Gérald Papy

« Le Moyen-Orient, sans les chrétiens, ne serait plus le Moyen-Orient »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Barack Obama avait quatre « bonnes » raisons d’ordonner des frappes aériennes sur les bataillons de l’Etat islamique qui, en Irak, ont repris leur offensive vers les territoires contrôlés par les Kurdes.

Raison humanitaire pour éviter les massacres génocidaires contre les chrétiens et contre les yezidis, ces adeptes d’une religion monothéiste du XIe siècle qui puise ses racines en Iran. Politique pour signifier aux dirigeants à Bagdad que l’union nationale s’impose face au plus vaste défi auquel l’Irak est confronté depuis la chute de Saddam Hussein. Economique pour préserver les intérêts américains au Kurdistan. Stratégique pour que ne s’établisse pas sur l’est de la Syrie et l’ouest de l’Irak une sorte d’Etat voyou sur le modèle de l’Afghanistan des Talibans et d’Al-Qaeda. Le souvenir des répercussions de pareille alliance est encore suffisamment vif pour s’en prémunir : le 11-Septembre, une succession d’attentats et, du fait notamment de l’impéritie de George Bush Jr, des années d’instabilité au Moyen-Orient sans durable avancée démocratique…

Pour faire pièce à ce dernier dessein, il aurait mieux valu que cette intervention précède la conquête, le 10 juin par l’Etat islamique, de Mossoul, deuxième ville d’Irak et haut-lieu du christianisme oriental. Les armes et les dollars sur lesquels les djihadistes ont mis le grappin ont permis la percée militaire à laquelle on assiste aujourd’hui. Tardive, la réaction occidentale apparaît en outre mal concertée. Elle rassemble les trois mêmes pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France) qui, avec des résultats controversés, ont opéré en Libye ou ont tenté de le faire en Syrie. Le Conseil de sécurité des Nations unies est mis devant le fait accompli. L’Union européenne est à nouveau absente. La Belgique, embarrassée, est trop attentiste

L’enjeu est pourtant crucial. Il y va de l’existence même d’une communauté, les yezidis, et de la présence ancestrale des chrétiens dans un Moyen-Orient de plus en plus incapable de faire cohabiter ses composantes et de protéger ses minorités. Marginalisés en Egypte, écartelés entre pouvoir et rébellion en Syrie, menacés par la contagion syrienne au Liban, persécutés en Irak… :

les chrétiens paient un énorme tribut à la propagation de l’islamisme radical, vecteur d’intolérance.

Ce n’est cependant pas une opération militaire de cette nature, seule, qui suffira à rendre durablement viable en Mésopotamie la présence des chrétiens, sans défense car dépourvus de milices. C’est l’Etat irakien, préservé d’un démantèlement, qui, au premier chef, doit assurer leur sécurité et s’en donner les moyens. Jusqu’à présent, ses dirigeants n’ont pas fait la démonstration de leur capacité à répondre à cet impératif de « responsabilité de protéger » requis par l’ONU. La désignation d’un nouveau Premier ministre, en lieu et place du sectaire Nouri al-Maliki, entretient au moins l’espoir d’un changement de cap salutaire.

Sans doute n’a-t-on pas encore pris la mesure en Occident du danger que représente l’hydre de l’Etat islamique pour la stabilité régionale et la sécurité mondiale. De la capacité de l’Occident et de ses alliés à réduire son influence dépendront les possibilités de survie des minorités, chrétiennes et autres. A défaut, berceau des trois principales religions monothéistes, le Moyen-Orient, sans les chrétiens, ne serait plus le Moyen-Orient.

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