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L’Accident de Smolensk : la théorie du complot relancée

Le Vif

Il y a sept ans, l’avion du président polonais Lech Kaczynski se crashait à Smolensk en Russie. Jaroslaw, son frère jumeau, est revenu au pouvoir il y a deux ans et il pense qu’il s’agit d’un attentat. Le chef de l’enquête sur le crash vient d’affirmer que l’appareil s’est désintégré en vol, avant de toucher le sol.

Cette catastrophe, qui alimente un débat politique divisant profondément les Polonais, a servi aux conservateurs de cheval de bataille pour revenir au pouvoir. Le gouvernement du parti nationaliste polonais Droit et Justice (PiS) avec à sa tête Jaroslaw Kaczynski le frère jumeau du président tué à Smolensk ont lancé leur propre enquête.

Lui et nombre de ses partisans mettent en doute les résultats d’une enquête officielle selon laquelle la chute de l’avion présidentiel était due à des négligences et au mauvais temps, lui opposant l’hypothèse d’un complot polono-russe et d’une explosion à bord.

Jaroslaw Kaczynski a souvent et jusqu’à récemment accusé Donald Tusk d’être « moralement responsable » du crash.

Désintégré en plein vol

Le chef de cette enquête gouvernementale sur le crash de l’avion présidentiel polonais en 2010 à Smolensk a affirmé lundi qu’une nouvelle analyse montrait que l’appareil s’est désintégré en vol, avant de toucher le sol. Waclaw Berczynski, qui conduit une nouvelle commission d’enquête mise en place par le gouvernement conservateur arrivé au pouvoir en 2015, a fait cette déclaration le jour du 7e anniversaire du drame où avaient péri le président Lech Kaczynski et 95 autres personnes, pour la plupart des hautes personnalités.

De nombreuses cérémonies devaient marquer lundi cet anniversaire, avec la participation des plus hautes autorités de l’Etat. Selon le parti nationaliste au pouvoir Droit et Justice (PiS), dirigé par le frère jumeau du président décédé, Jaroslaw Kaczynski, le crash n’était pas accidentel, contrairement à ce qu’avait établi la première enquête menée sous le gouvernement du libéral Donald Tusk. Celle-ci avait conclu à des erreurs humaines et de mauvaises conditions météorologiques. Selon elle, l’appareil se serait écrasé au sol après avoir été définitivement déstabilisé en heurtant un bouleau.

« L’avion a commencé à se désintégrer et à perdre des pièces dans l’air. Elles sont tombées au sol loin de ce bouleau », a dit M. Berczynski. « Le bouleau n’a eu aucune influence sur la catastrophe », a-t-il poursuivi. « On a eu l’explication selon laquelle l’avion a heurté le bouleau d’une aile et s’est retourné, ce qui a causé la catastrophe, mais ce n’est pas la vérité ».

L’enquêteur, qui a dit tirer cette conclusion de l’analyse des conversations entre les pilotes et les contrôleurs aériens russes, a reconnu toutefois « ne pas connaître à l’heure actuelle » la cause de la catastrophe. Des fragments de l’avion ont été envoyés ce mois-ci à quatre laboratoires étrangers pour chercher d’éventuelles traces d’explosifs, tandis que la justice polonaise a dit avoir l’intention d’inculper les contrôleurs russes pour avoir « intentionnellement » provoqué la catastrophe, une thèse que Moscou a aussitôt condamnée. Une nouvelle analyse de preuves, dont des enregistrements des conversations entre l’avion présidentiel et la tour de contrôle de Smolensk, « a permis aux procureurs de formuler de nouveaux chefs d’inculpation contre deux contrôleurs aériens, citoyens de la Fédération de Russie, ainsi qu’à une troisième personne qui se trouvait alors dans la tour de contrôle », a déclaré à la presse le procureur en chef adjoint Marek Pasionek. Les deux contrôleurs russes avaient été déjà inculpés par le parquet polonais en 2015, l’un pour « avoir provoqué le danger direct d’une catastrophe aérienne » et le deuxième « pour avoir provoqué non intentionnellement une telle catastrophe ».

Les enquêteurs polonais procèdent actuellement à l’exhumation de toutes les 96 victimes pour vérifier les causes de leur mort, en dépit de l’opposition d’une partie de leurs familles.

Varsovie demande en vain à la Russie de restituer l’épave de l’avion, qui s’est écrasé à Smolensk le 10 avril 2010. Selon Moscou, cette restitution ne sera possible que lorsque la justice russe aura achevé sa propre enquête judiciaire. Pour Varsovie, l’épave a une valeur symbolique, mais elle est surtout une pièce à conviction majeure qui pourrait permettre d’établir si le crash est dû à un accident ou un attentat.

Tusk accusé à Varsovie de « trahison diplomatique »

Le ministre polonais de la Défense Antoni Macierewicz a accusé fin mars l’ancien Premier ministre Donald Tusk de « trahison diplomatique » dans l’enquête sur le crash de Smolensk.

Le ministre Macierewicz avait déposé au parquet national une « information sur la possibilité d’un délit », dit « trahison diplomatique » passible d’une peine de prison allant jusqu’à 10 ans de réclusion.

Délit commis, selon lui, par l’ancien Premier ministre dans l’exercice de ses fonctions, « entre le 10 avril 2010 (date du crash) et le 20 septembre 2014, en rapport avec l’examen des causes et circonstances de la catastrophe de Smolensk », a indiqué à l’AFP la porte-parole du parquet Ewa Bialik.

Cette démarche est survenue moins de deux semaines après la réélection de Donald Tusk à la présidence du Conseil européen, à laquelle le gouvernement conservateur polonais a cherché en vain de s’opposer, subissant une défaite humiliante.

Le ministre de la Défense reprochait notamment à M. Tusk de ne pas avoir réussi à récupérer l’épave de l’avion présidentiel. Il l’accuse aussi d’avoir choisi un mécanisme légal, la Convention de Chicago, pour enquêter sur les causes de la catastrophe ce qui a empêché, selon lui, la partie polonaise de participer pleinement à l’enquête. Il a déclaré, dans une interview publiée mardi par le quotidien nationaliste Gazeta Polska Codziennie, que Donald Tusk devrait répondre au pénal pour « avoir conclu avec (le président russe) Vladimir Poutine un accord illégal au détriment de la Pologne ».

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