François-Xavier Druet

Le Président était un trump-la-mort (carte blanche)

François-Xavier Druet Docteur en Philosophie et Lettres

Voilà. C’est fait. Le Président des États-Unis a du sang sur les mains. Cinq personnes, quatre émeutiers et un policier ont payé de leur vie le baroud de déshonneur que s’est offert un milliardaire mégalomane et peut-être dément.

Devant la Maison Blanche, un discours une fois de plus fondé sur le mensonge a incité les mercenaires trumpistes à « marcher sur le Capitole ». Marcher dessus, c’était potentiellement le piétiner. Convaincue que l’élection était « volée », la horde d’inadaptés au réel que sont ses partisans était bien incapable d’une marche pacifique.

Le mentor le savait-il ? S’il l’ignorait, c’est qu’il manquait de la lucidité critique minimale. Pareille inconscience, inadmissible chez un président, le rend responsable des événements. S’il le savait – ce qui paraît probable -, c’est plus choquant encore. Il a sonné l’hallali en sachant possible ce que d’aucuns ont appelé « le coup d’État », voire en l’espérant. Il est alors coupable de haute trahison par rapport à la Constitution américaine, à laquelle il a prêté serment. Dans une hypothèse comme dans l’autre, sa responsabilité est entière.

Les proches des cinq victimes assigneront-ils le Président devant les tribunaux? Argueront-il que l’incitation à marcher sur le Capitole a déclenché le mouvement violent qui a été fatal aux leurs ? Réclameront-ils des dommages ? L’avenir nous l’apprendra.

Le nom de Trump restera associé non seulement à cette violation du Capitole, plus jamais vue depuis 1814, mais au décès de ces cinq personnes. L’étiquette de « trump-la-mort » convient à celui qui a leur mort sur la conscience.

Indirectement, il doit en avoir bien d’autres. Un climat délétère a été instauré et entretenu de mille et un façons : chapelets d’insultes, de trivialités, de stigmatisations des minorités qui ne sont pas d’extrême droite, racisme et misogynie démentis malgré des preuves du contraire, soutien aveugle à l’industrie de l’armement, mensonges, médisances et calomnies ont été le pain quotidien du Président et de ses sbires, proches ou lointains. Comment ne pas mettre en cause les agissements d’un tel Président ? Comment ne pas voir que les violences privées et policières sont en lien avec l’ambiance créée par ce gourou qui claironne que le monde appartient aux forts et se refuse aux faibles ?

Peut-être ce point d’orgue – prévisible, et presque attendu – de la démesure trumpesque aura-t-il ouvert les yeux de quelques-uns parmi ses septante-quatre millions d’électeurs. Mystère impénétrable : pourquoi autant d’êtres humains, la plupart normalement constitués, ont-ils pu jeter leur dévolu sur ce trublion dépourvu de tout scrupule ? Et que donnerait un nouveau vote ? La question effraie.

Le sens premier de « trompe-la-mort » n’est pas non plus sans pertinence pour Trump. Comment ce distillateur de haine a-t-il échappé à l’assassinat ou même, pour autant qu’on sache, aux tentatives d’attentat ? N’appelait-il pas lui-même les « forts » à sauver l’État américain ? C’eût été, du point de vue de certains, un moyen d’y parvenir. Sans doute les services de sécurité ont-ils été mieux entraînés à protéger le Président que le Capitole. Peut-être aussi les candidats assassins se situent-ils surtout dans les franges d’extrême droite, qui comptaient – et continuent à compter – sur sa complaisance.

Rarement un Président aura suscité, aux États-Unis et dans le monde, des sentiments aussi exacerbés, allant de l’adoration à l’exécration. Le meneur affirme maintenant à ses suiveurs que « le combat pour la grandeur de l’Amérique ne fait que commencer ». Difficile pourtant d’imaginer quelles voies lui restent ouvertes après s’être à ce point discrédité. Mais combien d’Américains mettront ce discrédit à son crédit dans les années qui viennent ? Personne n’en sait rien pour le moment. Toutefois, un nabab reste redoutable lorsque tous les moyens lui sont bons.

À court terme, il est utopique de bâtir en rêve une société américaine pacifiée pour la simple raison que son nouveau leader renonce à insulter, à haïr et à discriminer. Les États-Unis n’en ont pas fini avec Trump, même s’ils ont pu vérifier, pendant des années, que la violence, ça trumpe énormément.

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