Un drone de l'OTAN devant le PGE National Stadium à Varsovie, où se tiendra le sommet. © REUTERS/Kacper Pempel

L’Otan se réunit à Varsovie pour se défendre contre toutes les attaques possibles

Les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 pays de l’Otan se retrouvent vendredi et samedi en Pologne pour concrétiser le « plus important renforcement de la défense collective » depuis la fin de la Guerre froide, face à des menaces multiples venues de l’est, avec une Russie ragaillardie, du sud, où l’instabilité s’étend du Proche-Orient à l’Afrique du nord, du cyberespace et de la prolifération des missiles balistiques.

Ce 27e sommet, qui se tient symboliquement dans la ville où est né, puis dissous, l’ancien ennemi de l’Alliance, le défunt Pacte de Varsovie, consacrera le recentrage de l’Otan sur sa mission première: la défense du territoire et des populations de ces Etats-membres. Un mouvement entamé depuis l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par Moscou en mars 2014 et renforcé par les garanties de sécurité exigées par les alliés est-européens, dans un contexte de forte tension avec la Russie.

La mesure-phare de ce sommet sera, selon des diplomates, la décision de déployer par rotations de six à neuf mois, à partir de janvier 2017, quatre « robustes » bataillons multinationaux – comptant de 800 à 1.000 hommes – dans les pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) et en Pologne, membres très inquiets de la politique expansionniste de Moscou dans son voisinage, que ce soit en Ukraine, en Géorgie ou en Moldavie.

La présence de ces troupes alliées – la Belgique envisage d’y contribuer à l’occasion, proportionnellement à sa taille – doit rassurer ces pays ex-satellites de l’Union soviétique en leur donnant la garantie qu’en cas d’intervention russe, les alliés viendront très vite à leur rescousse, comme le prévoit l’article 5 du traité de Washington, fondateur de l’Otan en 1949, qui stipule qu’une attaque contre un des membres doit être considérée comme une attaque contre tous.

En Europe du sud-est, le renforcement de la présence militaire alliée s’articulera autour d’une brigade multinationale en Roumanie – avec une éventuelle participation ukrainienne – et des déploiements plus fréquents de navires en mer Noire, à l’instar de ce qui se fait en mer Baltique.

Au risque de crisper une nouvelle fois la Russie, qui dénonce également la mise sur pied d’une défense anti-missile que l’Otan présente comme uniquement tournée vers des pays comme l’Iran, mais que Moscou soupçonne de chercher à réduire à sa force de frappe stratégique.

Mais l’Alliance cherchera aussi à Varsovie à se préparer à affronter les différentes menaces possibles, depuis les cyber-attaques menées par des Etats ou des groupes divers, jusqu’aux missiles balistiques dont se dotent des pays comme l’Iran, en passant par les formes de « guerre hybride » marquées par la désinformation, le recours à des forces spéciales agissant sans insigne et des menaces contre des structures civiles.

Dans un monde de plus en plus connecté, le cybernétique sera désormais considéré comme l’une des nouvelles dimensions de la défense, aux côtés des forces terrestres, navales et aériennes, selon le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.

L’Alliance annoncera aussi à Varsovie une capacité opérationnelle initiale (OIC) de son système de défense anti-missile, largement bâti au départ de technologies américaines, pour protéger le continent européen des missiles balistiques provenant principalement d’Iran.

Mais cette défense tous azimuts a un prix, alors que la plupart des alliés ont engrangé les « dividendes de la paix » après la chute du Mur de Berlin. C’est pourquoi l’Otan réclame depuis 2014 de ses membres qu’ils stoppent l’érosion de leurs budgets militaires et qu’ils portent leur dépenses de défense à 2% de leur PIB d’ici 2024, un seuil que seuls cinq d’entre eux atteignent.

La Belgique, qui a pourtant l’avantage d’abriter le siège de l’Otan et son principal quartier général militaire, le SHAPE à Casteau, près de Mons, se retrouve en avant-dernière position dans ce classement, avec une estimation à 0,85% pour 2016.

Mais le Premier ministre Charles Michel a assuré mardi qu’il irait « la tête haute » au sommet de Varsovie après l’adoption la semaine dernière par son gouvernement d’une « vision stratégique » pour la Défense à l’horizon 2030 qui compensera – partiellement toutefois dans un premier temps – des décennies d’économies imposées à l’armée.

« Ce gouvernement a décidé un tournant », a-t-il en rappelant que la Belgique devrait porter ses dépenses de défense à 1,3% du PIB d’ici 2030, avec un programme d’achats de matériels militaires pour un montant de 9,2 milliards d’euros, dont le plus emblématique est le remplacement des chasseurs-bombardiers F-16 vieillissants.

Les dirigeants alliés doivent enfin confirmer le maintien de leur engagement envers l’Afghanistan, où l’Otan dirige la mission « Resolute Support » de formation des forces de sécurité afghanes.

En marge du sommet, l’Union européenne et l’Otan, toutes deux basées à Bruxelles mais aux relations souvent distantes en dépit des buts communs qu’elles poursuivent, signeront vendredi une déclaration conjointe sur le renforcement de leur coopération pratique dans des domaines comme les « menaces hybrides », la cyber-sécurité, la coordination des exercices et la coopération en matière de sécurité maritime.

Les grandes dates de l’histoire de l’Otan

L’Otan, qui tient vendredi et samedi à Varsovie son 27ème sommet, a, 67 ans après sa création, à nouveau comme vocation première d’assurer la défense collective de ses 28 membres – et bientôt 29, avec la Macédoine -, tout en « projetant de la stabilité » en dehors de ses frontières.

Voici les grandes dates de l’Alliance atlantique:

– 4 avril 1949: signature à Washington du traité de l’Atlantique nord, fondateur de l’Otan, par douze pays, dont dix européens (Belgique, Danemark, France, Grande-Bretagne, Italie, Islande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas et Portugal), ainsi que les Etats-Unis et le Canada.

– 18 février 1952: la Grèce et la Turquie adhèrent, lors d’un premier élargissement.

6 mai 1955: l’Allemagne fédérale en devient membre.

13 août 1961: construction du mur de Berlin.

4 mars 1966: la France, devenue puissance nucléaire, quitte la structure militaire intégrée de l’Otan, mais en reste membre politique.

1967: le siège de l’Alliance et le grand quartier général des forces alliées en Europe (SHAPE) s’installent en Belgique en provenance de France, respectivement à Bruxelles et Casteau, près de Mons.

1er août 1975: 35 chefs d’Etat et de gouvernement signent « l’Acte final d’Helsinki », sur notamment la reconnaissance des frontières datant de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

12 décembre 1979: « double décision » sur la modernisation des forces nucléaires de l’Otan, avec déploiement prévu en Europe de plus de 500 missiles « à portée intermédiaire » (« Pershing 2 » et missiles de croisière) américains et ouverture de négociations pour limiter de tels déploiements.

30 mai 1982: l’Espagne devient le 16ème membre de l’Otan, sans toutefois s’intégrer immédiatement dans la structure militaire.

novembre 1987: signature du traité soviéto-américain INF sur le démantèlement des missiles de portée intermédiaire, dont les euromissiles déployés en Belgique, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie.

9 novembre 1989: chute du mur de Berlin et, dans les mois suivants, des régimes communistes en Allemagne de l’Est, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie et en Roumanie.

juillet 1990: le sommet atlantique de Londres propose de développer la coopération politique, diplomatique et militaire avec les membres du Pacte de Varsovie. L’Union soviétique accepte que l’Allemagne unifiée soit membre à part entière de l’Otan et de retirer ses troupes de RDA.

3 octobre: l’Allemagne est réunifiée et l’ex-RDA adhère de facto à l’Otan.

novembre: les pays de l’Otan et du Pacte de Varsovie signent à Paris, en marge d’un sommet de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE), le traité CFE sur la réduction des armements conventionnels en Europe et une charte affirmant qu’ils cessent de se considérer comme des ennemis.

31 mars 1991: dissolution du Pacte de Varsovie.

juin 1992: les ministres des Affaires étrangères alliés, réunis à Oslo, acceptent que l’Alliance prenne part à des missions de maintien de la paix.

juillet: l’Otan et l’Union de l’Europe occidentale (UEO) lancent toutes deux une opération de contrôle du respect de l’embargo en Adriatique autour de l’ex-Yougoslavie.

avril 1993: l’OTAN entame ses opérations aériennes au dessus de la Bosnie pour faire respecter l’interdiction de survol décrétée par l’ONU.

10-11 janvier 1994: l’Otan adopte à Bruxelles le programme de coopération militaire du Partenariat pour la paix (PPP) à destination des Etats non membres.

28 février: l’Otan ouvre pour la première fois le feu. Quatre avions serbes sont abattus par deux F-16 américains au-dessus de la Bosnie.

10 avril: premier bombardement au sol, sans précédent pour l’Alliance: deux F-16 de l’US Air Force bombardent des positions serbes dans l’enclave bosniaque de Gorazdé, qui fait l’objet d’attaques serbes répétées.

août-septembre 1995: l’Otan mène une campagne aérienne contre les positions serbes en Bosnie qui mènera aux accords de paix de Dayton (Etats-Unis).

16 décembre: première opération terrestre de l’Otan avec une force de 60.000 hommes déployée pour un an en Bosnie (Ifor). Fin 1996, une force de stabilité (Sfor) prend la relève, avec 31.000 hommes.

27 mai 1997: signature à Paris entre l’Otan et la Russie d’un Acte fondateur, mettant définitivement fin à la Guerre froide.

9 juillet: au sommet de Madrid, accord sur l’élargissement de l’Alliance à trois pays anciennement communistes: la Pologne, la Hongrie et la République tchèque.

24 mars: à la veille de son cinquantenaire, l’Otan lance sa première guerre pour faire cesser la répression serbe contre la population albanaise du Kosovo. Cette campagne aérienne de 78 jours entraîne le retrait des forces serbes de la province, qui passe en juin sous administration de l’ONU, une force de l’Otan (la Kfor) de 40.000 hommes assurant la sécurité.

23-25 avril: un sommet « de guerre » à Washington, en plein conflit du Kosovo, célèbre le 50ème anniversaire de l’Alliance. Il adopte aussi un « nouveau concept stratégique » qui élargit la zone d’action à l’ensemble de la zone euro-atlantique et prend en compte la menace terroriste.

12 septembre 2001: au lendemain des attentats de New York et Washington, l’Otan invoque, pour la première fois de son histoire, l’article 5 de son traité – qui stipule qu’une attaque armée contre un membre doit être considérée comme une attaque contre tous. Mais elle ne joue qu’un rôle mineur dans la riposte américaine en Afghanistan. L’Alliance décide ensuite d’ajuster ses capacités militaires, notamment pour lutter contre le terrorisme.

16 avril 2003: l’Otan décide de prendre la direction de la force internationale d’assistance à la sécurité (Isaf) en Afghanistan, qui devient un fait le 11 août suivant.

29 mars 2004: l’Otan connaît son plus large élargissement avec l’adhésion de sept pays d’Europe de l’est: l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et la Roumanie.

30 juillet 2006: l’Isaf étend son autorité sur l’ensemble de l’Afghanistan, dont les zones troublées du sud et de l’est et affronte quotidiennement l’insurrection des talibans.

3-4 avril 2009: la France reprend sa place « pleine et entière » au sein de l’OTAN, en réintégrant la structure militaire intégrée après 43 ans de bouderie, en échange d’une responsabilité élevée, et accueille l’Albanie et la Croatie.

31 mars 2011: l’Otan prend le commandement de l’intervention occidentale en Libye, au nom de la protection des populations civiles. Baptisée « Unified Protector », cette opération de sept mois conduit de facto au renversement du leader du pays, le colonel Mouammar Kadhafi, et à sa mort aux mains des insurgés.

1er avril 2014: l’Otan suspend toute coopération pratique avec la Russie à la suite de son intervention en Ukraine, tout en maintenant ouvert la possibilité d’un dialogue politique.

4 et 5 septembre 2014: les chefs d’Etat et de gouvernement alliés décident un plan d’actions pour muscler leur défense collective, qui accroît la réactivité des forces armées alliées, le « Readiness Action Plan » (RAP), et créent une force de réaction très rapide, la VJTF.

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