alliance dit qu’elle veut promouvoir la sécurité internationale, elle a tué des milliers de personnes, entrainé le déplacement de beaucoup de personnes qui n’ont peu d’espoir de retourner dans leur pays« .

Elle ajoute aussi qu’elle est préoccupée par une déclaration conjointe entre l’OTAN et l’ONU dans laquelle les secrétaires généraux des deux organisations assument des engagements pour coopérer en faveur du maintien de la paix internationale. Et comme l’a dit le Conseil mondial de la paix, les agissements de l’OTAN sont incompatibles avec les principes fondamentaux des Nations Unies. La lutte pour la dissolution de cette organisation est donc une priorité pour les organisations pacifistes et l’ensemble des mouvements sociaux.

Quelles alternatives ?

Selon Madame Gomes, ce qu’il faut faire dans la perspective du conseil de Varsovie, c’est organiser des campagnes pour clarifier la politique réelle menée par l’OTAN et pour expliquer la menace qu’elle représente pour les peuples et la paix. Les mouvements en faveur de la paix au sein des pays membres de l’OTAN exigent non seulement sa dissolution immédiate, mais aussi que les pays se désengagent de cette organisation et de sa politique impérialiste.

D’autres, comme la gauche au sein du parlement allemand, revendiquent le remplacement de l’OTAN par un système de sécurité collective qui inclurait la Russie pour alléger la pression globale. Il propose aussi que l’Allemagne se retire des structures militaires de l’OTAN comme point de départ.

Une autre solution proposée par le journaliste belge, Michel Collon, serait d’envisager une manière différente d’informer et de débattre. Il s’agirait de construire une alternative pacifique, neutre et solidaire du Sud et des pays en développement en termes de politique internationale. Il faut, selon lui, créer des possibilités pour que les jeunes partout dans le monde puissent discuter et mettre en cause ce qu’ils voient dans les médias traditionnels afin de discuter et de s’opposer à certaines versions proposées.

Mais l’OTAN et l’Union européenne déploient encore certaines activités ensemble. Le 20 mai dernier a eu lieu une conférence entre le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg et la Haute représentante européenne aux Affaires étrangères, Federica Mogherini. Ils souhaitaient tout deux souligner que la coopération entre l’OTAN et l’UE devrait être intensifiée et portée à un nouveau niveau. Carlos Gonzalez Villa, spécialiste des sciences politiques et professeur à l’Université de Madrid, appuie sur le fait que la coopération entre ces deux instances n’est pas une bonne chose. Pour lui, la revendication politique doit aider à mettre fin à cette collaboration afin qu’elle ne soit pas élargie, mais bien dissoute.

Alors que la légitimité de cette organisation pose question depuis la fin de la guerre froide, la guerre contre le terrorisme que mène actuellement l’Union européenne n’a fait que renforcer son bien-fondé. Mais les réflexions doivent être poussées plus loin et s’ouvrir aux alternatives à l’OTAN. Des alternatives pour remplacer cette actuelle machine de guerre qui sème elle aussi la terreur dans d’autres pays que les nôtres.

Par Ornella Diaz Suarez

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire