Des chercheurs d'or au Yemen © Reuters

L’Europe se montre plus sévère envers les minerais « de sang »

Les députés européens ont voté mercredi pour que les entreprises vérifient, à chaque étape de la production, l’origine des minerais qu’elles utilisent dans leurs produits, afin de garantir, à terme, que ces minerais soient « exempts de conflit ».

Le résultat final diffère de la proposition initiale, défendue par le PPE Iuliu Winckler, qui plaidait pour la responsabilisation des fonderies qui traitent le tungstène, l’étain, le tantale et l’or. Ces fonderies auraient été obligées de s’assurer que les minerais étaient extraits dans des conditions dignes et propres. Une alliance regroupant les sociaux-démocrates (S&D), la gauche radicale (GUE/NGL), les Verts-ALE, le Movimento Cinque Stelle et des libéraux, dont le Belge Louis Michel, a cependant fait basculer la proposition, emportant à une courte majorité la responsabilisation de l’ensemble des acteurs. Cette alliance a également obtenu de commencer directement le trilogue, les discussions avec la Commission européenne et le Conseil. « Il faudra convaincre le Conseil qu’il faut une économie humaine », a commenté après le vote Marie Arena (PS), qui était rapporteure fictive sur le dossier. L’eurodéputée a indiqué que « les lobbies business ont été extrêmement forts » sur le sujet et qu’elle espère mener « une action de sensibilisation avec des arguments qui ne sont pas idéologiques » envers le Conseil. « La conscience universelle a triomphé sur l’affairisme sordide », s’est réjoui Louis Michel (MR – ALDE).

« Quand les enjeux engagent la conception éthique du bien commun, il est inacceptable de continuer à s’approvisionner en minerais de conflit. » L’objectif, à terme, est de renforcer la transparence des fournisseurs et d’assainir toute la filière de production des minerais en impliquant tous les acteurs dans la vérification de l’origine des minerais. « Le consommateur est dans l’incapacité aujourd’hui de faire des choix », note Marie Arena. « Le contrôle sur toute la chaîne, au final, c’est la garantie pour le consommateur que ses produits sont ‘sans conflits’. » En imposant à tous les maillons de la chaîne de s’informer sur leurs fournisseurs, le règlement européen toucherait aussi les entreprises non-européennes, dont la plupart des fabricants de téléphones. « Les consommateurs européens financent involontairement la mort et la corruption », commente pour sa part Bart Staes, eurodéputé Groen. « Des règles sur base volontaire à propos des minerais de conflit existent depuis des années et n’ont pas apporté d’amélioration. » La vice-présidente des sociaux-démocrates Kathleen Van Brempt (sp.a) s’est également réjouie de l’issue du vote, même si elle a été acquise à une courte majorité. Le CNCD-11.11.11, coupole qui rassemble des associations engagées dans la solidarité Nord-Sud, a salué le vote de mercredi comme « une belle victoire d’étape ».

« La Belgique sera-t-elle à la hauteur de l’enjeu? Les eurodéputés belges francophones ont en tout cas joué un rôle essentiel dans le vote d’aujourd’hui, tous partis confondus », analyse Nicolas Van Nuffel, du CNCD-11.11.11. « Il reste à espérer que le gouvernement belge sera aussi ferme lors des négociations avec ses partenaires européens. Il ne s’agit pas uniquement d’une question de transparence dans les affaires, c’est la vie de milliers de personnes qui est en jeu, en Afrique centrale et ailleurs. » Les entreprises européennes ont par contre exprimé, par la voix de Business Europe, leur déception. « C’est avec regret que nous voyons aujourd’hui le résultat d’un vote basé sur des émotions, ignorant les faits et les leçons tirées de la mise en oeuvre des approches de devoir de diligence basées sur le produit », a déclaré Markus J. Beyrer, directeur général de Business Europe. Malheureusement, le système tel que voté par la séance plénière du Parlement européen n’est ni soutenable pour les opérateurs économiques, ni à même de pourvoir des solutions concrètes aux conflits sur le terrain. »

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