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« La chasse aux chrétiens est une stratégie de la part de l’Etat islamique »

Stagiaire Le Vif

Le professeur Bernard Coulie, président de l’Institut des civilisations arts et lettres à l’UCL, et spécialiste par ailleurs de l’Arménie, décrypte pour Levif.be la situation actuelle des Chrétiens d’Orient chassés d’Irak. Propos recueillis par Réda Bennani (St.)

Quelle est la stratégie concernant la communauté chrétienne de l’Etat islamique en Irak ?

L’Etat islamique s’est développé dangereusement depuis deux ans à force de conquête de territoires. La chasse aux chrétiens est une stratégie réelle, délibérée de leur part.

Les chrétiens contraints de quitter Mossoul se sont réfugiés dans le Kurdistan, sont-ils mieux protégés là-bas ?

En tout cas mieux que dans le reste de l’Irak, c’est sûr. Il faut savoir que la région kurde bénéficie d’une certaine autonomie, depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991. Elle a développé son administration et son armée, qu’on peut considérer comme bien plus puissante que celle de l’Etat iraquien. De plus, les Kurdes, mêmes fervents musulmans, sont plus tolérants qu’ailleurs.

Comment expliquer le manque de réaction concrète de la part de la communauté internationale ? La communauté internationale ne se mobilise pas concernant le sort des chrétiens d’Orient pour deux raisons : cette mosaïque de confessions est très compliquée à comprendre même pour nos dirigeants. On ne peut analyser ces communautés selon nos grilles de lecture occidentales. Puis l’Europe ne trouve pas d’intérêt majeur et rentable à aller protéger les chrétiens d’Orient. Ensuite, les Etats-Unis et les pays catholiques d’Amérique latine ne se sentent pas concernés. Je trouve que c’est une grosse erreur.

Les chrétiens d’Orient tentent de fuir leurs pays, devenus hostiles. Où peuvent-ils s’exiler ? Les chrétiens d’Orient sont une mosaïque de multiples confessions comme les Grecs orthodoxes, les assyriens, les coptes, les maronites … Ils rejoignent les églises présentes un peu partout dans le monde. Avec leur statut de réfugiés (une fois obtenue), cette communauté, traditionnellement diasporique, se rend dans un pays d’accueil où elle a déjà un proche qui y habite.

Quelles peuvent être les conséquences du départ des chrétiens d’Orient ? A moyen terme, au regard des évènements, il n’y aura plus de chrétiens dans les pays du Moyen-Orient et d’Asie Mineure. Ces pays-là, en tant qu’Etat-nation, vont devenir monoculturel. C’est une grande perte !

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