Jean-Louis Dupont, en 2006. © Belga

L’avocat belge qui défie Platini

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Jean-Louis Dupont est parti en croisade contre le fair-play financier décidé par l’UEFA. Au nom de l’agent de joueurs Daniel Striani, il dénonce aussi, plainte à la clé, un  » double conflit d’intérêts  » dans le chef du commissaire espagnol sortant, Joaquin Almunia. Enquête exclusive.

Il y a dix-neuf ans, le 19 décembre 1995, Jean-Louis Dupont obtenait, avec Luc Misson, devant la Cour de justice européenne, une révolution copernicienne du football continental. L’arrêt Bosman, du nom du joueur du FC Liège qu’ils défendaient, libéralisait définitivement le marché des transferts en supprimant les quotas nationaux au sein des clubs et en donnant aux joueurs en fin de contrat la possibilité de changer gratuitement de club. Le 6 mai 2013, Dupont a entrepris une nouvelle croisade d’envergure contre deux colosses européens, l’UEFA, instance dirigeante du football continental, et la Commission européenne. Objectif ? Obtenir l’annulation de la réglementation du fair-play financier, décidée par l’UEFA et voulue à tout prix par son secrétaire-général, le Français Michel Platini, pour réguler les finances des clubs européens. Selon l’avocat, ce texte est illégal au regard des règles de la concurrence.

La plainte qu’il a déposée à cette fin auprès de la Commission européenne, au nom de l’agent de joueurs belge Daniel Striani, a pourtant été écartée le 24 octobre dernier. Par l’Espagnol Joaquin Almunia, qui finissait son mandat de vice-président de la Commission européenne en charge de la Concurrence. Mais l’affaire va rebondir. Une enquête du Vif/ L’Express met en avant de nouveaux éléments entachant la crédibilité d’Almunia. L’homme qui a rejeté la plainte de Jean-Louis Dupont est susceptible d’être accusé d’un « double conflit d’intérêts ». Contacté par nos soins, l’avocat belge confirme le dépôt d’une nouvelle plainte.

Le 21 mars 2012, la Commission européenne avait donné son feu vert au fair-play financier, avant même son entrée en vigueur. Dans une déclaration conjointe, Platini et Almunia affirment leur volonté de travailler étroitement autour de ce principe. En mai 2013, Jean-Louis Dupont dépose sa plainte au nom de Daniel Striani. Celui-ci est directement concerné par la décision de l’UEFA : elle risque de faire perdre de substantiels revenus à sa profession, de l’ordre de 15%. Le 24 octobre 2014, la Commission informe par courrier Striani que sa plainte est rejetée et renvoyée devant un tribunal de première instance bruxellois.

Contacté par Le Vif/ L’Express, l’avocat affirme que « Monsieur Striani estime que l’ex-vice-président de la Commission européenne était doublement dans une situation de conflit d’intérêts et nous avons donc décidé de déposer une plainte devant le médiateur européen pour mauvaise administration. » Double conflit d’intérêt ? D’abord, le commissaire espagnol n’aurait pu accréditer une remise en cause de son soutien initial au fair-play financier, dont les accents étaient très politiques. Ensuite, Almunia est « socio » de l’Athletic Bilbao. En d’autres termes, il est un « membre actif » de l’asbl à qui appartient le club. Or Bilbao a été désignée comme l’une des treize villes hôtes de l’Euro 2020 cher à… Michel Platini parce qu’il se jouera dans l’Europe entière. Ce qui a permis au club d’obtenir des subsides publics pour rénover son stade.

Aucune preuve. Mais suffisamment de doutes autour de l’impartialité d’Almunia pour pousser Jean-Louis Dupont à ne pas désarmer.

L’enquête dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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