Environ 2.000 personnes se sont rassemblées samedi à Budapest pour exprimer leur solidarité avec les journalistes du quotidien. © Belga

Le principal quotidien hongrois d’opposition suspendu : « Un coup d’Etat ! »

Le Vif

Le plus important quotidien d’opposition hongrois, Nepszabadsag, a soudainement cessé de paraître samedi matin, officiellement pour « trouver un meilleur modèle économique ». En Hongrie, personne ne croit à cette version, « c’est un coup d’Etat » accusent des partis d’opposition et plusieurs membres de la rédaction.

Tous les journalistes du plus important média hongrois d’opposition Nepszabadsag ont été brusquement licenciés ce week-end via un courrier du groupe Mediaworks, propriétaire du média. Officiellement, la raison de la suspension de la parution est à trouver dans les chiffres de vente en chute libre. « Ces 10 dernières années, Népszabadság a perdu 74% de son tirage, une perte de plus de 100000 exemplaires » , se justifie le groupe sur le site, désormais inactif, du quotidien. Il a aussi perdu près de 5 milliards de forints (16,4 millions d’euros). Mediaworks ajoute que la suspension de la parution du journal durerait jusqu’à « la formulation et la réalisation d’un nouveau concept ».

Mais en Hongrie, personne ne croit à cette excuse économique. Des partis d’opposition et plusieurs membres de la rédaction ont accusé le parti Fidesz du Premier ministre Viktor Orban d’avoir cherché à étouffer les médias ne soutenant pas la ligne du gouvernement. Ils soulignent que l’annonce de la suspension de la parution du journal est survenue quelques jours après qu’il avait fait état d’allégations de corruption à l’égard de deux personnalités proches d’Orban.

Ainsi, György Matolcsy, Gouverneur de la Banque nationale de Hongrie, se retrouve dans un conflit d’intérêts, car il a été révélé qu’il louait une villa de luxe d’un CEO d’une banque implantée dans le pays.

Márton Gergely (39), le rédacteur en chef adjoint du quotidien d’opposition hongrois, a appris la cessation des activités via Facebook. Pour lui, et le reste de la rédaction, il s’agit d’un véritable « coup d’Etat ». « Nous aurons notre salaire seulement si nous nous taisons. C’est de cette façon cynique qu’ils essaient de nous faire taire. » Les journalistes ont affirmé n’avoir pas été informés à l’avance de cette décision, et d’avoir été empêchés d’entrer dans le bâtiment. Un autre journaliste de la rédaction, sous couvert d’anonymat a déclaré à l’AFP : « Cela porte un énorme coup au journalisme d’investigation et à la liberté de la presse. Nepszabadsag représente le plus grand groupe de presse de qualité en Hongrie, qui tente de défendre les libertés fondamentales, la démocratie, la libre expression et la tolérance« .

« Un gouvernement de gangsters »

Par téléphone, Gergely qui se dit « furieux » déclare au Morgen: « Immédiatement après la fermeture, Fidesz a envoyé une liste de points à suivre à tous les médias d’Etat, avec des consignes pour communiquer sur la fermeture. Ils étaient donc au courant. C’est la raison pour laquelle, en tant que rédaction, nous parlons d’un « coup d’Etat ». Je savais que le gouvernement d’Orban était composé de gangsters, mais pas qu’ils étaient à ce point cyniques ».

« Cela ne me surprend pas« , a réagi Balázs Tóth de l’organisation indépendante Helsinki Committee. « Fidesz est derrière, cela ne fait aucun doute. Tôt ou tard, tous les médias hongrois qui critiqueront le gouvernement seront attaqués. »

Environ 2.000 personnes se sont rassemblées samedi à Budapest pour exprimer leur solidarité avec les journalistes du quotidien.

« La fermeture soudaine de Nepszabadsag crée un précédent inquiétant« , a estimé, de son côté, dans un tweet le président du Parlement européen Martin Schulz.

A Bruxelles, Gianni Pittella, président de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (principal groupe de centre-gauche au Parlement européen), a qualifié de pur « prétexte » la situation financière du journal. « La liberté de la presse est aujourd’hui en danger en Hongrie », a-t-il déclaré. « Il est très commun dans des systèmes non démocratiques de fermer des journaux hostiles qui gênent le pouvoir en dévoilant – par exemple – des cas clairs de corruption. C’est exactement ce qui est arrivé à Nepszabadsag », a-t-il estimé.

Créé il y a soixante ans, Nepszabadsag – dont le nom signifie « Le peuple libre » – est le plus fort tirage de la presse hongroise et un critique virulent du Premier ministre et de sa politique anti-immigration. Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, Viktor Orban, a souvent été accusé de vouloir utiliser les médias à son profit, et de larges secteurs des médias privés ont été achetés par des oligarques proches de son gouvernement, affirment ses détracteurs.

Avec AFP

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